Construire autrement à La Réunion : le pari bioclimatique

« L’architecture bioclimatique, ce n’est pas une mode, c’est une nécessité », affirme d’emblée Cédric Delahaye. À La Réunion, où les températures montent et les aléas climatiques se multiplient, construire avec le climat plutôt que contre lui devient essentiel.
Cette approche vise à optimiser le confort thermique tout en réduisant les consommations d’énergie, notamment grâce à l’orientation des bâtiments, à la ventilation naturelle, à la protection solaire ou encore à l’utilisation de matériaux locaux.
Mais le contexte réunionnais ajoute une complexité particulière : l’île présente une diversité climatique impressionnante, avec des zones chaudes et humides sur le littoral, et des secteurs plus frais en altitude. « Il n’existe pas un modèle unique de construction bioclimatique pour La Réunion », insiste l'architecte. « Il faut adapter le projet à chaque zone, à chaque microclimat, et à chaque usage », indique M. Delahaye.
À cela s’ajoutent des contraintes naturelles fortes, comme les risques cycloniques ou les pluies intenses. « Il faut à la fois protéger les bâtiments des éléments tout en assurant un confort intérieur sans systématiser la climatisation », ajoute-t-il. Ce subtil équilibre entre résilience, sobriété et confort est au cœur de l’approche bioclimatique.
Zonage thermique et stratégies adaptées
Concrètement, l’architecture bioclimatique repose sur une analyse fine du territoire. À La Réunion, un travail de zonage thermique a été réalisé pour identifier les zones dites de confort, où une construction bien pensée peut se passer de climatisation. « À certains endroits, la ventilation naturelle suffit, mais ailleurs, en zone chaude et dense, il faut prévoir des systèmes actifs, toujours dans une logique d’efficience énergétique », explique l'architecte et président-associé de LAB Réunion.
Ce travail d’adaptation suppose une montée en compétences de tous les acteurs de la construction : architectes, maîtres d’œuvre, artisans. « Il faut redonner une culture constructive du territoire, en rupture avec les modèles standardisés importés de métropole », plaide Cédric Delahaye. Cela passe par une meilleure connaissance des matériaux disponibles localement, une réappropriation des savoir-faire traditionnels et un dialogue renforcé entre les différents corps de métiers.
De plus, l'intégration de ces principes dès la phase de conception est indispensable. Cela implique de réfléchir au confort d’été et d’hiver, à l’inertie thermique du bâtiment, à la gestion des eaux de pluie, mais aussi à la place du végétal dans le projet.
Entre ambition environnementale et contraintes économiques
Si les bénéfices de l’architecture bioclimatique sont largement reconnus, sa mise en œuvre à grande échelle reste freinée par des facteurs économiques. « Les coûts de construction ont fortement augmenté, et les aides publiques, elles, diminuent. Cela rend plus difficile l’ambition environnementale », constate Cédric Delahaye. Pour lui, il est essentiel de retrouver des marges de manœuvre en réduisant les dépenses inutiles et en concevant plus intelligemment.
Mais le changement repose aussi sur la volonté politique et sur l’acceptation des usagers. « Il faut sortir d’une logique où le confort se résume à la climatisation. La qualité de vie, ce sont aussi des espaces bien ventilés, bien ombragés, agréables à vivre au quotidien », déclare l'architecte.
Face à un climat qui évolue vite, la construction doit s’adapter tout aussi rapidement. L’architecture bioclimatique ne prétend pas tout résoudre, mais elle propose une voie réaliste pour concilier confort, sobriété et adaptation. « Même si toute construction a un impact, on peut viser des bâtiments qui régénèrent le territoire plutôt que de le dégrader », conclut Cédric Delahaye.
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Propos recueillis par Jérémy Leduc
Photo de une : Adobe Stock