MaPrimeRénov’ : une suspension envisagée, mais temporaire

Les nouvelles données par un article du Parisien, publié le 3 juin, se sont répandues comme une trainée de poudre. Selon le quotidien, le gouvernement prévoit de suspendre dès juillet l’aide MaPrimeRénov’ et ce jusqu’à la fin de l’année. « Les crédits prévus pour l’ensemble de l’année 2025 sont déjà pratiquement intégralement consommés », confie au journal une source proche du dossier.
« Aujourd'hui aucune décision n'a été prise », selon Valérie Létard
Une source du ministère du Logement a certes confirmé à BFMTV qu’une suspension temporaire de MaPrimeRénov’ est « bel et bien envisagée ». Toutefois, « aujourd'hui aucune décision n'a été prise », insiste la ministre Valérie Létard.
Le gouvernement doit trancher entre mi-juin et début juillet. Mais si suspension il y a, elle ne devrait durer pas durer six mois. « Pourquoi pas les deux derniers mois de l'année par exemple », évoque le ministère du Logement à BFMTV.
Le choix d’une suspension en période hivernale n’est pas anodine, quand on sait qu’un remplacement de chauffage est davantage recommandé en été et les travaux d’isolation au printemps.
Un manque de budget, mais aussi de temps...
Quant à la raison de cette potentielle suspension, Le Parisien met en avant le manque de budget, alors que l’État cherche à faire 40 milliards d’euros d’économies dans le prochain projet de loi de finances.
On sait que MaPrimeRénov’ a fait l’objet de coupes budgétaires de la part de l’État. En témoigne le budget 2024, qui après avoir prévu 4 milliards d’euros pour le dispositif, a tranché sur 3,1 milliards d’euros.
Nouveau rabotage en 2025, avec 2,1 milliards d’euros accordés par l’État. Auprès de BFMTV, le ministère du Logement a toutefois précisé qu’au total, le budget MaPrimeRénov’ en 2025 représente 3,6 milliards, budget État et financements confondus.
Et Valérie Létard de livrer que « nous sommes face à un dispositif victime de son succès » - avec un accompagnement de travaux de rénovation globale qui a triplé au premier trimestre 2025 selon l’Anah. C’est la « première année que nos concitoyens s'approprient le dispositif dans cette ampleur », indique la ministre.
Cet afflux massif de chantiers, couplé à des retards pris dans le vote sur le projet de loi finances 2025, ont rallongé les délais de paiement. De quoi faire des mécontents, dont une vingaine réunis le 13 mai devant les locaux de l’Anah.
Le ministère du Logement acquiesce : « l’enjeu pour les pouvoirs publics serait plutôt d'accélérer les délais de traitement des demandes faites à l'Agence nationale de l'Habitat, qui distribue l'aide ».
Autre priorité : la lutte contre la fraude
« Il serait plus judicieux de renforcer la lutte contre la fraude, estimée à près de 10 % des dossiers selon l’Anah, ou de réévaluer certains montants d’aides pour les rénovations les plus lourdes, plutôt que d’interrompre un dispositif qui commence à porter ses fruits », a réagi Pierre-François Morin, directeur de l’activité rénovation énergétique chez Hello Watt.
Pour lutter contre les fraudes, une proposition de loi a été déposée en novembre dernier. Porté par Thomas Cazenave, député Ensemble pour la République et ancien ministre du Budget, le texte vise à renforcer « les pouvoirs de l'administration et des organismes chargés des aides publiques pour lutter contre la fraude », est-il indiqué sur le site du service public. Après un accord entre députés et sénateurs trouvé le 6 mai, le Sénat a définitivement adopté le texte le 21 mai.
Mais au-délà des fraudes, l’expert en rénovation énergétique Hellio appelle plus globalement à une stabilité réglementaire, car les « effets d’annonces nuisent largement à la stabilité économique d’une filière déjà fragilisée par les nombreux changements réglementaires ». À cela doivent s’ajouter, selon Hellio, une vision à long terme de la rénovation énergétique, dont des objectifs de décarbonation du logement à horizon 2050, et un niveau d’information uniforme de France Rénov’ sur tout le territoire, afin d'assurer une égalité d’accès au service public.
Hellio encourage également à faire du notaire un tiers de confiance, notamment « dans la certification des pièces permettant de justifier les transactions financières inhérentes à un projet de rénovation énergétique ».
Par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock