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Transition énergétique : les éoliennes repoussées deux fois plus loin des habitations

Publié le 18 février 2015

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A l'occasion de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique, les Sénateurs ont fixé à 1 000 mètres, la distance entre l'implantation d'une éolienne et les habitations, afin de protéger les riverains. Pour les constructions précédentes, la loi fixait cette distance à seulement 500 mètres. Les professionnels du secteur éolien demandent d'ores et déjà le retrait de cette mesure. Réactions du Syndicat des énergies renouvelables (SER) et de la Fédération énergie éolienne (FEE).
Transition énergétique : les éoliennes repoussées deux fois plus loin des habitations - Batiweb

Le vent tourne pour les énergies renouvelables. Alors que l'essence même du projet de loi sur la transition énergétique, actuellement examiné par le Sénat, vise à favoriser le développement des énergies renouvelables, un amendement voté dans la nuit de mardi à mercredi, renverse la vapeur.

Les sénateurs viennent en effet de fixer la distance entre une éolienne et des habitations à 1 000 mètres, soit le double de ce que la loi demande actuellement. Le bruit et ses conséquences sanitaires sont pointés du doigt ainsi que la laideur des installations.

« Allez donc vous promener près d'une éolienne géante : le bruit est infernal », assure l'auteur de cet amendement Jean Germain (PS). « De loin, un citadin qui passe, trouvera cela beau et majestueux. Pour les ruraux, ça l'est moins », a-t-il ajouté.

« Pour des raisons médicales, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont fixé une distance minimale de 1,5 kilomètre ; les États-Unis qui ne sont guère connus pour appliquer le principe de précaution, 2 km », poursuit l'élu.

Limiter l'impact sanitaire

Un argument que balaie d'un revers de la main le Syndicat des énergies renouvelables. « Les machines récentes sont plus puissantes mais également plus performantes d’un point de vue acoustique pour répondre à la réglementation spécifique qui leur est applicable dans le cadre de la police ICPE. Cette police d’exploitation régit le niveau sonore des éoliennes durant la totalité de leur exploitation », explique le SER dans un communiqué.

Et de rappeler que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail avait conduit une étude en 2013 qui indiquait : « Les émissions sonores des éoliennes ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes, tant au niveau de l’appareil auditif que des effets liés à l’exposition aux basses fréquences et aux infrasons. À l'intérieur des logements, fenêtres fermées, on ne recense pas de nuisances ou leurs conséquences sont peu probables au « vu » des bruits perçus. En ce qui concerne l'exposition extérieure, les émissions sonores des éoliennes peuvent être à l'origine d'une gêne, souvent liée à une perception négative des éoliennes. ».

Eviter l'accumulation des recours

Le bruit n'est cependant pas le seul argument du Sénat pour faire accepter cette mesure. « Avec mon amendement, on concentrera les éoliennes dans des zones inhabitées et les parcs atteindront une taille critique. Le monde rural ne veut pas passer par pertes et profits », explique Jean Germain. Alors que pour le rapporteur Louis Nègre : « ce qui compte, ce sont les résultats : comment obtenir des éoliennes assez bien acceptées pour éviter l'accumulation des recours ».

Là encore ce justificatif ne passe pas du côté de la Fédération énergie éolienne (FEE), qui regroupe la quasi-totalité des acteurs du secteur en France. Cette disposition, si elle était maintenue, « serait catastrophique » et « neutraliserait » toutes les autres mesures favorables à l'éolien adoptées par le Sénat sur ce texte. « Dans des zones d'habitats dispersés, cela peut grever fortement le développement éolien et cette distance de 1 000 mètres n'est basée sur aucune analyse », insiste pour sa part Frédéric Lanoë, président de la FEE, cité dans un communiqué.

Le SER a d'ailleurs conduit en urgence une enquête auprès d’un panel représentatif de ses membres. Il en ressort que pour l’ensemble de ces acteurs, de toute taille, pas moins de 90 % de leurs projets seraient impactés par cette disposition et pour une large part abandonnés. « En effet, même dans le cas d’une installation où les éoliennes ne seraient pas toutes concernées par cette contrainte nouvelle, les porteurs seraient inévitablement conduits à abandonner leur projet dont l’équilibre économique serait profondément modifié», note le syndicat. D’après cette enquête, la mise en œuvre de cette disposition s’apparenterait à un arrêt définitif du développement de parcs éoliens dans les régions du grand Ouest où l’habitat est particulièrement dispersé (Bretagne, Pays de la Loire, Basse-Normandie, Haute-Normandie) et à une fragilisation grave du développement dans le reste de la France.

Les professionnels insistent également sur le fait que cette disposition « obérerait » l'atteinte de l'objectif, adopté par le Sénat, de 40 % d'énergies renouvelables dans le mix électrique à l'horizon 2030.

« Nous souhaitons le retrait de cette disposition qui n’est pas fondée scientifiquement et qui sera de nature à grever durablement notre capacité à tenir nos objectifs de développement en matière d’énergie éolienne alors que celle-ci est incontestablement l’un des points d’appui fondamental de la transition énergétique », écrivent Jean-Louis Bal, président du SER et Jean-Baptiste Séjourné, président de la commission éolienne du SER dans un communiqué commun. « Nous mesurons désormais l’impact réel de cette disposition et il confirme qu’il est absolument nécessaire que celle-ci soit retirée du texte définitif au risque de remettre en question l’atteinte des objectifs en matière d’énergie renouvelable et les 10 000 emplois actuels de la filière ».

 

Le barème d'indemnisation pose problème

Dans un autre registre, les sénateurs ont également supprimé l'article du projet de loi concernant le barème d'indemnisation des propriétaires lésés par l'implantation d'une éolienne.

« La systématisation du principe d'indemnisation est inquiétante, qui pourrait être étendue par exemple aux antennes-relais », a estimé M. Nègre. « En attendant de trouver la bonne rédaction, tenons-nous en au régime de responsabilité de droit commun prévu par le code civil » qui prévoit qu' « en l'absence d'un accord avec l'exploitant, l'indemnisation est déterminée au cas par cas par le juge civil », a ajouté l'élu des Alpes-Maritimes.

Le projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée nationale, est examiné au Sénat jusqu'au 19 février. Il fera l'objet d'un vote solennel le 3 mars.

C.T (avec AFP)
© Kara - Fotolia

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