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Près de deux ans après l’entrée en vigueur de la RE2020, les premiers retours se font entendre

Publié le 30 octobre 2023

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La RE2020 est entrée en vigueur en janvier 2022 pour les logements. Cela fait bientôt deux ans que cette réglementation, qui a pour objectif de diminuer l’empreinte carbone des bâtiments et d’améliorer leurs performances thermiques, est appliquée en France. Petit tour d’horizon des premiers retours des principaux concernés.
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Cela va bientôt faire deux ans que la RE2020 est en vigueur pour les logements en France. Mise en place pour prendre la suite de la RT2012, cette réglementation, initialement prévue pour le 1er janvier 2020, est finalement entrée en vigueur au 1er janvier 2022. Un report qui s’expliquait à l’époque par la crise sanitaire, les polémiques avec les acteurs du secteur et les évolutions importantes qui entouraient ce projet.

Deux ans donc que les différentes entreprises du bâtiment œuvrent avec cette nouvelle réglementation, qui les incite à diminuer l’empreinte carbone des bâtiments et à tout faire pour améliorer la performance énergétique de ces derniers. Mais ce laps de temps est-il suffisant pour avoir des premiers retours concrets de la part des différents acteurs du secteur ?

 

Il est encore un peu tôt pour avoir une vision précise des effets de la RE2020

 

Pour Julien Serri, délégué national aux affaires techniques du Pôle Habitat FFB, il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions de cette RE2020, même si les premiers retours parviennent aux oreilles du Pôle Habitat FFB, notamment en ce qui concerne les maisons individuelles.

« On a eu pas mal de retours sur l’aspect maison individuelle, beaucoup moins sur le logement collectif. On a commencé les premières livraisons de maisons fin 2022. C’est à partir du moment où on a livré un bâtiment RE2020 que l’on peut avoir des retours. Sur le logement collectif, je pense qu’il y a très peu d’appartements RE2020 qui ont été livrés, d’où le peu de retours pour le moment », explique Julien Serri.

Une autre raison pour expliquer le peu de retours actuels concernant la RE2020 : avec une entrée en vigueur en janvier 2022, beaucoup de permis de construire ont été déposés hâtivement en 2021, afin d’être soumis uniquement à la RT2012. La RE2020 ne s’applique en effet qu’aux permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2022.

 

...même si certaines tendances se dégagent, surtout dans l’individuel

 

Reste que des premiers retours existent tout de même pour les maisons individuelles. La nouvelle réglementation impose notamment d’importants efforts sur la conception du bâti et sur la partie énergétique, comme l’avait pressenti le Pôle Habitat de la FFB.

L’indicateur Bbio, qui faisait déjà partie des trois exigences de la RT2012, est aujourd’hui au cœur de la conception de toute maison neuve. « Aujourd’hui, on dimensionne pratiquement toutes les maisons au Bbio. Cet indicateur nous pousse à nous pencher davantage sur l’architecture globale des maisons, sur leur orientation, le nombre de pièces, ou encore leur forme. Les maisons qui ne sont pas cubiques ou rectangulaires se comportent très mal du point de vue de la performance thermique. Le Bbio nous incite donc à faire davantage de cubique que de l’architectural », explique M. Serri.

L’autre changement majeur, qui fait suite à la conception, se situe au niveau des matériaux. Julien Serri explique qu’après avoir optimisé la conception d’une maison, il faut s’attaquer à son isolation afin de pousser les performances énergétiques du bâti à un niveau encore supérieur. « Les trois postes principaux d’isolation ont dû être renforcés, c’est-à-dire les planchers, les murs et les combles. On est sur des niveaux d’isolation plus élevés que ceux de la RT2012. Tout simplement parce que le DPE renforcé est synonyme d’une isolation renforcée », déclare Julien Serri. Pour atteindre un tel niveau d’isolation, il est donc nécessaire de trouver les matériaux et les isolants les plus performants qui soient.

La fin des chaudières gaz, voulue par le gouvernement face au constat de sa dépendance énergétique vis-à-vis de certains pays, et aussi dans un contexte de dérèglement climatique, fait également partie des changements majeurs impulsés par la RE2020. Ces dernières ont peu à peu été remplacées par des PAC Air/Air, entre autres.

 

Hausse des prix de construction et RE2020 font-ils bon ménage ?

 

Ce virage amorcé par les différents acteurs du bâtiment pour prendre en compte cette nouvelle réglementation est venu se heurter à de grosses difficultés. Des difficultés avec lesquelles ont dû œuvrer les professionnels du secteur. La hausse des prix de construction, accélérée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, est venue mettre des bâtons dans les roues des entreprises du BTP. Comment s’y sont-ils pris pour lier RE2020 et difficultés économiques qui impactent le pays ?

Comme en témoigne Johany Boucher, responsable de groupe performance énergétique chez Citae, une société d’AMO et de conseils au service des bâtiments et des territoires, cette hausse des prix a parfois eu de lourdes conséquences : « Je sais qu’il y a certains projets qui sont tombés à l’eau, car le coût réel et le coût prévisionnel n’étaient plus les mêmes ».

Un coût qui peut s’avérer très élevé, en témoigne les chiffres fournis par Julien Serri : « À elle seule, la crise des matériaux représente une hausse des prix des prix de +22 % entre début 2021 et mi-2022. Il y a eu une première envolée des prix post-Covid, puis la guerre en Ukraine est arrivée. L’addition de ces deux événements a conduit à une augmentation des coûts d’à peu près 22 % ».

Pour répondre à cette hausse des prix de construction, les constructeurs sont obligés d’augmenter leurs prix, et les maisons se vendent donc à des prix plus élevés. Le problème étant que les acheteurs, les particuliers, ne sont de leur côté pas plus riches, et voit même leur pouvoir d'achat impacté avec l'inflation et la remontée des traux d'intérêt. Peu d’options se présentent alors aux constructeurs. 

Pour pallier cette hausse des prix, il est par exemple possible de réduire les prestations des maisons. Autrement dit, il est possible de retirer de la domotique, de réduire la surface habitable ou encore de retirer une pièce. Il est également possible de rogner sur le prix du terrain, en choisissant un terrain plus éloigné ou plus petit, et donc moins cher. C’est de cette manière que peut s’adapter le budget global.

« Aujourd’hui, il est très difficile de proposer une offre abordable au primo-accédant, qui était il y a 10-15 ans le cœur de marché du constructeur de maisons individuelles. On a donc une réorientation de la clientèle et une augmentation des prix de vente. L’augmentation des prix est obligatoire pour que les entreprises suivent. À l’inverse de quoi leurs marges seraient dérisoires. Augmenter les prix signifie alors aller chercher des clients un petit peu plus riches. C’est pourquoi on a de plus en plus de mal à répondre à la volonté des Français qui est de faire construire leur propre maison », détaille Julien Serri.

 

L’optimisme est de rigueur concernant les objectifs à court terme

 

Le contexte actuel est tel qu’il est, chacun doit faire avec. Malgré toutes ces difficultés et ces facteurs imprévisibles, la RE2020 est en vigueur et doit notamment permettre de tendre vers la neutralité carbone en 2050. Avant cette date symbolique, plusieurs paliers doivent être atteints. Ce sont les seuils d’émissions carbone de 2025, 2028 et 2031, qui imposeront de nouvelles exigences qui entreront en vigueur de façon progressive.

Quant à savoir si ces objectifs de 2025 et 2028 sont atteignables, l’optimisme est de mise pour les clients de Citae, d’après Johany Boucher : « Nos clients sont plutôt confiants concernant les seuils de 2025 et de 2028. Ces derniers sont plus facilement atteignables si j’ose dire, puisqu’on aura travaillé au préalable sur la base de données de la base INIES ».

Les difficultés que connaît actuellement le secteur du bâtiment peut soulever plusieurs interrogations. Est-ce qu’il serait bon de revenir en arrière sur certains points de la RE2020, le temps que la situation s’améliore ? Non, répond Julien Serri : « Malgré le contexte, malgré toutes les difficultés, je trouve qu’elle est plutôt bien équilibrée cette RE2020. Donc il n’est pas nécessaire de revenir dessus selon moi. Il y a quand même une crise climatique à aller combattre », rappelle-t-il.

De plus, « les maisons neuves construites en France sont parmi les plus performantes énergétiquement au monde », souligne M. Serri. Il n’est donc pas forcément très judicieux de revenir en arrière selon le Pôle Habitat FFB. « Par contre, il faut éviter de charger davantage la barque », avertit M. Serri. « Ce qu’on fait est déjà très performant sur l’aspect énergétique et environnemental. Il y a aussi un parc existant sur lequel il faut se concentrer, et c’est ce que fait le gouvernement avec MaPrimeRénov’ etc. », ajoute Julien Serri.

 

Quelques axes d’améliorations détectés malgré une réglementation récente

 

Un premier point sur les retours à faire sur la RE2020 a beau être un peu précoce, certains axes d’amélioration ont tout de même déjà été décelés. La suppression des chaudières à gaz au profit d’autres systèmes de chauffage a un coût. Ce changement doit être davantage accompagné par l’État selon Johany Boucher : « Nous sommes obligés aujourd’hui de trouver d’autres systèmes de chauffage qui soient conformes aux nouvelles réglementations. Ces systèmes vont être plus onéreux, comme les PAC système hybride par exemple. Les professionnels du secteur attendent que l’exécutif les accompagne davantage pour opérer cette transition ».

De son côté, Julien Serri préconise d'accélérer le développement du photovoltaïque « en le prenant mieux en compte dans le moteur de calcul. Actuellement, celui-ci est valorisé uniquement à hauteur de l’auto-consommation. Ce qui est envoyé sur le réseau est revendu et ne peut être valorisé en termes de performances énergétiques. C’est dommage et cela constitue un axe d’amélioration », déclare Julien Serri.

L’un des derniers axes d’amélioration pour la RE2020 concerne le confort d’été. L’indicateur DH, qui représente la somme des degrés ressentis inconfortables de chaque heure pour chaque jour de l’année, est un indicateur sur lequel les constructeurs et promoteurs ont encore très peu de certitude. Le rendre plus précis pourrait permettre aux acteurs du secteur d’avoir une vision plus claire de la performance des maisons concernant le confort d’été.

 

Propos recueillis par Jérémy Leduc

Photo de une : Adobe Stock

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