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Hausses de prix dans le BTP : une déclaration de solidarité suffisante ?

Publié le 11 juillet 2022

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Ce lundi matin, différents représentants de la filière BTP étaient réunis à Bercy, au ministère de l’Économie et des Finances. La raison de cette réunion ? La signature d’une déclaration commune de solidarité, pour faire face aux pénuries et hausses de prix dans le secteur.
Hausses de prix dans le BTP : une déclaration de solidarité suffisante ? - Batiweb

Une semaine après le remaniement, Olivia Grégoire, nouvelle ministre chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, s’attaque à un gros dossier : les difficultés d'approvisionnement et hausses de prix dans le BTP. « Le secteur du bâtiment et des travaux publics repose sur de nombreuses PME et TPE qui font face à une situation difficile dans un contexte de hausse des prix sur les matériaux de construction », observe l’intéressée.


Ce lundi matin, une déclaration de solidarité entre les différens acteurs du secteur du BTP a été signée. L’aboutissement d’une concertation entre différents représentants professionnels, lancée il y a plus d'un an, le 15 juin 2021, et pilotée par le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet. 


L’idée de cet engagement commun ? Permettre aux professionnels une discussion « d’égal à égal » et « dans un esprit de responsabilité », sur toute la chaîne d’approvisionnement dans le BTP : industriels, transformateurs, distributeurs, commerce de gros, entreprises de travaux, et maîtres d’ouvrage privés et semi-publics. Malgré un plan de résilience présenté en mars dernier par Bercy, l’ensemble de parties sont toujours impactées par les tensions sur l'approvisionnement et l’inflation des prix des énergies, matières premières, composants, matériaux de construction, fournitures, équipements, et de transport.


Un comité de crise pour identifier les bonnes comme les mauvaises pratiques


Sur le papier, les signataires s’engagent à respecter les « bonnes pratiques » affichées par le comité de crise. Parmi elles, on relève notamment la diffusion d’une « information précise, fiable, en temps réel, ou temps court » sur les perspectives d’approvisionnement et d’évolution des prix. Une préconisation qui fait écho au raccourcissement des délais de publication des index de la construction, annoncée fin mars dernier. Une réorganisation très complexe à mettre en œuvre. 


« C’est très très technique. Il y a cinq, six, sept, huit et des fois dix facteurs pour faire un index. Avec les services de la médiation, depuis plus d’un an maintenant et évidemment avec l’Insee, nous avons travaillé tous ces facteurs-là. Nous avons réussi sur quelques index à les valoriser, à les rendre plus crédibles », se réjouit Olivier Salleron, président de la FFB. 


D’où la nécessité selon le comité de crise d’un « traitement équitable dans la relation client-fournisseur », sans « comportements opportunistes, tels que des achats spéculatifs qui aggravent ces difficultés ». Cela comprend les augmentations de prix « sans délai de prévenance raisonnable ». Recommandation qui va de pair avec une répercussion des augmentations de prix dans les marchés de travaux.


Autre bonne pratique : l’« aménagement des conditions d’exécution des marchés », notamment l’« insertion d'une clause de rencontre et/ou de réexamen en cas de circonstances imprévues ». Selon le comité de crise, il convient aussi, dans le public comme le privé, de prolonger ou de suspendre les délais d'exécution des marchés sans sanctions « dès lors que les difficultés d'approvisionnement ne permettent pas de les respecter ».

La déclaration de solidarité appelle également les maîtres d’ouvrage à « verser des avances adaptées à la nécessaire anticipation des commandes de fournitures et d’autres modalités d’aide à la trésorerie des entreprises de travaux. Au besoin, les entreprises de travaux fournissent leurs calendriers prévisionnels et effectifs de livraison ».

Au moins tous les trois mois, les signataires devront faire un point sur la mise en œuvre de leurs engagements. Si le comité de crise du BTP lié à cette déclaration tend à corriger « les comportements anormaux », il tend aussi à « promouvoir les bonnes pratiques, pour donner envie à d’autres de rejoindre ce mouvement », soutient Pierre Pelouzet. D’ailleurs une autre recommandation du document est le recours à la médiation qu’il préside.

Gratuit et confidentiel, le dispositif de médiation proposé par le gouvernement est disponible sur le site mediateur-des-entreprises.fr. Selon les chiffres du médiateur des entreprises, il s’agirait d’une solution qui a fait ses preuves dans le BTP, car le nombre d’entreprises du secteur concernées par ce type de médiation est passé de 13 % en 2020 à 20 % aujourd’hui.  

 

Un texte de « bonnes intentions » à perfectionner

 

Pour l’heure, la liste des co-signataires de la déclaration de solidarité comprend l’Association française des Industries des produits de construction (AIMCC), l’Alliance des minerais, minéraux et métaux (A3M), la Confédération des grossistes de France (CGF), la Chambre Nationale de l’Artisanat des Travaux publics et Paysagistes (CNATP), France Bois Industries Entreprises (FBIE), la Fédération Française du Bâtiment (FFB), la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP), la Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction (FDMC), la Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication (FIEEC), l’Organisation des Coopératives d’achat des artisans du bâtiment (ORCAB), ainsi que l’Union Sociale pour l’Habitat (USH).


Si les intentions sont bonnes, elles ne convainquent pas tout le monde, en particulier la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB), qui ne figure pas parmi les co-signataires. Certes, son président, Jean-Christophe Repon, était présent lors de la signature, pour féliciter le travail de concertation mené depuis plus d’un an, notamment pour réduire les délais de publication des index de BT à 45 jours. Toutefois, il estime qu’il y a encore du chemin à faire sur ce sujet.


« Nous souhaitons encore plus de lisibilité sur les indices », a-t-il précisé. Il évoque pour exemple des industriels, revendeurs, et fournisseurs privés, qui sont « partenaires de la CAPEB et qui ont signé au mois d’avril un engagement, qui dit un délai d’un mois. Donc, c’est plutôt satisfaisant pour nous. Sauf qu’on ne le retrouve pas dans la déclaration commune », déplore-t-il, craignant une baisse importante de l’activité dans le bâtiment à la fin du second semestre 2022.


La peur d’une récession se fait également sentir chez la FNTP, qui a hésité avant de signer cette déclaration. Julien Guez, directeur général de l’organisation des travaux publics, y voit certes « un texte de bonnes intentions ». « On s’associe parce que rien n’est nuisible dans ce qui est écrit. Moi j’attends beaucoup des Assises de la Construction. Mon sujet n°1 c’est certes la lutte contre l’inflation, mais aussi la poursuite de l’activité », a-t-il ajouté.


Plus qu’un texte de bonnes intentions, la déclaration de solidarité des acteurs du BTP face aux hausses de prix est aussi « un texte d’équilibre », qui tend à évoluer dans le temps, concède Pierre Pelouzet. Le médiateur des entreprises et Olivia Grégoire s’accordent même à dire qu’il envoie « un signal » important dans la concertation entre acteurs du BTP.


Concertation qui devrait se poursuivre lors des prochaines Assises du BTP. « Je rencontrerai, en septembre prochain, les acteurs du secteur pour annoncer des premières mesures en matière d’équilibre économique des opérations, de simplification et de transition écologique », a annoncé Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, dans un communiqué diffusé par Bercy.


Virginie Kroun

Photo de Une : V.K

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