Le photovoltaïque à la conquête des façades
En amont du Mondial du Bâtiment 2024, les Awards de l’Innovation ont permis de découvrir quelques nouveautés en avant-première.
Parmi les tendances qui ressortent, le photovoltaïque continue d’affirmer sa présence. Il ne se met plus uniquement en toiture, mais habille aussi désormais les façades, avec des solutions plus ou moins visibles.
Démocratiser le photovoltaïque en façade
C’est notamment le cas d’« Ultrawatt Pro », qui fonctionne sous la forme d’un assemblage de cassettes photovoltaïques, avec pour objectif de rendre ludique le photovoltaïque et ainsi qu’il se démocratise mieux.
« À la base, l’idée de la façade photovoltaïque que nous avons développée en 2022, c’était vraiment de créer une boîte de jeu pour simplifier l’utilisation pour les architectes, parce que souvent, la façade en aluminium composite fait peur, c’est complexe », nous explique Jean-Charles Battut, PDG d’Ultrawatt.
« Nous avons créé une boîte de jeu de 11 pièces qui sont standardisées. On peut s’adapter à toute longueur de façade sans avoir à faire du sur-mesure. Les architectes ont plus de facilité à envisager d'utiliser des cassettes photovoltaïques en façade parce qu'ils n'ont pas cette appréhension du tout sur-mesure et du délai qui en découle. Nous, sur 4 jours, nous pouvons livrer une façade », résume-t-il.
Afin de parvenir à un rendement énergétique aussi intéressant qu’en toiture, ces cassettes photovoltaïques sont légèrement inclinées. Elles permettent d’assurer l’autoconsommation dans le tertiaire (locaux commerciaux, bureaux, piscines, gymnases…), notamment pour des bâtiments ne pouvant pas supporter le poids de panneaux traditionnels en toiture.
©Ultrawatt
« Notre cible, c'est vraiment le tertiaire. Tout ce qu’on appelle « la France moche », des zones artisanales, zones commerciales, zones industrielles, qui réunit quand même beaucoup de bâtiments avant les années 2000, où on ne peut pas vraiment mettre de panneaux photovoltaïques sur la toiture, parce qu'il y a plein de contraintes de charpente, de structure, d'étanchéité. Alors qu'en façade, on peut facilement utiliser notre produit », nous détaille son PDG.
Et d’ajouter : « Dans le résidentiel, nous avons des discussions avec des bailleurs sociaux, mais ça n’était pas une cible que l’on visait initialement. C’est une typologie de clients qui ont trouvé un intérêt parce que sur les tours HLM, il y a souvent de petites toitures, mais de grandes façades».
Alléger les panneaux photovoltaïques en toiture
La solution « Luxsiol Zinc », de l’entreprise Creawatt, apporte quant à elle une réponse à la problématique du poids des panneaux photovoltaïques en toiture. Grâce à des panneaux photovoltaïques qui ne sont plus en verre mais en fibre de verre et en résine, le poids est extrêmement réduit.
« Creawatt a développé une solution de panneaux photovoltaïques légers qui s’adaptent à des toitures qui ne sont pas capables de supporter le poids d’un panneau photovoltaïque traditionnel. Un panneau photovoltaïque traditionnel, c’est 20 kg par m2, alors que notre panneau léger est à 3 ou 4 kg par m2 », nous précise Laurent Mimaud, directeur général de Creawatt.
Avec cette petite révolution, les toitures parisiennes en zinc peuvent désormais être équipées de panneaux photovoltaïques.
Autre avantage : sa résistance face aux épisodes de grêle. «Contrairement au verre, la fibre de verre a la capacité de mieux absorber l’impact des grêlons », souligne Laurent Mimaud, qui précise que ces panneaux résistent également à des vents allant jusqu’à 280 km/h.
De nombreux atouts qui ont permis à la solution de Creawatt de remporter la médaille « argent » de la catégorie « Gros œuvre, structure et enveloppe » des Awards de l'Innovation 2024.
Quand photovoltaïque rime avec artistique
Autre solution photovoltaïque, autre stratégie, avec « Colorblast » de Glass Partners Solutions. Cette innovation de photovoltaïque en façade, développée avec l’entreprise Kameleon Solar, basée aux Pays-Bas, vise cette fois-ci à rendre les cellules photovoltaïques les plus discrètes possibles, et même à les utiliser comme des pixels pour en faire une œuvre d’art.
« Ce sont des panneaux solaires imprimés via des motifs hexagonaux, que l’on voit à l’œil nu quand on est proche du panneau, mais qui – lorsqu’on s’éloigne un peu de 5 à 10 mètres – donnent une image homogène. La captation de l’énergie solaire se fait par les interstices noirs qui sont entre ces éléments, et une autre partie par les couleurs qui sont liées à l’impression du motif ou du design », nous explique Marc Dufreche, en charge de la communication de Glass Partners Solutions.
©Bjørn Vijlbrief - Kameleon Solar / Colorblast
« L’intérêt de Colorblast par rapport à d'autres solutions, c'est qu'elle va apporter cet esthétisme que d'autres solutions n'apporteraient pas. On va notamment pouvoir imiter des matériaux», abonde Julien Niogret, responsable commercial chez Glass Partners Solutions.
Initialement dédié à la façade, Colorblast offrirait tant de possibilités, que ses créateurs sont aujourd’hui également consultés pour des projets en toiture. Ainsi, la solution équipe déjà la toiture d’un musée rénové aux Pays-Bas.
« C’était un musée historique, donc il y avait des contraintes patrimoniales. Il fallait respecter l’histoire du bâtiment, et notamment la toiture en zinc. Donc nous avons fait des panneaux imitation zinc, et cela été validé par l’association des architectes des Pays-Bas, qui est l’équivalent des Architectes des Bâtiments de France », nous raconte Marc Dufreche. « Quand on voit tous les toits en zinc de Paris, cela pourrait faire beaucoup de production électrique ! », ajoute-t-il.
©Arjen Veldt - Kameleon Solar / Colorblast
Plus récemment, Glass Partners Solutions a été consultée par la ville d’Arcachon, qui souhaiterait pouvoir concilier photovoltaïque et respect de ses bâtiments classés arborant des tuiles. Colorblast s’inscrit alors comme une alternative aux tuiles photovoltaïques. «On peut imiter tous les types de toitures», précise Julien Niogret.
Toujours des freins réglementaires
Toutefois, si la solution a déjà été mise en œuvre sur une dizaine de bâtiments aux Pays-Bas, aucun projet n’a pour le moment abouti en France. En cause selon l’entreprise : de trop nombreux freins réglementaires dans l’Hexagone.
« Nous n’avons pas encore trouvé en France des gens qui seraient capables de payer un Atex pour ce projet, étant donné que nous n’avons pas encore d’avis technique. Les gens sont encore frileux par rapport à cette solution, bien qu’on ait des garanties et des certifications européennes concernant le feu, ou le Certisolis concernant le panneau solaire. Nous avons les certifications européennes, mais en France cela bloque toujours un peu pour l’instant », regrette ainsi Marc Dufreche.
Un marché encore voué à se développer en France
Le point commun des trois nouveautés présentées ? Ces dernières s’adressent à ce jour prioritairement au marché du tertiaire, car elles restent onéreuses pour des particuliers. Et si fabriquer les panneaux ou cellules photovoltaïques en France ou en Europe est un objectif à plus ou moins court terme, ils sont à ce jour presque exclusivement conçus en Chine, essentiellement pour des raisons de coût.
« Nous faisons toujours sous-traiter la fabrication en Chine. Et en parallèle, nous avons candidaté à France 2030 pour installer une usine de fabrication dans nos locaux du Loiret, pour avoir une partie de notre production qui soit 100 % fabriquée en France», nous indique de son côté le directeur général de Creawatt.
Ainsi, ces trois innovations témoignent du développement du marché du photovoltaïque, qui conquiert même les façades, ainsi que les toitures les plus fragiles.
Rappelons qu’en France, le nombre d’installations photovoltaïques a doublé en 2022 et 2023, et que la puissance raccordée a augmenté de 30 %, pour un total de 3 135 mégawatts, d’après les derniers chiffres Enedis datant de janvier 2024.
Toutefois, l’Hexagone peut mieux faire, selon Hello Watt. Si la France fait partie des pays européens les plus ensoleillés, aux côtés de l’Espagne et de l’Italie, le pourcentage de logements équipés reste faible, avec environ 600 000 foyers, soit seulement 1,6 % du parc, contre 16 % dans un pays frontalier comme la Belgique.
Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock