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Dans l’UE, de nouveaux leviers pour s’émanciper du gaz russe

Publié le 05 septembre 2022

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Depuis le début de l’année, l’émancipation du gaz russe est un sujet brûlant de l’agenda européen. Si un plan d’investissement commun en ce sens est prévu pour asseoir leur souveraineté énergétique, certains Etats-membres mènent leurs propres initiatives. Tour d’horizons des stratégies dévoilées cet été par quatre pays : la France, la Hongrie, l’Allemagne ainsi que le Danemark.
Dans l’UE, de nouveaux leviers pour s’émanciper du gaz russe - Batiweb

Ce vendredi matin, le président de la République Emmanuel Macron réunissait un Conseil de défense consacré à l’approvisionnement en gaz et en électricité

Autour de la table : la Première ministre Elisabeth Borne, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et son ministre des Comptes publics Gabriel Attal, ainsi que les ministres chargés de la Transition énergétique Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher

Il faut dire que l’urgence continue d’aller crescendo depuis le début de la guerre en Ukraine fin février, et ses dégâts collatéraux sur l’approvisionnement en gaz russe. Le géant Gazprom a notamment annoncé semaine dernière la fin de ses livraisons à Engie. De quoi craindre pour le chauffage en automne et en hiver. 

Une peur répandue dans toute l’Union européenne, bien que celle-ci ait investi 210 milliards d’euros pour s’affranchir des combustibles russes, faisant notamment la part belle aux énergies renouvelables. 

Mais au-delà de ce budget européen, chaque État-membre semble trouver sa formule, afin d’affirmer son indépendance énergétique. D’ailleurs, certains ont profité de l’été pour mettre les bouchées-double. 

La France se tourne vers les réseaux gaziers algériens

 

La France, par exemple, tend à répartir ses pions, entre le coup d’accélérateur législatif donné aux énergies renouvelable début juillet, mais aussi un changement de fournisseur en gaz. Pour rappel, l’UE importait 47 % de son gaz en Russie, et la France 20 %.

Parmi les potentiels pays exportateurs : l'Algérie, dont les réserves prouvées de gaz naturel, selon l’AFP, s’élèvent à environ 2 400 milliards de m3. Le pays fournit ainsi 11 % du gaz consommé en Europe, et entre 8 et 9 % en France, comme le rappelait Emmanuel Macron lors de son déplacement en Algérie, entre le jeudi 25 et le vendredi 26 août.

 

Le président a tenu par ailleurs à souligner au micro de France 24, que « la France dépend peu du gaz dans son mix énergétique. Nous c’est à peu près 20 % ». Mais bien que le gaz algérien « n’est pas quelque chose qui peut changer la donne », cela n’a pas empêché un rapprochement entre la Sonatrach, mastodonte de l’hydrocarbure en Afrique, et Engie, énergéticien français dont la présidente, Catherine MacGregor, faisait partie de la délégation officielle qui accompagnait Emmanuel Macron, en Algérie. 

L’occasion pour la DG d’évoquer le sujet avec Toufik Hakkar, patron de la Sonatrach et Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Energie et des mines, à en croire Europe 1. Un échange qui prolonge l’accord conclu début juillet entre les deux groupes, sur le prix du gaz livré à l'énergéticien français. Concrètement, aucun chiffre sur l’augmentation des livraisons de gaz algérien à la France, n’a été confirmé par les deux gouvernements en négociation.

Cependant, Olivier Véran, porte-parole de l’Elysée assure que des « annonces seront faites prochainement », tandis que toujours selon Europe 1, il serait question d’une hausse d’environ 50 %. De quoi assurer les arrières de la France durant l’hiver, même si le gouvernement a assuré que la pays avait déjà sécurisé ses volumes en amont, à hauteur de plus de 90 % des stocks. 

En Hongrie, le pari de la géothermie ?

 

Probablement par sa proximité avec la Russie, il n’est guère surprenant d’apprendre que la Hongrie tire 85 % de ses stocks de gaz de la Russie, selon franceinfo. Le gouvernement de Viktor Orban, bien qu’il condamne la guerre, défend toujours Moscou, notamment concernant l’embargo européen sur le pétrôle russe.

S’il reçoit toujours ses stocks, le pays subit quelques trémolos dans son approvisionnement, suite à une pause dans le gazoduc Nord Stream en maintenance. Des baisses compensées par le gazoduc TurkStream, cependant alimenté par le gaz russe. Autant dire que la dépendance de la Hongrie envers l’hydrocarbure russe se maintient, au rythme de nombreux contrats signés par le gouvernement hongrois. 

Pour l’heure, l’Etat consomme annuellement 10 milliards de m3 de gaz. Pourtant, pour un pays niché entre les Alpes et les Carpates, la Hongrie dispose en sous-sol entre 80 à 90 millions de m3 d'eau thermale. D’après l’association Magyar Termalenergia Tarsasa (MTT), ces températures peuvent atteindre plus de 90°C.

Le terrain est donc propice à la géothermie, forme d’alimentation énergétique négligée, en particulier en Hongrie. Malgré ses 260 stations thermales, le pays exploite seulement à 1,5 % la géothermie à des fins de chauffage, alors que la ressource pourrait en représenter le quart, toujours selon le MTT. 

 

L’engouement n’a certes pas gagné l’ensemble du territoire, mais quelques communes se convertissent à la géothermie, comme celle de Szeged. Située à deux heures de Budapest, la ville de 160 000 habitants a décidé, bien avant la guerre en Ukraine, de lancer un vaste système géothermique. Balazs Kobor, directeur de la compagnie municipale de chauffage Szetav, chargée du projet, a même commencé à approcher les décideurs en 2015, dans l’idée d’exploiter les eaux brûlantes enfouies à 2000 mètres de profondeur. 

Financé en partie par des fonds européens, le projet verrait sa note monter à 50 millions d’euros. Mais le jeu en vaudrait la chandelle, car ce seraient 27 000 appartements et 400 clients non résidentiels de Szeged alimentés grâce à cette ressource, à l’issue des travaux en 2023. Le tout par un enchevêtrement de 27 pompes, 16 centrales et 250 km de tuyaux, qui pourraient remplacer les réseaux de chauffage urbain, datant de l’ère communiste.

Alliance entre l’Allemagne et le Canada sur l’hydrogène vert

 

Le 23 août dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz rencontrait Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, à Terre-Neuve. Cette visite outre-Atlantique n’a pas abouti à un accord de livraison de gaz naturel liquéfié du Canada. 

Bonne nouvelle toutefois : les autorités canadiennes se sont engagées à livrer 25 à 30 millions de tonnes d’hydrogène vert au pays, d’ici à 2025. De quoi encourager l’Allemagne sur le chemin l’hydrogène vert, dont le développement est à l’étude depuis déjà plusieurs années. 

Pour l’heure, un seul électrolyseur, permettant de fabriquer de l’hydrogène à Lingen, dans la Ruhr, est en chantier, tandis que d’anciens gazoducs Outre-Rhin sont en passe de devenir des hydrogénoducs. 

Des perspectives  « encourageantes » mais encore insuffisantes, juge l’hebdomadaire munichois Focus, relayée par Courrier international. Chiffres à l’appui : les réserves du pays étaient remplies à 75 % vers la mi-août, donc encore loin de l’objectif 95 % d’ici début novembre, fixé par le gouvernement Scholz. 

Montée en puissance de l’éolien offshore au Danemark

 

Le Danemark, de son côté, entend bien accélérer l’éolien offshore. Ce mardi 30 août, le pays et autres voisins de la mer Baltique se sont accordés pour multiplier par sept la capacité de cette ressource, d’ici 2030.

La suite logique d’un plan d’indépendance énergétique au gaz russe, présenté en avril par le gouvernement. Au programme : chauffage urbain, pompes à chaleur, biogaz mais également quadruplement des centrales solaires et surtout de l'éolien terrestre, à horizon 2030. 

A savoir que le gaz constitue 18 % de l’énergie consommée par le Danemark chaque année, d’après les statistiques officielles. Disposant depuis longtemps de ses propres gisements en mer du Nord, mais les stocks se déclinent. Sûrement une raison de plus pour favoriser l’éolien en mer sur le territoire danois, avec l’objectif d’atteindre 20 gigawatts de capacité, soit l’alimentation de 20 millions de foyers. 

« C'est plus que la capacité éolienne offshore actuelle dans l'ensemble de l'UE », vantait la Première ministre danoise, Mette Frederiksen auprès de l’AFP. A travers son accord transeuropéen, le pays de la Mer baltique espère générer une capacité totale de 93 gigawatts d’ici 2050. Un accord similaire a été conclu entre l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique, visant 150 gigawatts d'éoliennes en mer du Nord d'ici 2050. 

A son échelle, ce lundi, le Danemark avait affirmé son objectif de réhausser de 2 à 3 gigawatts sa capacité éolienne au large de l'île de Bornholm. Le but ? Assurer l’alimentation énergétique de trois millions de foyers danois, tout en livrant une partie à l’Allemagne. Bémol toutefois : certains habitants craignent une dégradation du paysage. La polémique n’est d’ailleurs pas sans rappeler les projets d’éolien en mer en France, qui semait la discorde durant l’entre-deux-tours des présidentielles

Cependant :  « Il y a un avant et un après 24 février 2022. Avec l’invasion de l’Ukraine, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour acquérir notre indépendance face aux sources d’énergies russes », soutenait à Arte, Lea Wermelin, ministre danoise de l’Environnement, alors en visite sur l’île de Bornholm début de semaine dernière.

 

Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock 
 

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