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L’Assemblée nationale transforme l’IFI en impôt sur la fortune « improductive »

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Publié le 03 novembre 2025, mis à jour le 03 novembre 2025 à 16h53, par Nils Buchsbaum


L'Assemblée nationale a adopté, le 31 octobre, un amendement instaurant un « impôt sur la fortune improductive », destiné à rediriger les actifs des plus riches vers l'immobilier locatif, les entreprises ou l’innovation. Cette réforme suscite de nombreuses interrogations sur son efficacité réelle et ses conséquences économiques.
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L’Assemblée nationale a validé, vendredi 31 octobre, la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un nouvel « impôt sur la fortune improductive ». La mesure, qui aurait pour ambition d'inciter les contribuables les plus aisés à orienter leurs actifs vers l'immobilier locatif, les entreprises ou l'innovation, plutôt que vers des placements jugés « improductifs », présente toutefois un rendement pour l’État encore flou, suscite des interrogations sur son efficacité réelle ainsi que sur ses conséquences économiques.

L’amendement, présenté par le député MoDem Jean-Louis Mattei et modifié par un sous-amendement du socialiste Philippe Brun, a été adopté  par 163 voix contre 150. Il a bénéficié du soutien d’une alliance peu commune, rassemblant le Rassemblement national, le Parti socialiste, le MoDem et le groupe centriste Liot.

Une transformation controversée

 

Le député socialiste Philippe Brun s’est félicité du « rétablissement de l’impôt sur la fortune », supprimé par Emmanuel Macron en 2017. Une lecture que ne partage pas la députée Renaissance Prisca Thévenot qui a en effet estimé que ce qui avait été voté n’était en aucun cas un retour de l’ISF, ajoutant que « sinon (...) La France insoumise l’aurait voté ». Marine Le Pen et les députés RN, eux, se sont réjouis d’avoir obtenu « une grande victoire sur son programme économique », le nouveau dispositif  étant selon eux « très proche de l’impôt sur la fortune financière du RN ».

De leur côté, La France insoumise et la gauche hors PS ont très majoritairement rejeté le texte. Le président de la commission des Finances, Éric Coquerel (LFI), a fustigé une mesure contre-productive : « On a affaibli l’IFI sans même réintégrer l’ISF ». Renaissance et LFI critiquent un dispositif qu’elles jugent moins efficace que l’actuel impôt sur la fortune immobilière.

Le président du groupe MoDem, Marc Fesneau, a rejeté les interprétations opposées autour du nouvel impôt, défendant un texte porté de longue date par son parti. Sur le réseau X, il a rappelé que « l’impôt sur la fortune improductive, ce n’est ni l’ISF ni l’impôt sur la fortune financière voulu par le RN ».  Il s’agit, selon lui, d’un compromis visant à corriger les « incohérences » de l’actuel impôt sur la fortune immobilière, payé par près de 186 000 foyers en 2024, afin d’« encourager l’investissement productif. »

Modification de l'assiette, du barème et des exonérations

 

Concrètement, l’amendement redéfinit l’assiette de l’impôt, en y intégrant les « actifs improductifs » tels que les biens immobiliers non productifs, les objets de valeur (voitures de collection , yachts, œuvres d’art, etc.), les actifs numériques (cryptomonnaies) et certaines assurances-vie non investies dans l’économie réelle. À l’inverse, les biens immobiliers considérés comme productifs — notamment ceux loués plus d’un an et respectant des critères environnementaux — en seraient exclus.

Un sous-amendement socialiste, adopté par les députés, exclut aussi de l’assiette un bien par foyer fiscal, « généralement la résidence principale ou secondaire »,dans la limite d’un abattement de 1 million d’euros.

Autre modification : seuls seraient taxés les particuliers dont la fortune dite « improductive » dépasse 2 millions d’euros, contre 1,3 million d’euros jusqu’à présent.

Le dispositif modifie surtout le taux d’imposition. Actuellement, la fortune immobilière est soumise à un barème progressif similaire à celui des revenus des particuliers, allant de 0 % pour la part inférieure à 800 000 euros jusqu’à 1,5 % au-delà de 10 millions d’euros. Dans le nouveau système, ce barème, qui visait à taxer davantage les patrimoines les plus élevés, est remplacé par un taux unique de 1 % appliqué à la fraction du patrimoine net taxable dépassant le seuil fixé.

Si cette simplification facilite la déclaration, elle modifie la répartition de l’effort fiscal. Les patrimoines proches du seuil d’entrée, voient leur charge augmenter, tandis que celle des très grandes fortunes diminue mécaniquement en raison de la baisse des taux marginaux.

Le député Jean-Paul Mattei justifie ce changement par un « souci de lisibilité et d’efficacité ». En pratique, l’amendement adopté vendredi pourrait toucher davantage les petites et moyennes fortunes que les très grandes. Pour un patrimoine légèrement supérieur à 2 millions d’euros, l’impôt pourrait ainsi augmenter de manière significative, tandis que les patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros bénéficieraient d’une baisse du taux, qui passerait de 1,5 % à 1 %, soit une réduction d’un tiers.

Des résultats encore difficiles à prévoir

 

Quels résultats pour ces transformations ? Difficile à évaluer, aucun chiffrage officiel et fiable n’ayant encore été publié.

Selon le député socialiste Philippe Brun, qui dit s’appuyer sur des évaluations du ministère de l’Économie, ce nouvel dispositif pourrait rapporter 2 milliards d’euros supplémentaires par rapport à l’ancien impôt, qui avait généré 2,2 milliards d’euros en 2024. Il assure qu’il ne constituerait pas une bonne affaire pour les milliardaires : « Le patrimoine des ultrariches est composé à 79 % d’actifs financiers, qui échappaient jusqu’à présent à l’impôt sur la fortune immobilière, » explique-t-il. « Intégrer les placements, l’assurance-vie et les liquidités dans l’assiette est une mesure essentielle pour rendre la fiscalité plus équitable. »

D’autres se montrent moins optimistes. Pour Eric Coquerel, président (La France insoumise), la réforme adoptée en séance va « affaiblir » l’IFI, à cause des exonérations et de l’abandon de la progressivité de l’impôt.

Le texte doit désormais être examiné par le Sénat, où la majorité de droite pourrait en modifier les paramètres. Cette étape sera suivie de près, alors quel’investissement locatif traverse une crise majeure : au premier semestre 2025, seuls 15 000 logements neufs ont été construits dans ce cadre, soit 80 % de moins qu’en 2019, une chute accentuée par la fin du dispositif Pinel. L’impact réel du nouvel impôt sur la dynamique de l’investissement immobilier reste donc plus qu’incertain.

  

Par Nils Buchsbaum

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