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Pénurie de semi-conducteurs : le court-jus industriel à éviter

Publié le 14 février 2022

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On le sait, les pénuries impactent le BTP sur plusieurs matières premières : bois, acier, PVC… Mais qu’en est-il des semi-conducteurs, dont les problèmes d’approvisionnement court-circuitent les industries des solutions thermiques et smart-home. Le point avec Guillaume Flipo, directeur des Opérations de l’Unité Électronique et Connectivité du groupe Atlantic.
Pénurie de semi-conducteurs : le court-jus industriel à éviter - Batiweb

Le BTP accuse encore le coup de pénuries de matières premières : bois, acier, PVC et même semi-conducteurs. 

Pour ce matériau,  « la reprise mondiale a été plus rapide que prévue et qu’anticipée », commente Thierry Breton commissaire européen au Marché intérieur, pour France Info, France Inter et le Monde en novembre dernier. Il évoque notamment une multiplication du prix « des semi-conducteurs par cinq ou six, pour certains des éléments critiques, notamment les microcontrôleurs ».  

Les facteurs en cause ? Sans aucun doute la crise sanitaire et les multiples confinements, provoquant un besoin d’outils de télétravail et de loisirs à la maison (jeux vidéo…), faisant exploser la bulle de la demande. 

« Je pense que le pic est plutôt derrière nous et que pour revenir à la normale, il faudra encore plusieurs trimestres (…) Ce serait sans doute prématuré d’envisager un retour total à la normale en ce qui concerne la demande, avant l’été », estime Thierry Breton. 

Or, les semi-conducteurs, couplés à des composants, permettent de créer des cartes électroniques. Cartes électroniques elles-mêmes essentielles pour la fabrication dans l’automobile, les jeux vidéo mais aussi les solutions de confort thermique.

Miser sur une production de cartes électroniques internalisée

 

Sur la fabrication des cartes électroniques, certains fabricants de solutions thermiques ont misé sur l’indépendance et l’internalisation.

C’est le cas du groupe Atlantic, qui « a décidé très très vite, dans les années 2000, à être autonomes en développement et fabrication de cartes électroniques », nous raconte son directeur des Opérations de l’Unité Électronique et Connectivité, Guillaume Flipo. 

Il poursuit : « Notre production a évolué d’année en année. Aujourd’hui, on atteint 4 millions de cartes électroniques développées et produites en France, à la Roche-sur-Yon. L’objectif, c’est d’atteindre les 6 millions de cartes électroniques pour accompagner le développement du groupe, notamment par rapport à la décarbonation, en proposant à nos clients des produits de plus en plus connectés… »

Car en internalisant cette étape de la production, le groupe cherchait de base à répondre à plusieurs axes stratégiques. Notamment, bien entendu, la réduction de la consommation d’énergie par le consommateur final, que ce soit par la solution adoptée (PAC, chauffe-eau thermodynamique…) ou bien leurs fonctionnalités smarthome (commande à distance ou automatisation des régulations thermiques…)

Mais l’objectif premier du groupe Atlantic, c’est de « maîtriser le savoir-faire du confort thermique, car les algorithmes qu’on utilise sont extrêmement complexes. Donc on les a développés par nous-même, on les optimise par nous-même... », développe Guillaume Flipo. 

La stratégie d’internalisation a été aussi un moyen de maîtriser les supply-chain « qui est très prépondérante, on le voit depuis effectivement  depuis un an et demi, deux ans. La crise sur les semi-conducteurs frappe tout le monde. Le fait d’être indépendant et autonome, nous permet d’aller vers du double, voire du triple sourcing sur des composants stratégiques », affirme le directeur des Opérations de l’Unité Électronique et Connectivité du groupe Atlantic. 

L’Asie, encore un grand fournisseur de composants

 

« On est capable de remplacer un composant par un autre, si on n’arrive pas à s’approvisionner, en faisant bien entendu toutes les homologations, les qualifications et les validations. On est aussi en capacité de faire des redesign, donc on change complètement le design de la carte électronique pour notamment accepter un changement de microprocesseur [ou plus communément appelé le semi-conducteur, NDLR], car celui qui est prévu initialement ne peut pas être approvisionné », ajoute Guillaume Flipo.  

Mais qui dit une telle dynamique dit nécessité d’une « taskforce, entre la logistique, les achats, les équipes R&D pour aller piloter, en fonction des besoins des composants, sur le moyen-long terme, une pénurie et identifier les composants critiques », détaille l’intéressé. 

Une mécanique bien huilée qui permet de gagner en indépendance et anticipation en termes d’approvisionnement à l’échelle nationale. Ainsi, globalement, les fournisseurs asiatiques représentent 10% de la production contre 40 % de Français et le reste en Europe, notamment de l’Est, mais aussi en Afrique du Nord. Toutefois, d’un matériau à un autre la sécurité et la diversité d’approvisionnement ne sont pas les même. 

Par exemple, pour tout ce qui est composant électronique et semi-conducteur, les industriels français comme le groupe Atlantic restent tributaires des pays asiatiques.  Certes il y a « STMicroelectronics, qui fabrique la première partie du composant, mais la deuxième partie, ce qu’on appelle le back-end est faite en Asie », nous explique le directeur des Opérations de l’Unité Électronique et Connectivité de la marque. Cependant, face aux pénuries et la demande galopante, les délais d’approvisionnement s’allongent, passant de « 16 à 20 semaines pour certains composants, à plus de 52 semaines », précise-t-il.

Sûrement est-ce pour diminuer ce délai  que le commissaire européen au Marché intérieur annonçait ce mercredi 9 février un plan d’investissement massif par l’UE. 43 milliards d’euros d’aides publiques et privées devraient être injectées dans l’industrie des semi-conducteurs, dont 12 milliards pour la R&D et 30 milliards pour la production. 

« Une excellente nouvelle », pour Guillaume Flipo. « Maintenant, fabriquer des composants électroniques, c’est un processus très long. D’ici à ce que ce soit mis en œuvre, il va s’écouler un peu de temps. Et je pense que ces 43 milliards, c’est un point de départ. Il faudra sans doute revoir progressivement ces investissements dans les prochaines années pour devenir moins dépendant de l’Asie », pondère-t-il. 

D’autant, qu’à l’entendre, la France, comme l’Europe, sont tout à fait de taille, que ce soit en savoir-faire, ingéniosité ou investissement. Leur évolution dans ce domaine ne dépend selon lui que d’une « décision stratégique. Et je pense qu’on va dans le bon sens ».

En attendant qu’une telle machine industrielle s’élève, le groupe Atlantic prépare la sienne pour 2024, avec 2200 m2 de surface achetée à La Roche-sur-Yon (85), pour agrandir son site de production de cartes électroniques. Parmi les équipements prochainement mis en place, on compte un laboratoire, des nouveaux bureaux pour la R&D et notamment une nouvelle ligne de fabrication de cartes électroniques, mais aussi, bientôt de semi-composants venus d’Europe.

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une :  Atlantic
 

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