ConnexionS'abonner
Fermer

Vers une signalétique plus sobre dans le bâti

Publié le 14 juin 2024

Partager : 

Comment réaliser une signalétique sobre ? Voilà une question posée à l’agence Félix et Associés. Entretien avec son fondateur Thomas Félix, et Thomas Faivre, designer graphique.
Vers une signalétique plus sobre dans le bâti - Batiweb

Pouvez-vous présenter l’agence Félix et Associés ? 

 

Thomas Félix : Tous les membres de l’équipe sont des designers. Après, il y a des spécificités métiers : des designers graphiques, des designers d’espaces et des designers produits. La signalétique mixe un travail de designer graphique et de designer produits, dans la mise en oeuvre de certaines solutions sur mesure. 

Cela doit-il s’opérer à l’extérieur ou à l’intérieur du bâtiment ? 

 

Thomas Félix : Les deux. La signalétique s'opère d'abord à l'extérieur et ancre le nom de la marque, visible de la voie de circulation desservant ce bâtiment. Mais il y a aussi des panneaux d'orientation qui, dès l'entrée du site, vont signifier la marque, les services et les usages qui vont être desservis sur ce site, avec une codification et une stratification particulières. 

Signalétiques intérieur et extérieur du siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : Félix et Associés
Signalétiques intérieur et extérieur du siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : Félix et Associés

La signalétique s'applique également à l'intérieur du bâtiment, dans toutes les circulations, depuis la porte d'entrée jusqu'à l'indication du bureau. 

Quand vous parlez de signalétique sobre, qu'est-ce que cela implique ?

 

Thomas Faivre : Depuis un an, l'entreprise est labellisée B corp. Donc, on a à cœur à prendre en compte la sobriété énergétique dans la fabrication de la signalétique.Cela peut être de la sobriété par le choix d’éléments non-lumineux. Cela peut être par de la parcimonie en termes de consommation de matériaux. Voire de la parcimonie en termes d’implantation signalétique, c’est-à-dire limiter la signalétique pour qu’elle soit justement et efficacement disposée, plutôt qu’imposée. C’est aussi la prise en compte de l’espace architectural comme paysager.

Siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : Simon Cohen
Siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : Simon Cohen

On a beaucoup travaillé, en l’occurence, pour le Crédit Mutuel Arkea, à Brest, qui s’implante dans un très beau paysage, naturel, très sauvage, extrêmement boisé et fleuri, qui a été fortement pris en compte par Arkea dans son siège social. C’était à nous de faire un numéro d'équilibriste entre mettre une signalétique suffisamment visible et invisible.

Thomas Félix : Faire une signalétique sobre est un petit peu paradoxal. Car la signalétique par définition doit être visible et efficace pour présenter une marque, orienter les publics, etc. On parle de sobriété parce qu'on parle de respect de l'environnement, on parle de sobriété numérique, on parle de sobriété en termes de matériaux, d’équipements, de réalisations, etc.

Comment votre projet au siège social Crédit Mutuel Arkea applique cette sobriété ? 

 

Thomas Félix : Le premier parti pris radical, c'est qu'on ne fait pas de signalétique lumineuse et gourmande en énergie par nature. On va privilégier un travail de mise en contraste du logo, de la façade du bâtiment , avec un choix spécifique de proportion, d'intégration au bâtiment lui-même.

Thomas Faivre : C'est une prise en compte du voisinage et également au gré des évolutions et des demandes des architectes des bâtiments de France et des mairies. C’est une évolution qui me semble assez logique, c'est-à-dire de faire moins grand, moins lumineux, moins tape-à-l’oeil. 

On évite aussi le plastique, en se concentrant plus sur des matériaux aluminium et stratifiés.

Siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : FJaffres
Siège social Crédit Mutuel Arkea à Brest - Crédits photo : FJaffres

Et pour quelles solutions opter pour orienter ces publics la nuit  ?  

 

Thomas Faivre : On peut lier l’illumination de ces éléments par des capteurs de mouvement, donc uniquement quand il y a du passage.

À l'agence, on a fait un test d'enseignes lumineuses, qui, plutôt que d’utiliser un matériau plastique diffusant en façade, on a utilisé un plastique recyclé, avec une diffusion très particulière, très originale.

Avez-vous une estimation de l’impact carbone de ces nouveaux choix de matériaux ? 

 

Thomas Félix : Malheureusement, on n'en est pas là et j'aimerais bien que l'on progresse là-dessus. Mais il faudrait pouvoir comparer un projet non vertueux à un projet vertueux et on ne fait pas encore l'exercice jusqu'au bout.

Thomas Faivre : On a des outils qui nous permettent de comparer l'impact d'un matériau par rapport à un autre, qui nous permettent de faire des choix, mais on n'en est pas, à la fin de notre projet, à calculer l'impact positif par rapport à un autre choix de matériaux classiques.

D'autant qu'aujourd'hui, la plupart de nos clients ne demandent pas ces éléments de comparaison sur l’éco-responsabilité, mais plus sur la différence de prix.

Thomas Félix : On va plutôt travailler sur un budget global. On sait par définition que les solutions vertueuses ne sont pas les plus économiques. On sait même qu'elles peuvent générer de la plus-value. Donc c’est l'équilibre entre la sobriété de notre dessin, de la justesse des proportions et des quantités, qui vont plutôt rééquilibrer la proposition et la rendre acceptable et vertueuse.

La réalité virtuelle, c’est un outil [le logiciel Weviz, NDLR], qu’on utilise beaucoup qui nous permet de valider effectivement le niveau de déambulation et la perception de la signalétique ou des équipements sur un cheminement. Quand on fait un projet comme ça, il y a la vision de loin, la vision de près, la vision depuis un fauteuil roulant, depuis une voiture, depuis la voie de circulation, etc.

Quelle différence de prix peut-il y avoir entre un matériau classique et un matériau alternatif ? 

 

Thomas Faivre : En termes de prix, j'ai chiffré trois matériaux différents, pour le projet du parking Gambetta à Bordeaux. Il y avait la formule classique en aluminium 3 mm, une en plastique entièrement recyclé qu'on appelle du RMMA - à la différence du PMMA, qui est le plastique classiquement recyclé, et parfois pas recyclable - et la solution dibon 100 % aluminium.

Sachant qu'aujourd'hui, la majorité du dibon, ce sont deux feuilles d'aluminium qui prennent en sandwich une feuille de PVC, ce qui est irrecyclable, parce qu'elles sont tellement collées et c'est très compliqué de retirer de l'aluminium. Aujourd'hui, il y a des solutions avec deux feuilles d'aluminium et une feuille ondulée d'aluminium qui a le mérite de laisser passer l'eau et l'air, donc c’est beaucoup plus léger et facile à installer. C'est quasiment le même prix entre les trois à entre 5 et 10 % près

Est-ce que la sobriété de la signalétique est abordée dans la réglementation ? 

 

Thomas Faivre : Généralement, il est de bon ton de demander aux architectes de bâtiments ou aux services d'urbanisme des mairies quel est le règlement aujourd'hui, et s'il y a un nouveau règlement à venir d'ici un ou deux ans. La réglementation est assez floue

Thomas Félix : Il n'y a pas de règles aujourd'hui, sur la qualité environnementale de la signalétique. Effectivement, il y a un sujet sur son impact en termes de luminosité, son impact visuel, la pollution visuelle, potentiellement. Et effectivement, c'est très varié d'une commune à l'autre. À chaque fois, on est sur des cas particuliers. Dans le cadre des DTU, des règles architecturales ou environnementales, la signalétique n'est pas un sujet encore établi.

Y a-t-il une sensibilisation poussée de vos designers sur la sobriété de la signalétique ? 

 

Thomas Félix : On a fait en interne un travail de référencement de matériaux alternatifs, plus respectueux de l'environnement, issus de filières de recyclage. Aujourd'hui, l'une des pistes d'amélioration de cette sobriété dans le cadre d'un travail de signalétique - qui n'est pas forcément suffisamment lumineuse, bien loin de là - c’est l’usage de ces matériaux alternatifs du plexiglass, du PVC ou autre.

Et les installateurs dans tout ça ?

 

Thomas Félix : Cette matériauthèque, on a voulu en faire une ressource pour nous, mais aussi pour eux. On a généré des rencontres entre nos fournisseurs mais également nos entreprises tous corps d’états, des menuisiers industriels, des spécialistes de l’enseigne et de la signalétique. Et puis on a réalisé aussi quelques tests. On est allé amener un morceau de plastique recyclé par exemple chez notre enseigniste et il a joué le jeu.

Thomas Faivre : Il y a aussi des salons de type Architect@work auxquelles certains enseignistes ou fabricants-poseurs vont se rendre de plus en plus régulièrement, pour justement découvrir ces nouveaux matériaux qui ne sont pas forcément mis à l'honneur dans leur cercle habituel. 

À quelle étape du chantier vaut-il mieux intégrer la signalétique ?

 

Thomas Félix :  Par définition, une signalétique est quelque chose qui vient généralement en couche supplémentaire. On va amener des éléments graphiques, visuels et colorimétriques. Pour un projet au Cultura de Mérignac, on a eu toutefois la chance de pouvoir intervenir assez tôt. Et du coup, la signalétique est devenue presque un élément architectural à part entière. Il y a une sorte de continuité, finalement, entre le travail architectural et la signalétique. Ce n’est pas quelque chose qui vient se sur-rajouter. Même si on a été confronté aux deux cas de figure.

Siège de Cultura à Mérignac - Crédits photo : Félix et Associés
Siège de Cultura à Mérignac - Crédits photo : Félix et Associés

Thomas Faivre : J'ai le sentiment aussi qu'il y a de plus en plus d'agences d'architectes, quelles que soient d'ailleurs leur échelle, qui prennent en compte la création des éléments signalétiques. Cela va dans le bon sens.

Vers quelles évolutions tend la signalétique ? 

 

Thomas Faivre : Elles sont très liées à tout ce qu'on a pu dire, c'est-à-dire l’éco-réponsabilité. Elles sont aussi pas mal liées à la mobilité des gens dans leurs espaces de travail. Et au fait que moins en moins d'espaces de travail fixe, donc c’est lié aux évolutions sociales. Il y a également des évolutions graphiques très vastes, très fuyantes. Parce qu'une signalétique, il faut qu'elle soit valable dix, vingt ans après.

Espace de travail de Feed Manager - Crédits photo : Félix et Associés
Espace de travail de Feed Manager - Crédits photo : Félix et Associés

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Félix et Associés

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.