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Sauerbruch et Hutton : « les architectes peuvent réellement changer les choses »

Publié le 27 janvier 2012

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Lauréat du 4ème Energy Performance + Architecture Award, du salon interclima+elec, qui commence dans un peu plus d'une semaine, le cabinet d'architecture berlinois Sauerbruch Hutton est à la fois reconnu pour son approche fonctionnelle ainsi que pour sa maîtrise de l'architecture polychrome. Interview.
Sauerbruch et Hutton : « les architectes peuvent réellement changer les choses » - Batiweb

Vous avez été choisi comme lauréat de l’Energy Performance + Architecture Award à la suite de Thom Mayne, quelle importance attachez-vous à cette distinction ?

Cette distinction constitue pour nous une marque d’encouragement que nous apprécions particulièrement, une reconnaissance de notre travail dans le domaine de l’architecture durable, à laquelle nous nous sommes consacrés ces quelque vingt dernières années déjà. D’une façon générale, nous pensons qu’il est très important de récompenser l’architecture lorsqu’elle aborde ce nouveau paradigme de l’énergie et de l’empreinte carbone et nous sommes particulièrement fiers d’être le troisième lauréat de ce prix.

Quelles sont les raisons de votre engagement pour une efficacité énergétique des bâtiments et, plus largement, une architecture respectueuse de l’environnement ?

Nous pensons que l’architecture, comme tous les autres domaines, ne peut faire autrement que de s’engager pour un monde plus équilibré, à la fois en termes de ressources et de climat mais bien sûr aussi – par voie de conséquence – en termes de politique et de culture. Nous pensons que l’architecture doit s’impliquer dans ce qui constitue les enjeux de la société contemporaine et, avec une architecture durable, les architectes et les ingénieurs peuvent réellement changer les choses.

Quand et comment avez-vous commencé à vous intéresser à ce sujet ?

Dans les années 1990

Dans ce domaine, avez-vous été influencé par le travail d’autres architectes ?

Oui, les objectifs d’efficacité portés par une partie de la génération des architectes high-tech anglais – Foster ou Rogers, par exemple – nous ont encouragés dans cette voie. De même, la recherche de Thomas Herzog, en partie, nous a aiguillonnés. Mais, de manière plus significative, je pense, nous avons été influencés par l’architecture vernaculaire que l’on rencontre sous des climats variés.

En Europe du nord notamment, avez-vous constaté ces dernières années un changement d’attitude chez vos clients à propos des enjeux de performance énergétique des bâtiments et de respect de l’environnement ?

Pas simplement dans l’Europe du nord. Le développement durable est bien à l’ordre du jour partout.

Quels sont, selon vous, les freins au développement d’une architecture durable ?

L’obstacle le plus important est la vision à court terme de bon nombre de financiers en matière d’investissements immobiliers. Il faut qu’ils apprennent que les bâtiments ne sont pas des produits financiers – heureusement, dirons-nous, si nous songeons à l’actualité récente.

Quels sont, de votre point de vue, les pays les plus avancés en la matière et pourquoi ?

Les pays de l’Europe du nord sont les pionniers en la matière, cela paraît évident. C’est peut-être lié à leur climat. Cela reflète sans aucun doute aussi une certaine responsabilité culturelle et politique. En effet, historiquement, l’Europe a été particulièrement gourmande en termes de consommation des ressources de la planète – l’industrie est une invention européenne. Il est par conséquent grand temps que nous revoyions nos attitudes et nos stratégies.

Les notions d’architecture et de performance énergétique ne sont-elles pas contradictoires dans certains cas (est-il toujours possible de concilier qualité architecturale, confort et efficacité énergétique) ?

Je ne pense pas qu’il y ait une contradiction, bien au contraire. Je pense que l’architecture possède un réel potentiel. D’un côté, c’est exact, l’austérité nous guette. Pas seulement à cause des différentes crises financières et autres, mais aussi parce qu’il est évident que nous devrons revoir nos ambitions à la baisse. Nous devrons réduire notre consommation de combustibles fossiles, nous devrons réduire notre utilisation de ressources de toutes sortes, nous devrons également revoir nos ambitions en termes de style de vie et de confort. D’un autre côté, dans ce nécessaire resserrement général, l’architecture peut agir comme une espèce de compensation, je pense. Des espaces de qualité, un éclairage bien traité, des matériaux agréables, une élégance dans les détails, tout cela, même dans un contexte de resserrement, reste possible. L’architecture durable est presque comme le “slow food” : des espaces bien pensés, quoique modestes, qui utilisent des matériaux de qualité d’une manière plus intelligente peuvent constituer des espaces où il fait bon vivre, bien mieux que dans le luxe présomptueux de certaines résidences construites par des sociétés commerciales ou dans l’extravagance purement formelle proposée par certains de nos collègues.

Nous sommes par ailleurs convaincus que la nécessité de stratégies durables et les réponses qui y seront apportées feront émerger un langage et une expression architecturale spécifiques.

En termes de matériaux et de systèmes techniques, quelles solutions recommandez-vous le plus souvent ?

Nous faisons bien évidemment appel à des solutions techniques là où c’est pertinent, mais nous essayons avant tout d’apporter des réponses aux problèmes d’énergie et d’empreinte carbone par des stratégies architecturales. L’orientation des bâtiments, la proportion de surfaces transparentes et de surfaces opaques, la qualité de construction des murs, les protections solaires etc. – d’une certaine façon, tous ces éléments font partie de tout projet de construction, mais s’ils sont bien pensés et intelligemment conçus, ils peuvent réellement changer la donne.

Travailler sur l’efficacité énergétique implique-t-il une collaboration étroite avec les ingénieurs ? Comment coordonnez-vous cette collaboration au sein de votre cabinet ?

Oui. Nous travaillons en équipes intégrées dès le lancement des projets. Au stade où s’élaborent les concepts qui les sous-tendront, il est important que des points de vue différents soient réunis autour de la table. La tâche de l’architecte dans ce contexte est avant tout de comprendre les approches et les intérêts des uns et des autres et de les synthétiser sous une forme qui, d’une certaine manière, les reflète tous, même si, souvent, ils sont contradictoires.

Votre travail est-il facilement exportable dans d’autres régions de la planète ?

Nous ne pensons pas qu’il soit si facile que cela d’exporter un projet conçu sur mesure pour répondre à une demande spécifique (nous ne le voudrions surtout pas). Par contre, l’approche et la philosophie derrière ce projet peuvent être appliquées quel que soit le contexte climatique.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes architectes intéressés par ce type d’architecture ?

Le développement durable est souvent abordé à deux niveaux : soit à un niveau quasi-mondial, où les solutions sont recherchées à l’échelle des pays voire des continents. Soit à une toute petite échelle, locale, où l’enjeu semble contenu tout entier dans quelques panneaux solaires sur un toit. De même, les architectes (en particulier les jeunes) soit pensent en termes d’espèces de mégastructures, assez souvent avec des formes organiques censées en quelque sorte être plus respectueuses de l’environnement, soit ils pensent en termes de détails, détail d’une façade ou autre. Je leur recommanderais de tenter d’être attentif aux deux échelles.

Il est nécessaire – c’est sûr –, de comprendre le niveau de détail et le contexte technique et physique pour s’approprier les questions d’énergie et de dioxyde de carbone. En même temps, on doit s’efforcer d’avoir une vision d’ensemble, de voir l’aspect technique, l’aspect éthique, l’aspect esthétique, l’aspect pratique. L’architecture n’est pas toujours la solution. Dans certains cas, le bon sens peut consister à convaincre son client de modifier ses aspirations plutôt que de construire un nouveau bâtiment.

En savoir plus sur les architectes Sauerbruch et Hutton

Energy Performance + Architecture Award :
A l'issue du palmarès rendu le 26 septembre, le jury a désigné le cabinet Sauerbruch Hutton parmi 11 cabinets d'architectes internationaux présélectionnés.

Interclima+elec :
À la convergence des métiers multi-énergies et multi-techniques, interclima+elec est l’événement de référence où l’ensemble des acteurs du bâtiment aiment à se retrouver. interclima+elec participe activement au succès d’une filière résolument engagée dans les défis environnementaux d’aujourd’hui et de demain.Vous aussi, du 7 au 10 février 2012, soyez au coeur de l’événement pour découvrir les solutions les plus innovantes alliant efficacité énergétique, utilisation des énergies renouvelables et confort dans l’habitat et le bâtiment.

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