ConnexionS'abonner
Fermer

Économies d’énergies : de nombreux leviers à activer dans le bâtiment collectif

Publié le 20 juin 2023

Partager : 

Des travaux au comportement, les différents leviers d’économies d’énergies en bâtiment collectif sont nombreux. Le point avec Emmanuel Croc, président du groupe Ocea, spécialiste en efficacité énergétique.
Économies d’énergies : de nombreux leviers à activer dans le bâtiment collectif - Batiweb

« Quand on parle de ça, souvent avec le mot rénovation énergétique, les gens pensent gros travaux », nous décrit Emmanuel Croc. Or, pour le président du groupe Ocea, spécialisé dans le conseil en efficacité énergétique pour les copropriétés, bailleurs sociaux et l’immobilier de bureaux, les axes sont nombreux. 

« Sans faire de travaux, on peut faire des économies »

 

Certes, on songe à l’isolation de l’enveloppe du bâtiment (murs et toits). Mais ce poste de travaux « coûte très cher », « fait peur à tout le monde », et « a un retour sur investissement le plus long », de l’ordre de 20 ans ou plus. 

Ce qui n’est pas le cas des chantiers sur la chaufferie, les équipements de chauffage du bâtiment ou le climat. Il peut s’agir de changer de chaudière ou de mode de régulation. « Et puis on peut optimiser le contrat qu’on a avec son chauffagiste, pour qu’il soit un peu plus engageant », complète Emmanuel Croc en ajoutant : « Là il peut y avoir des investissements à faire ou pas et on a un retour sur investissement qui est le plus souvent plus court », de l’ordre de 5 et 10 ans.  

Toutefois, « sans faire de travaux, on peut faire des économies », défend également le président d’Ocea, qui privilégie un troisième et dernier axe, le comportement de l’occupant dans le bâtiment. « Quand on dit qu’on démarre sa chaufferie début novembre au lieu d’octobre ou qu’on dit qu’on se met à 19°C, ça joue sur le comportement et ça coûte rien. La France l’a montré cet hiver », expose-t-il par exemple.

Investir dans la rénovation, une logique différente selon le bâtiment

 

Or à l’échelle d’une copropriété, le retour sur investissement a son importance. Les finances constituent un frein pour les copropriétaires et peuvent générer des désaccords entre copropriétaires. À cela s’ajoute la complexité des démarches de rénovation, notamment sur le choix du bon acteur et de l'accompagnement. 

« C’est un sujet complexe, on ne sait pas à qui s’adresser. Les dossiers sont un peu compliqués à monter. Quand on est un acteur de la copropriété, on n’est pas un vrai professionnel. Le syndic nous accompagne un peu mais le syndic n’est pas forcément technique, c’est difficile de trouver les bons acteurs. Contrairement à un bailleur social qui est justement très structuré avec une direction de patrimoine et une direction technique, où on va savoir comment trouver », commente à ce sujet Emmanuel Croc.

Les travaux de rénovation en copropriété s’opèrent lors de travaux liés obligatoires. Ainsi l’isolation est menée en même temps que le ravalement de façade ou la réfection des toitures. 

Les bailleurs sociaux s’avèrent « les plus respectueux des lois actuellement. Et puis ils ont une contrainte très forte : s’ils ne respectent pas ça, ils ne peuvent plus louer, comme ils ont des aides de l’État pour les loyers », surtout depuis l’éradiction progressive des passoires thermiques programmées par la loi Climat et Résilience. 

« Comme ils réaffectent leurs capacités d’investissement à la rénovation énergétique, ils font moins de logement neuf. C’est peut-être un avis un peu personnel, mais je pense qu’une partie de la crise du logement d’aujourd’hui, chez les bailleurs sociaux, vient du fait qu’ils réallouent leur capital d’investissement à la rénovation énergétique », commente le président d’Ocea. 

À l’échelle du bâtiment tertiaire, l’approche des propriétaires est en revanche « très rationnelle, très économique. Ils regardent leur loyer, leur retour sur investissement. Le retour sur investissement sur 20 ans ça ne les intéresse pas. Alors que quand c’est un logement, on est parfois prêts à faire plus de choses », observe M. Croc. 

Pourtant le décret tertiaire oblige cette catégorie de propriétaire à mener des travaux, mais de manière plus échelonnée, de 2030 à 2050, donc « il n’y a pas d’urgence tout de suite ». Et si la demande est faible : soit ils augmentent l’attractivité du bâti par des travaux, soit ils préfèrent attendre voire revendre face au manque de revenus. Autre solution face au problème de vacance dans les bureaux, les transformer en logement. « Le gouvernement essaie de pousser à ça ou d’autres usages », nous affirme Emmanuel Croc. 

L’IFC, un tremplin pour la demande en travaux ?

 

Et quand une démarche de travaux est engagée, le groupe Ocea intervient en tant que conseiller, aux bailleurs sociaux, copropriétaires et propriétaires d’immobilier tertiaire. L’accompagnement commence par un audit énergétique, se poursuit avec la définition d’un plan d’actions et va jusqu’au montage d’un dossier de demande de subventions. Si la demande sur cette offre « explose » selon le président du groupe, elle ne constitue que 10 % de l’activité. 

Ocea mise en effet sur son service de pose de compteur et de suivi de consommation de chauffage, assuré par un réseau de plus de 200 techniciens internes et prestataires, sur un parc de 2 millions de logements. Cela favorise ainsi l’individualisation des frais de chauffage (IFC) en habitat collectif, quand ledit système est raccordée à un chauffage collectif. 

Technicien Ocea installant un système d'IFC - Crédit photo : Ocea
Technicien Ocea installant un système d'IFC - Crédit photo : Ocea

Dans ce cas de figure, « vous ne savez pas trop combien ça consomme et chaque année le bailleur social ou le syndic vous répartit vos charges de chauffage au tantième, c’est à-dire à la surface de votre logement. Si vous avez fait attention à votre chauffage ou pas, de toute façon vous allez vous prendre la facture apportée au m2 de votre logement », nous rappelle Emmanuel Croc. 

Or, avec un système d’IFC, le président d’Ocea le constate : « Quand on paye quelque chose au réel de ce qu’on consomme, on fait attention. Et donc là, le cercle vertueux du comportement se met en route ». Cela peut s’opérer par un changement de comportement, mais également par des travaux, par exemple l’installation de vrais robinets thermostatiques sur le radiateur. « On a une demande qui explose aussi : les robinets thermostatiques connectés, qui ferment mon radiateur la nuit ou le week-end », nous détaille l’intéressé. 

Une manière donc de responsabiliser les copropriétés privées et les bailleurs sociaux. Selon une étude d’Ocea avec l’Ademe, « en moyenne, jouer sur le comportement vous fait faire entre 15 et 18 % d’économies sur le chauffage », nous rapporte M. Croc. D’autant que la demande en système d’IFC accélère en France, multipliée par quatre.

Plus d’aides ou de main d’oeuvre pour massifier les travaux de rénovation ? 

 

Mais responsabiliser les propriétaires immobiliers suffira-t-il pour massifier les travaux de rénovation du bâti existant ? Est-ce que la concertation pour simplifier France Rénov’, guichet d’aides à la rénovation énergétique, n’a pas un rôle à jouer ? « Le guichet de l’Anah, pour avoir des subventions, sature un peu. Là il faut que l’État s’organise pour que, quand des demandes sont faites, qu’elles puissent être traitées rapidement, qu’il y ait une bonne visibilité », reconnaît Emmanuel Croc. 

Toutefois, « l’État ne peut pas tout faire », pense personnellement le président d’Ocea. « Il faut effectivement que les assistants à maîtrise d’ouvrage, les bureaux d’études privés, soient vraiment là. Je suis pour qu’un certain nombre de bureaux d’études AMO se développent, agréés par l’Etat, parce que c’est eux qui vont pouvoir accompagner demain les propriétaires immobiliers », poursuit-il, en appelant notamment à un peu plus de souplesse dans les procédures de certification parfois très longues et lentes, selon des échanges avec les professionnels concernés. 

Autre frein à débloquer : la manque de main d’oeuvre technique dans le génie climatique. Emmanuel Croc encourage dans ce sens plus d’attractivité du secteur, notamment par les salaires. À son échelle, Ocea, mène des actions de formation pour créer des vocations. « Et puis il faut dire ce qui est, on va chercher la main d’oeuvre à l’étranger, d’Europe de l’Est, d’Afrique aussi, des gens extrêmement motivés pour travailler sur le terrain », nous évoque-t-il.


Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Emmanuel Croc - Ocea

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.