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ZAN : les friches industrielles, entre opportunités et défis

Publié le 25 mai 2023

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La réhabilitation des friches industrielles offre de grandes opportunités pour mettre en place le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), prévu dans le cadre de la loi Climat et Résilience. Pour atteindre les objectifs fixés, il est aujourd'hui nécessaire de trouver des solutions opérationnelles, et d'inscrire l'évolution des friches dans une stratégie globale du territoire.
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Le concept du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), défini dans la loi Climat et Résilience, vise à atteindre un équilibre entre la consommation d'espaces naturels pour le développement urbain et la préservation des sols. Plus précisément, il s'agit de ne pas augmenter la surface artificialisée, tout en compensant toute nouvelle emprise par une renaturation ou une dédensification équivalente ailleurs. 

Il demande dans un premier temps aux territoires, communes, départements, et régions, de réduire de 50 % le rythme d'artificialisation et de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2030, par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. 

Pour cela, la réhabilitation des friches industrielles représente un grand potentiel, au regard du nombre de friches comptabilisées. « On dénombre environ 2 400 friches industrielles, couvrant entre 90 000 et 150 000 hectares du territoire national », introduit Nicolas Bouchery, responsable milieu naturel et pollution des sols chez Apave. 

« L’enjeu est là : aller chercher des terrains, limiter la construction sur les terrains agricoles et naturels, reconstruire les villes sur elles-mêmes, afin d’atteindre cet objectif ambitieux certes, mais nécessaire », soutient ce dernier. 

 

Entre opportunités et défis

  

Autrefois occupées par des activités industrielles, les friches industrielles sont aujourd’hui des terrains abandonnés, souvent contaminés par des substances toxiques ou dangereuses, nécessitant une dépollution et une réhabilitation adéquate.

Cependant, les friches industrielles offrent une opportunité unique de mettre en œuvre le Zéro Artificialisation Nette. Pour Marc Kaszynski, président du Laboratoire d'Initiatives Foncières et Territoriales Innovantes (LIFTI), elles sont plutôt « un gisement d’opportunités pour continuer d’aménager en étant compatibles avec le ZAN, voire en réalisant les objectifs fixés ».

Selon lui, le ZAN reste toutefois plus « un moyen qu’un objectif ». « C’est un moyen d’une politique de lutte contre le réchauffement climatique en zone urbaine et une politique de protection de la biodiversité », commente-t-il. L’idée étant que ces friches ne sont pas faites seulement pour accueillir la stratégie de densification du ZAN, mais également pour « rééquilibrer au niveau des villes les rapports entre l’urbain et les puits de fraîcheur qu’il faut réintroduire ». 

Se pose ainsi la question de l’opérationnel, à savoir comment intervenir sur une friche industrielle ? D'après Marc Kaszynski, « cela passe par une analyse de contexte », c’est-à-dire par la situation de marché, par le potentiel qui peut être tiré d'un nouvel espace, et par la connaissance la plus fine de l’état environnemental du site.

« Il peut y avoir des sites bien localisés, dans des marchés porteurs, mais qui sont tellement pollués qu'une opération immobilière de recyclage n’arriverait pas à équilibrer son compte à rebours. Donc ces opérations-là ne peuvent sortir que s'il y a, soit un opérateur public qui passe avant, soit un opérateur privé qui présente des dossiers pour obtenir des subventions de déficit induit par le fait d’intervenir sur une friche », analyse-t-il. 

Pour Laurence Nolorgues, économiste-urbaniste, et Hugo Delort, socio-urbaniste, et auteurs au sein de l’Institut Paris Région, « réduire les incertitudes et absorber les surcoûts constituent les deux défis majeurs auxquels des opérateurs sont confrontés pour équilibrer le bilan financier ». En effet, l'appréhension des projets de requalification sur le temps long peut devenir l’un des principaux leviers pour rendre l’opération économiquement viable.

Pour cela, ils conseillent notamment « la création d’une foncière ad hoc, ou la mobilisation d’une société foncière déjà existante » qui peut faciliter « l’investissement dans des projets de réhabilitation de friches, en permettant une mutualisation des risques ».

 

Inscrire leur évolution dans une stratégie globale 

 

Les friches, en tant que terrains disponibles, représentent ainsi de réelles opportunités pour inscrire les territoires dans une trajectoire de sobriété et de résilience, nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le ZAN. Cependant, la remise en état de ces friches est souvent une étape coûteuse, parfois même supérieure à la valeur du terrain lui-même, ce qui limite la réalisation de nombreux projets de reconversion.

Trouver un projet de réhabilitation ou de renaturation de friches est un enjeu important que va devoir porter la communauté. « Il doit y avoir une collaboration étroite avec tous les acteurs concernés sur ces projets », commente l’expert de chez Apave, « car si elles ont été abandonnées (les friches, ndlr) c’est bien qu’à un moment, économiquement ou juridiquement ça a coincé, ce qui a bloqué la situation ». 

« Cela concerne autant les collectivités publiques que territoriales, mais aussi les grands détenteurs de sites, les porteurs de projets. Il faut chercher à bâtir une stratégie foncière territoriale pour appréhender au mieux les potentialités de ces différentes friches, et qui doit s’intégrer dans une politique publique locale », exprime le président du LIFTI.

« Le futur des friches doit s’inscrire dans le temps long et avec la prise en compte de tous les usages. Il est donc nécessaire d’inscrire leur évolution dans une stratégie globale du territoire », attestent de leur coté Laurence Nolorgues et Hugo Delort. 

Un grand défi donc pour les collectivités, qui doivent « garder la main sur le devenir de leur territoire, faire face à la spéculation immobilière en cours, et maîtriser la destination de son sol », soulignent les deux urbanistes de l’Institut Paris Région. « Des outils comme la planification existent, mais aussi des montages fonciers, qui permettent à la collectivité de garder la maîtrise sur la programmation urbaine », ajoutent-ils. À l’image de Bénéfriches, développé par l’Ademe, qui quantifie les bénéfices socio-économiques et environnementaux d'un projet d'aménagement. Mais également Cartofriches, dispositif conçu pour recenser les friches

« Il s'agit d'outils d'aide à la décision utiles pour les porteurs de projet, tant sur l'identification des friches existantes, en rendant à nouveau visible des friches qu'on souhaitait jusque-là cacher, que sur l'étude de la faisabilité d'un projet », précise Nicolas Bouchery.

 

Encore des freins à lever 

 

Ces terrains présentent donc « des leviers possibles de renouvellement urbain », selon Laurence Nolorgues et Hugo Delort. « Le renouvellement d’une friche peut faire partie des trois séquences : servir à éviter, réduire, ou bien compenser l’extension urbaine. Inversement, si la reconversion de friches est un des leviers du ZAN, le ZAN est quant à lui une véritable opportunité pour la reconversion de friches », expliquent-ils, citant notamment la réduction importante d'offres de foncier disponible, en pleine crise du logement

« Un objectif qui conduit à rendre les friches attractives pour le redéveloppement de la ville sur elle-même. Depuis le plan biodiversité 2018, où l’on parlait déjà de ZAN, on a assisté à une préoccupation croissante de la part des acteurs publics pour la reconversion des friches. Ces actions se sont vues renforcées depuis la crise sanitaire, par une augmentation des fonds dédiés à la reconversion et par la loi Climat et Résilience », ajoutent les urbanistes. Par le Fonds Vert notamment, mis en place par l’Ademe, avec plus de 2 milliards d’euros mis sur la table par le gouvernement. 

Malgré une vraie prise de conscience de tous ces enjeux et « une professionnalisation du sujet », pour Nicolas Bouchery, tous les experts restent unanimes : il reste encore beaucoup de freins à lever, tant au niveau administratif qu’opérationnel, si l’on veut atteindre les objectifs fixés par le ZAN. « Ce sera atteignable si l’on travaille tous ensemble. C’est vraiment conditionné par rapport à l’engagement de chacun », estime ce dernier. 

Un engagement pris sur certains aspects, mais qui nécessite peut-être un changement des approches de chacun, et de mise en œuvre de programmes ambitieux.

 

Propos recueillis par Marie Gérald

Photo de une : ©Adobe Stock

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