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Comment lever les derniers freins au recyclage des déchets du BTP ?

Publié le 23 juin 2015

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Depuis la signature de la charte sur la gestion des déchets de plâtre en 2008, les industriels n'ont cessé de faire croître le recyclage des déchets de plâtre. Ils ont recyclé 66 000 tonnes de déchets en 2014, soit plus de 15 % des déchets de plâtre. Au cours d'un débat, les principaux acteurs de la filière et les représentants des pouvoirs publics sont revenus sur les enjeux du recyclage des déchets de chantier. Des freins subsistent encore pour le développement d'une économie circulaire. Explications.
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Les déchets de plâtre issus des chantiers de construction et de déconstruction représentent un gisement d'environ 350 000 tonnes. « Nous avons signé la charte le 1er janvier 2008. Au 31 décembre, nous en recyclions déjà 10 000 tonnes. Aujourd'hui, nous en valorisons 66 000 tonnes », rappelle Denis Kleiber, président des Industries du Plâtre.

Si des efforts significatifs ont été réalisés ces dernières années, ils ne sont en réalité que le fruit d'une idée qui a fait son chemin à la fois dans l'esprit des industriels et des pouvoir publics : l'économie circulaire allie bénéfices pour l'environnement et intérêts économiques.

« Aujourd'hui, on sent bien que l'économie circulaire est à la fois bénéfique pour l'environnement, représente une véritable opportunité pour la création d'emplois, participe à enrichir le savoir faire industriel et favorise le tissu des PME locales, avec des emplois non délocalisables », fait valoir Baptiste Legay, chef du département politique de gestion des déchets au Ministère de l'Ecologie.

Un Green Deal pour les déchets du BTP

C'est pourquoi le gouvernement a intégré le développement de l'économie circulaire dans sa loi pour la transition énergétique. Dans la version proposée dans la loi, un objectif (de la directive cadre déchets de 2008) de recycler 70 % des déchets du BTP à l'horizon 2020 a notamment été inscrit.

« Nous sommes en pleine transition, des évolutions vont avoir lieu, les entreprises se positionnent et anticipent pour identifier les opportunités », explique Baptiste Legay. « Mais il n'est pas facile de progresser vers cet objectif car il reste encore différents freins », reconnaît le responsable. « La prise de conscience des maîtres d'ouvrage n'est pas généralisée, il manque des exutoires pour savoir quoi faire de ces déchets, et il faut être vigilant à ce qu'une législation trop contraignante n'encourage pas les dépôts sauvages », énumère le chef du département politique de gestion des déchets au Ministère de l'Ecologie.

Pourtant, les pouvoirs publics attendent de formaliser l'engagement pour l'instant uniquement volontaire des entreprises, selon Baptiste Legay. Cela pourrait se faire sous la forme d'un Green Deal dans lequel « les industriels feraient des propositions aux pouvoirs publics pour les graver dans le marbre. Cet engagement gagnerait ainsi en visibilité et en crédibilité ».

Fixer des objectifs quantifiés

Mais pour un Green Deal « consistant », il « faudrait des engagements chiffrés (taux recyclage, taux d'incorporation etc.) qui viendraient non pas des pouvoirs publics mais des filières elles-même », précise-t-il.

« On y arrivera pas tout seul, répond toutefois Vincent Hannecart, vice-président des Industries du Plâtre, mais en intégrant tous les maillons de la chaîne. Il reste encore un travail à faire sur le tri, la collecte et le contrôle des recyclats. On collecte 10 à 15 % de déchets en plus par an et nous intégrons 7 à 15 % de recyclats dans nos produits. Compte tenu de la demande, imposer un taux de recyclat dans les produits ne fait pas sens. Cette obligation peut conduire à des effets pervers, prévient-il, même si aujourd'hui, la filière plâtre veut faire plus, mieux, avec moins ».

Encourager les éco-comportements

« Des inquiétudes persistent, notamment sur la question assurantielle, lorsqu'un produit est remis en oeuvre sur un chantier. Avec la multiplication des normes, la question du recyclage (et de la chaîne de responsabilité ndlr.) n'est pas que l'affaire d'une partie du secteur de la construction mais de l'ensemble de la filière », précise Patrick Liébus.

« Le mieux serait donc d'adopter un éco-comportement, que les industriels réfléchissent au recyclage de leurs produits en amont, au moment de leur conception, mais aussi préparer et former les jeunes pour être plus rationnel sur le chantier (réfléchir à la largeur des pièces par rapport au produit, le système de calepinage pour limiter les chutes etc.) car la déconstruction ça ne s'invente pas ! », assure le président de la Capeb. « Enfin, il faut qu'il y ait une égalité de traitement entre les négoces classiques et les GSB sur la question du recyclage des produits ».

Patrick Liébus fait ici référence à un amendement du Gouvernement dans la loi de la transition énergétique qui impose à l'ensemble des distributeurs de matériaux de construction d'organiser à partir du 1er janvier 2017 sur leur site de vente la reprise des déchets issus de l'utilisation de ces matériaux.

Rester vigilant sur le maillage territorial

« Reste qu'il faudra rester vigilant sur la mise en place du maillage territorial avec les acteurs locaux », souligne François Przybylko, vice-président du syndicat des recycleurs du BTP. L'une des principales difficultés dans les territoires est de mobiliser le foncier public pour développer des centres de collecte et de tri des déchets. « Plus le tri est fait sur le chantier, moins il est fait sur l'installation, il faut entrer davantage dans un système donnant-donnant. Mais il y a aussi de vraies questions à se poser sur le rôle des déchetteries publiques, celui des distributeurs et le coût final de la collecte », explique François Przybylko.

« L'approche de l'économie-circulaire implique de sortir d'une culture de gaspillage des ressources, y compris intellectuelle », conclut François Michel Lambert, vice-président de la commission développement durable de l'Assemblée nationale et président-fondateur de l'institut de l 'économie circulaire. « Il faut aider les acteurs qui vont plus loin que les autres, notamment en inversant la logique actuelle, pour que les marchés publics privilégient les produits recyclés. La question n'est plus de savoir si l'économie circulaire va se mettre en place mais comment faire évoluer notre culture de confrontation permanente vers une culture plus collaborative », conclut-il.

Propos recueillis par Claire Thibault

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