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L'architecture bioclimatique gagne du terrain en Méditerranée

Publié le 26 mai 2025

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Réduire les besoins en climatisation sans sacrifier le confort : c’est tout l’enjeu de l’architecture bioclimatique en climat chaud. Analyse du cycle de vie, matériaux biosourcés, ventilation nocturne… Tour d’horizon des bonnes pratiques.
L'architecture bioclimatique gagne du terrain en Méditerranée - Batiweb

Au cœur de la démarche bioclimatique se trouve une question centrale : comment concilier confort, sobriété énergétique et impact environnemental maîtrisé ? L’analyse du cycle de vie (ACV), aujourd’hui intégrée aux exigences de la RE2020, permet d’évaluer les effets environnementaux d’un matériau ou d’un système constructif tout au long de son existence, de la fabrication à la déconstruction.

« Pour se protéger de la chaleur tout en limitant les besoins en chauffage, il convient d’isoler les bâtiments. L’inertie thermique réduit d’autre part les fluctuations de température. Mais quels matériaux choisir, et quelle épaisseur mettre en œuvre ? L’ACV permet de répondre à ces questions en intégrant les impacts environnementaux depuis la fabrication des matériaux à la fin de vie, en passant par l’étape d’utilisation », explique Bruno Peuportier, directeur de recherche à MINES ParisTech.

L’ACV révèle notamment que les premiers centimètres d’isolant sont très efficaces pour limiter les impacts climatiques et sanitaires. En revanche, au-delà d’un certain seuil, le bénéfice thermique décroît, alors que les impacts liés à la production et à la fin de vie augmentent. D’où l’importance de trouver une épaisseur optimale, y compris pour les éléments à forte inertie.

 

Inertie, isolation, orientation : les fondamentaux du bioclimatisme méditerranéen

 

La particularité du climat méditerranéen est de cumuler des températures estivales très élevées avec un rayonnement solaire intense. Dans ce contexte, la recherche de confort passe par un équilibre subtil entre isolation et inertie, ainsi qu'une conception adaptée à l’exposition solaire.

Si les matériaux biosourcés sont valorisés par la réglementation environnementale, leur usage doit être raisonné. Le bois, par exemple, présente une faible inertie. Pour pallier cette limite, « on peut enduire des lattis de bois avec de la terre crue », souligne M. Peuportier. Il insiste également sur un point de vigilance fréquent : « Attention à ne pas mélanger inertie et isolation. Par exemple, les bétons de chanvre sont de mauvais isolants et stockent difficilement la chaleur : il vaut mieux séparer une couche inerte (terre par exemple) à l’intérieur et une couche isolante (chanvre par exemple) à l’extérieur ».

L’orientation des baies vitrées est un autre paramètre essentiel : les ouvertures à l’ouest doivent être limitées car le soleil y est plus difficile à maîtriser et les apports thermiques surviennent aux heures les plus chaudes. Des protections solaires efficaces (casquettes, stores, brise-soleil) deviennent alors indispensables.

Enfin, la ventilation nocturne, combinée à une forte inertie et une bonne isolation, permet de rafraîchir naturellement les bâtiments. Des logements traversants, avec des débits d’air généreux, se révèlent particulièrement adaptés.

 

Des pratiques éprouvées, mais encore peu généralisées

 

Malgré leur pertinence thermique et environnementale, les principes bioclimatiques peinent encore à s’imposer dans les pratiques courantes de construction. Un paradoxe que le chercheur attribue en partie à des habitudes bien ancrées et à un manque de formation. « Les principaux freins sont liés à mon avis au manque de connaissances des décideurs. La réglementation privilégie les pompes à chaleur, et il est plus facile de climatiser un logement avec une PAC réversible, même si une solution bioclimatique réduirait la consommation énergétique », explique-t-il. 

L’effet d’inertie réglementaire et économique freine donc la généralisation de solutions pourtant robustes, passives et économiquement viables sur le long terme.

 

Le siège d’Izuba Énergies, un exemple de réussite 

 

À Fabrègues, près de Montpellier, le siège d’Izuba Énergies constitue un exemple remarquable d’architecture bioclimatique aboutie. Conçu pour minimiser les besoins énergétiques tout en garantissant un confort d’été optimal, le bâtiment articule plusieurs stratégies. 

« Sa structure en bois est complétée par de la terre crue pour obtenir une forte inertie. Des masques intégrés et des stores limitent les apports solaires en saison chaude. L’isolation en paille améliore le confort et réduit les besoins de chauffage. Une PAC géothermique apporte un appoint de rafraîchissement quand c’est vraiment nécessaire. Elle est alimentée par des modules photovoltaïques en toiture, qui produisent davantage d’électricité que l’ensemble de la consommation du bâtiment, en incluant même les transports domicile-travail », développe Bruno Peuportier.

© Izuba Énergies

Les données de performance sont rendues publiques, une initiative qui souligne l'importance de la transparence et du retour d’expérience pour faire progresser la profession.

 

Vers une généralisation des approches bioclimatiques ?

 

Avec le réchauffement climatique, les stratégies conçues pour le climat méditerranéen gagneront en pertinence pour d’autres régions de France. « Les régions du nord vont avoir un climat proche du climat méditerranéen d’aujourd’hui, et les approches bioclimatiques s’appliqueront aussi », anticipe Bruno Peuportier.

L’architecture bioclimatique, longtemps perçue comme expérimentale ou marginale, s’impose désormais comme une solution de bon sens, compatible avec les exigences environnementales, économiques et réglementaires. Encore faut-il en maîtriser les fondamentaux techniques, et s’outiller, notamment grâce à l’ACV, pour faire les bons choix dès la conception.

 

Par Marie Gérald 

Photo de Une : Adobe Stock 

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