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La RE2020 au coeur de la relation entre architectes et bureaux d'études

Publié le 30 octobre 2023

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La Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) fixe des normes plus strictes pour les bâtiments en matière de performance énergétique et d'émissions de gaz à effet de serre. Au cœur de cette transformation, les architectes sont désormais appelés à repenser leur approche, collaborant étroitement avec les bureaux d'études pour analyser le cycle de vie des bâtiments et anticiper les futurs enjeux environnementaux de l'industrie de la construction.
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La Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), appliquée depuis le 1er janvier 2022, vise à atteindre trois objectifs : améliorer la performance énergétique des nouvelles constructions, adapter les bâtiments neufs aux futurs défis climatiques, et quantifier les émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie des bâtiments.

Les architectes, qui jouent un rôle central dans l'intégration de la RE2020, doivent désormais concevoir des bâtiments qui répondent aux normes de performance environnementale, tout en satisfaisant les besoins des occupants et en conservant l’esthétique du futur bâtiment.

« Aujourd’hui tout le monde s'intéresse à la RE2020. C’est une préoccupation centrale de pouvoir répondre à ses objectifs et à son calendrier. Il y a une vraie conscience que déjà cela existe et qu’ensuite il faut s'y attaquer », introduit Vera Matovic, architecte et membre du Conseil régional de l'Ordre des architectes d'Île-de-France (CROAIF). « Le tout, c’est de savoir concrètement comment faire. Quelles sont ses applications ? », s’interroge-t-elle.

 

Former les architectes à l'ingénierie de la construction ? 

 

Ainsi, pour sa mise en œuvre, les architectes font souvent appel à des ingénieurs et à des bureaux d’études. Une « collaboration historique », selon Vera Matovic, mais qui tend encore à « être renforcée ».

Pour l’architecte franco-allemand Axel Schoenert, l’accent devrait désormais être mis sur la formation des étudiants à ces nouveaux enjeux. « Il faut qu’ils apprennent à plus réfléchir à ces sujets-là. Je trouve qu’en France les architectes sont toujours rattachés aux beaux-arts, on les considère comme des artistes. Alors qu’en Allemagne, comme dans d’autres pays d’Europe, les architectes sont également des ingénieurs diplômés. C’est ce qu’il manque ici, je trouve, ce côté plus technique et c’est d'ailleurs pourquoi j’encourage tous les étudiants en architecture à faire un double parcours ».

De son côté, Johanna Hocquart, responsable d'agence AMO chez Citae, estime que beaucoup d’architectes sont habitués à travailler dans ce mode de fonctionnement, « malheureusement c’est un mode qui est nécessairement long, et souvent c'est le critère de temps qu'on attribue à la phase d'étude qui est cruciale », souligne-t-elle, avant de poursuivre : « Il y a parfois besoin de s’habituer à un mode de fonctionnement itératif, de se dire que désormais les projets architecturaux doivent passer à la moulinette de tous les bureaux d’études (…) jusqu’à trouver l’équilibre entre toutes les compétences qui sont mises autour de la table ».

Pour cela, l’entreprise Citae, spécialisée en conseils en développement durable au service des bâtiments, s’attèle à accompagner les architectes dans ce processus de conception bas-carbone. Souvent missionnée par la maîtrise d’oeuvre ou le maître d’ouvrage, les conseillers interviennent « avant le dépôt du permis de construire d’abord pour faire une analyse critique des esquisses du projet, puis pour vérifier quelques quelques indicateurs clés, et enfin anticiper les axes d'amélioration pour travailler sur le carbone », explique Johanna Hocquart.

L’objectif selon elle : « que toutes les filières associées à l’objectif de réussir à décarboner la construction se structurent, car avec une intelligence collective on pourrait tous utiliser les bons outils et les bons retours d'expérience ».

Une collaboration essentielle donc, qu’Axel Schoenert a bien en tête. « Si un architecte passe du temps sur un projet de conception d’un bâtiment et qu’au moment où il le présente à l’ingénieur, ce dernier lui répond que son projet n’est pas conforme à la RE2020, on perd tous un temps précieux (...) alors je fais toujours en sorte que les Bureaux d’études techniques (BET) et les architectes travaillent ensemble dès l'esquisse, ou en avant-projet sommaire (APS) ».

 

Travailler ensemble sur l’analyse du cycle de vie 

 

La RE2020 va plus loin que la RT2012, qui se cantonnait aux performances thermiques. Il est désormais nécessaire d’analyser le cycle de vie (ACV) du bâtiment dans sa globalité, et d’évaluer l’impact environnemental à chaque étape de la vie du bâtiment. 

Pourtant, « la plupart des architectes ne le font pas encore (...) parce que c’est du travail en plus, parce qu’ils ont déjà beaucoup de pression, sur l’économie, le planning, l’administration, alors je ne suis pas sûr que, volontairement, les architectes font des recherches en ce sens, mais comme la législation l’impose, cela va finir par rentrer dans la norme », indique l'architecte Axel Schoenert. 

Un « nouvel » enjeu pour l’architecte, qui doit maintenant l’inclure dans son projet de conception architecturale. Selon la conseillère du CROAIF, la question est « à quel moment doit-on la faire ? » soulève-t-elle. « Mais plus tôt on se saisit de certains éléments, de certaines données dans la conception, mieux on interagit avec l'évolution du projet. Par exemple, si on a quasiment terminé la conception et qu'on s'attaque aux paramètres environnementaux, il y a fort à parier qu'on va devoir faire des retours en arrière », développe-t-elle.

Pour Johanna Hocquart, « le gros travail à faire pour rendre possible la modélisation carbone des bâtiments, l'analyse du cycle de vie, c'est la donnée d'entrée pour ne pas partir sur des données par défaut qui sont peut-être loin de la réalité ou défavorables. Pour cela, il faudrait que de plus en plus de fabricants rédigent leur Fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) et qu’ils les rendent accessibles sur la base de données INIES de manière à ce qu'on puisse vraiment affiner au mieux les ACV ». 

« Le levier important, c'est surtout la sensibilisation du maître d'ouvrage, du donneur d'ordre en amont qui doit être conscient du temps qu’il faut pour faire le bon projet et qu'on ne conçoit pas un bâtiment bas-carbone en un mois ou deux, en n'ayant pas suffisamment cadré les choses en amont sans que ce soit à risque, soit pour l'économie du projet, soit pour l'atteinte des performances énergétiques », ajoute la responsable d’agence chez Citae.

Un sujet sur lequel le couple architecte-ingénieur « doit encore collaborer », précise Vera Matovic, « et plus c’est tôt, mieux c’est », insiste-t-elle.

 

« Les matériaux biosourcés ne font pas tout le travail » 

 

La RE2020 pose ainsi les bases d’une réglementation environnementale de plus en plus ambitieuse et exigeante tant en termes de conception que de construction. Ainsi, pour répondre à ces enjeux, les matériaux biosourcés (bois, paille, chanvre, ouate de cellulose, textiles recyclés, liège, lin…) sont l’une des solutions que les architectes peuvent adopter pour faire baisser l’empreinte carbone de leur projet.

Pour l’architecte Vera Matovic, bien qu’il y ait une vraie prise de conscience sur ces enjeux, le problème réside ailleurs : « il n’y a pas de formule toute faite, c’est vraiment au cas par cas du projet ». Elle explique : « Malgré leur nécessaire utilisation, les matériaux biosourcés ne font pas tout le travail, c'est vraiment une somme de réflexions et de paramètres à prendre en compte. Je suis convaincue par ce travail un peu sur-mesure que l'architecte mène projet par projet, et quelque part, les réponses toutes fabriquées, les solutions toutes fabriquées ne peuvent pas s'appliquer ».

Un travail qu’elle mène également dans le cadre de la formation des architectes au CROAIF. « Avec l'évolution des réglementations et de la société, l'architecte est un peu le catalyseur de ce qui se passe au quotidien pour qu'il puisse, justement, trouver la réponse appropriée. Donc cela peut être avec les matériaux biosourcés,cela peut être avec tout le travail sur l'air, la ventilation naturelle et sur tous les principes issus de l’architecture bioclimatique. Et bien sûr, l’architecte doit aussi être au rendez-vous de ce travail-là », développe-t-elle.

 

Anticiper le futur de la réglementation

 

Pour la responsable d’agence AMO de Citae, Johanna Hocquart, il y a aujourd'hui une réelle volonté d'intégrer le carbone comme un indicateur clé de la conception. « Toute l'intelligence de cette réglementation, c'est de prévoir des seuils qui vont être de plus en plus exigeants », déclare-t-elle. « Tout cela va dans le bon sens, de rationaliser l'acte, de regarder l'impact carbone. En tout cas, concevoir vers une neutralité carbone, c'est un objectif pour lequel il faut se donner les moyens ». 

Mais plus d’un an à peine après sa mise en application, certains architectes pensent déjà à l’après-RE2020. « On est déjà en train de réfléchir à l'évolution de la RE2020 et d'ailleurs ce n'est pas étonnant, c'est exactement comme les réglementations précédentes qui ont été posées, parce que cela demande tellement de temps et il y a tellement d'acteurs qui travaillent sur ces réglementations qu'au moment où elle sort, elle est déjà presque obsolète  », détaille Vera Matovic.

Une forme de décalage entre ce qui se passe sur le terrain et le moment où on met en application des réglementations. « C'est pour ça que j'aime revenir un peu à cette notion de bon sens qui, à mon sens, ne se chiffre pas, mais avec lequel l'architecte travaille constamment, mais il me semble qu'il est urgent d'aller plus vite, plus loin », conclut-elle. 

 

Propos recueillis par Marie Gérald

Photo de une : Adobe Stock

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