IA : BTP Consultants déploie un outil pour les contrôleurs techniques

Pouvez-vous nous présenter BTP Consultants et votre parcours en quelques mots ?
Elia Abou Chaaya :BTP Consultants est une entreprise qui a été créée en 1996. Les principaux métiers, ce sont le contrôle technique et la coordination SPS, mais aussi les diagnostics immobiliers. Au sein de BTP Consultants, nous comptons environ 500 collaborateurs, et pour le groupe entier, on est autour de 800.
Le groupe comprend 7 entreprises : BTP Consultants, Citae, Lootibox, MBAcity, Nextiim, BOAS et BTP Diagnostics.
De mon côté, je suis ingénieur civil de formation. J’ai commencé chez BTP Consultants en 2007 en tant que jeune contrôleur technique. Ensuite, j’ai été promu au poste de responsable de groupe, puis chef d’agence, et ensuite directeur régional jusqu’à fin 2024, avant de devenir directeur IA métiers depuis début 2025.
Quels sont vos objectifs en tant que nouveau directeur IA métiers ?
L’objectif, c'est de voir où est-ce que l'intelligence artificielle peut aider les contrôleurs techniques au quotidien et leur faire gagner du temps.
Un contrôleur technique travaille beaucoup sur des documents, et puis le reste sur des chantiers et réunions. Mais la plus grosse partie du travail concerne le contrôle de documents et la synthèse. Il y a parfois quelques mille pages à lire, à comprendre et synthétiser, et puis une centaine de plans, entre les plans d’architecte, les plans électricité, les plans plomberie, les plans de cloison, de sol et de plafond etc.
Tous nos contrôleurs techniques sont des ingénieurs qui ont fait Bac+5, et c'est une partie du métier qui les lasse parfois. Je trouve dommage d'avoir un métier intellectuel qui voit ses ingénieurs partir finalement faire de la maîtrise d'ouvrage ou des travaux du fait de ces tâches rébarbatives.
Le but, c’est d’alléger au maximum cette partie du travail pour qu’ils puissent se libérer davantage sur du conseil direct au client, dans des réunions de conception et de chantier.
Le recours à l’intelligence artificielle est-il bien accueilli par les équipes ou y a-t-il des récalcitrants ?
Il y a toujours des récalcitrants. Mais pour l’instant, le déploiement est progressif. Il y a beaucoup de choses qui sont encore en cours de développement et de tests.
Dans tous les cas, l’IA suggère des réponses, mais ce n’est jamais le seul avis de l’IA qui compte. Donc pour les récalcitrants, c’est un peu à prendre ou à laisser. Il y a toujours un moyen d'aller challenger l'IA ou d'améliorer la réponse grâce à des prompts en direct que les ingénieurs peuvent faire. Mais c'est une aide à la décision.
Cela permet, au bout d'un certain temps d'expérimentation, de comparer son travail avec ce que fournit l'IA, et peut-être qu'avec le temps, ça aidera à les convaincre.
En quoi consiste exactement la technologie IA que vous avez développée en interne ?
Nous avons des data scientists et des ingénieurs qui sont spécialisés dans l'IA dans nos équipes informatiques. On s'est mis dans la peau d'un contrôleur technique et on a essayé d'inculquer ce mode de réflexion. Le travail, c'était d'orienter l'IA pour donner des résultats qui sont ceux d'un contrôleur technique et non pas d'un correcteur tout simple de CCTP ou de plans. Le premier agent qui est déployé, c'est celui d'un descriptif sommaire des travaux.
Donc on lui fournit le CCTP et il nous sort une sorte de synthèse des travaux sans avoir à aller prendre des notes. Et donc il nous fournit en fait tous les éléments qui intéressent le contrôleur technique, qu'il pourra prendre en compte sans aller fouiller dans tous les dossiers. Donc ça c'est quelque chose qui est apprécié par les équipes, qui fait gagner pas mal de temps.
Les contrôleurs techniques doivent-ils être formés pour utiliser cet outil ?
C’est très intuitif. A part la formation sur comment fonctionne l’intelligence artificielle, il n’y a pas besoin de former spécifiquement à ces outils. On les a conçus pour que ce soit le plus simple possible. Il y a une barre de recherche et un endroit où l’on dépose un fichier, comme dans ChatGPT.
Par contre, les formations qui ont été faites, c'est pour comprendre comment l'IA fonctionne, quels sont ses dangers, et quels sont les risques qu'on peut encourir, même si nos IA sont très cadrées sur le seul référentiel du contrôleur technique.
Plus largement, que pensez-vous des apports et limites de l’IA dans le BTP ? N’y a-t-il pas un risque de suppressions d’emplois ?
L’avantage du BTP, c’est que c’est un secteur très manuel. On pourra difficilement remplacer les plombiers, les couvreurs, les carreleurs, les plaquistes etc.
Maintenant, les métiers intellectuels seront allégés. Les tâches inutiles ou rébarbatives seront facilement automatisables.
Je pense que tout ce qui est réalisable par IA sera adopté par le secteur du BTP, même si c’est beaucoup plus lent que dans d’autres industries.
Donc oui, il y a quelques métiers qui seront titillés, et à eux d'aller voir comment se réinventer pour apporter plus de valeur ajoutée aux clients, aux projets.
Il faut s’adapter. C’est comme l’arrivée d’Internet, il y a de nouveaux métiers qui se créent.
Après il y a des facteurs humains qu’on ne peut pas du tout automatiser.
Quels sont les prochaines étapes à l’étude ?
Là, on travaille sur le rapport géotechnique, c’est la prochaine brique qui va être déployée. Et il y aura d’autres sujets sur la thermique et l’acoustique qui sont en cours de préparation.
Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Elia Abou Chaaya