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Réforme du DPE : vers une massification des convecteurs électriques ?

Publié le 17 décembre 2020

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Nous vous partagions hier les témoignages de Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable et d’Olivier Sidler, expert en efficacité énergétique, à propos de la RE2020, et son impact sur l’innovation. Aujourd’hui, nous nous intéressons à la réforme du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), qui suscite elle aussi des inquiétudes. Le point sur cet outil, et son évolution dans le temps.
Réforme du DPE : vers une massification des convecteurs électriques ? - Batiweb

La première partie du webinaire organisé, mercredi 16 décembre par l’association Énergies et Avenir, était consacrée à la RE2020 et son impact sur l’innovation, et plus particulièrement sur la boucle à eau chaude. Un débat qui s’est ensuite poursuivi autour d’un autre sujet d’actualité, à savoir la réforme du DPE.  

Rappelons que la politique du logement a fait de la fiabilisation du dispositif, une de ses priorités. L’objectif des pouvoirs publics étant de faire du DPE « un outil stratégique de valorisation de la performance énergétique », et de support aux actions de rénovation. Le dispositif, tel qu’imaginé, permettra-t-il d’atteindre les objectifs ? 

Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable, a tout d’abord rappelé que le dispositif avait été conçu comme « un outil de sensibilisation », servi dans un premier temps « par des professionnels non spécialisés dans la performance énergétique que sont les diagnostiqueurs immobiliers », et « qui a pu être distribué sur l’ensemble du territoire français à très bas coût ». L’outil était « discret dans la première phase puisque somme toute, il était ajouté à des actes parmi un certain nombre de diagnostics, et les personnes concernées y jetaient un regard distrait et souvent tardif », a expliqué Philippe Pelletier. 

Un changement s’est fait lorsqu’en 2010, il a été imposé, sans qu’il y ait de sanctions assortissant cette obligation, l’affichage du DPE dans les vitrines des agences immobilières. Le dispositif a alors « acquis une visibilité », est devenu un outil « structurant (…) de la connaissance que nous avions, ou que nous prétendions avoir du parc immobilier, au point que le notariat développe régulièrement des études permettant de repérer la valeur d’un bien en fonction de son classement DPE. Tout naturellement, ce processus a conduit la représentation nationale à dire qu’il fallait que ce diagnostic devienne opposable ».

Des travaux ont alors été lancés pour rendre ce diagnostic « fiable », ce qui a conduit à multiplier le nombre d’indications renseignées dans le DPE, à accroître progressivement les prérequis des diagnostiqueurs appelés à le servir, et aujourd’hui à améliorer le lien entre le diagnostic, et ses utilisateurs, ses bénéficiaires « pour qu’il soit parlant, pédagogue, facile d’accès, signifiant », a expliqué le président du Plan Bâtiment Durable. 

Plusieurs éléments sont en discussion comme par exemple « le passage de l’expression de la performance énergétique d’énergie primaire à énergie finale ». Un élément est quelque peu venu perturber cette réforme, « le poids carbone de l’électricité qui est bougé, et le coefficient de conversion de l’électricité abaissé de 2,58 à 2,3, qui peut avoir sur la construction et la cohérence du diagnostic de performance énergétique, un effet tout à fait délétère ». Philippe Pelletier a néanmoins indiqué qu’il était aujourd’hui affirmé comme « hors de question que les différents scénarios que l’on va mettre en œuvre puissent évacuer des catégories F et G des logements qui sont énergivores, il n’y aura pas de tour de passe-passe, pour éradiquer subitement la précarité énergétique qui existe dans notre pays ». 

Tout une série de scénarios ont en effet été imaginés par l’administration de façon à « éviter tout dérapage », et que l’outil « soit en phase avec la nouvelle définition des critères énergétiques de décence du logement ». 

Une réforme pertinente ? 

Olivier Sidler semble moins convaincu et a dit douter « de la pertinence » de la réforme du DPE. S’il a reconnu que l’outil était devenu « un indicateur intéressant pour les particuliers », il a souligné le fait que les ménages ne savent pas toujours ce qu’est un kilowattheure d’énergie primaire, ou un kilowattheure d’énergie finale, voire un kilowattheure d’énergie utile. Argumenter « qu’il soit nécessaire d’aller en énergie finale pour que le particulier comprenne mieux, c’est faux, ça ne marchera pas », a-t-il estimé. « Le particulier avait appris qu’une étiquette en classe A ou B, ça correspondait à des coûts d’exploitation faibles », contrairement aux étiquettes E, F et G. « L’idée de fiabiliser le DPE est très bien. A partir du moment que ça intervient dans le coût de construction, les gens veulent que le DPE soit quelque chose de très fiable. Mais ça reste une méthode de calcul qui est déjà très simplifiée, c’est une méthode dite conventionnelle, c’est-à-dire que ce n’est pas une prévision ». « Ce que je vois aujourd’hui, c’est que tout le monde va chercher à vérifier par la comparaison des compteurs et l’affichage du DPE, si c’est bien en phase. Mais ça ne l’est pas par construction ». Olivier Sidler a ainsi expliqué craindre la multiplication de procès pour lesquels « il n’y aura pas de réponse ».  

« La vraie raison de la réforme, c’est de faire en sorte que dans la rénovation, il y ait beaucoup plus d’électricité qui pénètre », a-t-il poursuivi. Ça peut être « une bonne chose lorsqu’elle est utilisée via des PAC (…). Mais l’analyse que j’ai aujourd’hui, c’est que malheureusement, on va directement vers une massification des convecteurs, et pratiquement pas de pompes à chaleur dans la rénovation des bâtiments », a-t-il avancé. Il a estimé que la réforme était fondée sur trois impostures : « elle est construite sur une règle qui n’est pas conforme à la directive européenne de mai 2018 », « elle ne respecte pas un certain nombre de réglementations en place qui ont défini des seuils objectifs ». Et fait passer le CEP de 2,58 à 2,3 (les pouvoirs publics ayant retenu un facteur d’émission de 79g CO2/kWh). « La vraie valeur aujourd’hui, c’est 2,7, et dans la réalité, on est plutôt autour de 3 ». 

Des logements écartés du dispositif ? 

Olivier Sidler s’est ensuite référé à l’étude Phébus qui avait permis de répertorier le nombre de passoires thermiques : 8,9 millions de logements dans les classes F et G, qui étaient « assez en phase avec les 6,8 millions de précaires ». Une nouvelle étude conduit à 4,8 millions le nombre de logements en classe F et G, une étude sur laquelle la réforme est construite, a-t-il pointé. « On a voulu sortir les logements chauffés à l’électricité. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut continuer à avancer sur des bases aussi peu justifiables ». 

L’association Énergies et Avenir rejoint Olivier Sidler sur cette idée de maintenir une étiquette en énergie primaire afin qu’elle reflète au mieux « la performance des systèmes énergétiques et l’impact sur les ressources de la planète ». « Il faut que cette information soit cohérente avec la facture des consommateurs » et « vis-à-vis du droit européen et de la stratégie nationale bas carbone. L’affichage en énergie primaire est prévu par la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (…). La commission européenne a annoncé récemment vouloir mettre en place un DPE à l’échelle européenne qui sera, selon toute vraisemblance, mesuré en énergie primaire ». 

« Un DPE en énergie finale ferait mécaniquement passer le nombre de passoires énergétiques chauffées à l’électricité de 2,6 millions à 254 000, c’est l’étude publiée par le CGDD », a-t-il regretté. 

Parmi les propositions d’Énergies et Avenir, « valoriser davantage les systèmes d’automatisme et de contrôle des bâtiments car ils contribuent significativement à la performe du système de chauffage, et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». « Ce qu’on préconise, c’est de s’appuyer davantage sur la boucle à eau chaude qui est une filière dynamique et engagée », a conclu Philippe Méon. 

Rose Colombel
Photo de une : ©Adobe Stock

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