ConnexionS'abonner
Fermer

BulldozAIR : le digital au service d’une meilleure organisation des chantiers

Publié le 22 juin 2021

Partager : 

Le BTP est un secteur souvent accusé de retard en matière de digitalisation. Or, pour Ali El Hariri, co-fondateur de la plateforme de coordination et de suivi de chantiers BulldozAIR, le digital est la solution pour améliorer les échanges entre professionnels, l'organisation et la productivité. Entretien.
BulldozAIR : le digital au service d’une meilleure organisation des chantiers - Batiweb

Comment est née la plateforme BulldozAIR ? 

 

Ali El Hariri : Mon associé Maxence Lerigner et moi avons co-fondé BulldozAIR il y a huit ans. Lui est ingénieur logiciel, moi ingénieur en travaux publics. J’ai piloté plusieurs chantiers, principalement de grands projets hospitaliers et du tertiaire. J’ai aussi peu travaillé en cabinet d’architecture. Pendant toutes ces phases-là, je voyais que le système était un peu cassé : beaucoup de déplacements sur site, les collaborations étaient extrêmement compliquées.

Quand je suis parti travailler auprès d’un major de la construction, j’attendais beaucoup au niveau de l’organisation, de la modernité, du digital. Et mon quotidien c’était gérer les choses parfois avec des post-it, de la paperasse et autres moyens rudimentaires. Il y avait des outils digitaux, mais qui étaient plutôt dédiés à la productivité, la qualité, les achats, mais pas vraiment à la coordination. Quand j’ai quitté la société, je suis allé d’entreprise en entreprise, de chantier en chantier, montrer des maquettes et tester les besoins. 

On a commencé par aborder plutôt les TPE/PME, mais le marché n’était pas suffisamment mûr. On est passé alors dans une logique de pilotage de grands travaux, avant de s’ouvrir aux plus petits en 2021, car leurs besoins sont radicalement différents.

En quoi les besoins entre grands groupes et TPE/PME du BTP sont-ils différents ?

 

Ali El Hariri : Dans les grands groupes, il y a beaucoup de monde, c'est difficile à coordonner. Ces entreprises sont donc plus dans une démarche de standardisation des échanges de travail pour plus de cohérence et de productivité. Les petites entreprises ne cherchent pas à standardiser car ils sont trop peu dans les équipes et elles sont déjà efficaces par leur collaboration. Ce dont elles ont besoin c’est d’avoir plus d’affaires ou travailler leurs coûts.

Quelles solutions apportez-vous pour répondre à ces attentes ?

 

Ali El Hariri : Nous éditons avant tout un logiciel de suivi de chantier et de gestion de projets. Concrètement, nous avons une application mobile utilisée d’un côté par des conducteurs de travaux, maîtres d’œuvres, ingénieurs… On leur donne une application mobile qui fonctionne sans réseau et qui peut leur permettre de prendre des photos, de retranscrire leurs paroles en texte, et de remplir des fichiers digitaux. Ce travail de saisie et reporting, on l’estime à entre 8 et 10 heures par personne et par semaine. 

A côté de cela, nous avons des gens dont l’objectif n’est pas la vitesse, mais plutôt la traçabilité, la maîtrise du risque, le respect des délais etc. Il s’agit plus de managers, responsables de projets, des maîtres d’œuvre en bureau, maîtres d’ouvrage technique… Depuis leur bureau, ils vont avoir une vue d’ensemble sur tous leurs chantiers : statistiques, alertes, avancements… On permet alors à ces deux catégories de collaborer sans avoir à se déplacer.

Combien de temps économisé pour ces professionnels ?

 

Ali El Hariri : Environ 25 à 30 % du temps est libéré, non pas pour d’autres chantiers, mais pour d’autres choses en rapport avec la mission : mieux encadrer les travaux, mieux coordonner, avoir des actions plus pertinentes d’un point de vue technique. Ainsi, on intervient également sur les sources des désordres et d’augmentation de budgets de chantiers.  

Que pensez-vous de la situation dans les entreprises de BTP, en termes de digitalisation et de recrutement ? 

 

Ali El Hariri : Aujourd’hui, lorsque vous regardez au niveau des statistiques, il n’y a plus beaucoup de jeunes qui viennent travailler dans le bâtiment et les travaux publics. Pourquoi ? Parce que c’est dur, les horaires sont costauds, on travaille en extérieur… Les jeunes vont donc de moins en moins vers les métiers manuels : maçon, soudeur… Dans le domaine de l’encadrement, on ne forme plus suffisamment les conducteurs ou ingénieurs de travaux.

Par rapport à ça, le digital a plusieurs rôles. D’abord attirer dans l’encadrement les jeunes, qui commandent tout avec leur téléphone mais qui doivent faire des allers-retours pour déposer un papier ou pour consulter un plan. Le digital a aussi un impact indirect sur l’opérationnel. Aujourd’hui, le maçon va faire le travail trois fois sur un projet : construire, déconstruire, reconstruire. On va lui faire déplacer son poste de travail plusieurs fois, parce que l’encadrement a été mal organisé et anticipé. Le digital va lui servir car le travail sera mieux planifié. 

Qu’est-ce qui permettrait une meilleure digitalisation du BTP selon vous ?

 

Ali El Hariri : Il y a déjà une partie des marchés qui vont imposer des sujets comme la maquette numérique. Maintenant la réalité c’est que oui, il faut imposer la chose dans un cadre réglementaire pour que ça puisse évoluer. Mais mieux que l’imposer, c’est prouver qu’il y a un vrai bénéfice derrière. J’ai des entrepreneurs qui prennent des outils pour se démarquer vis-à-vis de leur client, lui montrer qu’ils sont bien structurés, qu’ils ont de la méthode et des logiciels.

C’est un attrait commercial. Pour moi, il faut d’abord montrer la valeur par le bas, c’est-à-dire par le côté opérationnel. Et ensuite, il faut massifier avec un cadre réglementaire, et ça va mettre du temps, car il y aura des gens qui vont jouer avec la réglementation. Dans le BTP, les gens sont très sceptiques et méfiants, car il y a beaucoup de charlatans. C’est le même scepticisme qu’il y a pour les acteurs digitaux, qui peuvent promettre la lune. 

Avez-vous d'autres projets en cours pour aider les entreprises de BTP ?

 

Ali El Hariri : Notre grande nouveauté de 2020-2021 a été de réduire le temps de reporting de 10 heures à quelques secondes, notamment avec générateur automatique des comptes rendus de réunion. On a sorti une nouvelle application pour IPhone et IPad dans l’optique d’universaliser son accès par tout le monde et partout. On a eu également récemment une levée de fonds de 4 millions d’euros pour développer nos produits mais aussi pour s’internationaliser, sur les continents européen et africain. 

Propos recueillis par Virginie Kroun

Photo de une : Ali El Hariri
 

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.