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Végétaliser les cours d’écoles, une dynamique qui s’accélère

Publié le 27 mai 2024

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Alors que le gouvernement prévoit de rénover 40 000 écoles d’ici 2034, qu’en est-il des extérieurs de ces établissements scolaires ? Comment adapter les cours d’écoles au changement climatique ? Éléments de réponses avec Vincent Lamotte et Pierre-Alain Bigot, paysagistes concepteurs.
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Vincent Lamotte et Pierre-Alain Bigot, paysagistes concepteurs associés, constatent que la demande en végétalisation de cours d’écoles a été croissante ces dernières années. L’année passée, ils ont ainsi réalisé quatre projets de ce type, et cinq nouveaux sont prévus pour 2024.

La végétalisation des cours d’écoles présente en effet de nombreux avantages, à commencer par la désimperméabilisation les sols pour limiter le rejet des eaux de pluie, créer des îlots de fraîcheurs urbains, planter des arbres afin d’avoir des espaces d’ombre, ou encore favoriser le retour de la biodiversité.

La plupart des projets consistent à retirer l’enrobé et son fond de forme pour privilégier les espaces verts et les sols drainants (résine ou béton poreux) et les copeaux de bois.

Le bois prend en effet une place importante au sein des aménagements, utilisé à la fois pour le mobilier et les jeux.

 

Plus de mixité des espaces

 

L’objectif : proposer des espaces plus naturels et qui permettent de travailler la motricité. Mais aussi sortir des cours d’écoles « aseptisées », et de la dualité entre les garçons qui joueraient sur le terrain de football d’un côté, et les filles de l’autre, pour créer une mixité des espaces et usages.

Avant le lancement d’un projet, des consultations participatives sont lancées en amont, intégrant l’avis du personnel éducatif, des parents d’élèves, et des élèves eux-mêmes. Les retours d’expérience sont également primordiaux pour améliorer les futurs projets.

Les deux paysagistes se réjouissent de retours souvent positifs, comme celui d’une directrice d’école de l’Essonne : « Quatre mois après, la directrice m’a dit : "c’est génial, il n’y a plus de conflits entre les enfants dans la cour parce qu’il y a une multitude d’espaces où chacun trouve son activité" », cite Pierre-Alain Bigot.

 

Faire l’école dehors

 

Dans l’école maternelle Manureva de Saint-Pierre-du-Perray (91), différents espaces distincts ont été créés : une prairie, une colline, un potager, ou encore une rivière. La cour d’école a également été aménagée de façon à pouvoir faire l’école dehors, avec l’installation d’une grande table d’atelier et de tableaux à craie en extérieur.

Des aménagements pour faire l'école dehors au sein de l'école Manureva (91)

Chantier réalisé par TPS et SFEVCrédit photo : ©Vincent Lamotte et Pierre-Alain Bigot

 

« L'école dehors, c'est quelque chose qui est pas mal devenu à la mode. Ce sont des lieux où l’on fait des petits amphithéâtres, et où il y a un conteur qui vient par exemple. Finalement, ça devient une pièce à part entière de l’école, mais qui se trouve à l’extérieur», détaille Pierre-Alain Bigot.

 

Végétaux et eau : sensibiliser de façon ludique et pédagogique

 

L’aspect ludique et pédagogique sont indissociables avec la création de potagers. Pas réellement des « potagers » d’ailleurs, mais plutôt des « jardins pédagogiques », selon Pierre-Alain Bigot, qui souligne qu’il n’y a souvent personne pour s’en occuper en juillet et août.

« On installe des petits carrés de terre où les enfants essaient de comprendre la nature, parce que le potager il faut s’en occuper mai, juin, juillet et août, et souvent ça ne marche pas », précise-t-il, tout en notant qu’il existe parfois un réel engagement de l’équipe pédagogique, citant l’exemple d’une école dans laquelle chaque élève était « responsable » d’une plante.

Le travail autour de l’eau est également important. Les deux paysagistes installent fréquemment des récupérateurs d’eau, des fontaines d’eau potable pour que les élèves puissent boire dans la cour, et des rivières de galets pour montrer le cycle de l’eau aux enfants. Ils se déclarent en revanche contre les brumisateurs d’eau l’été, « de l’eau perdue », dans un contexte où cela devient « une denrée rare », avec des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes.

Dans un souci de circuits-courts, les deux paysagistes veillent également à s’approvisionner en terre végétale locale, située à moins de 100 kilomètres des chantiers, et travaillent avec des pépiniéristes locaux, « pour éviter que les végétaux ne viennent d’Allemagne ou de Hollande », précise Vincent Lamotte.

 

La sécurité avant tout

 

Travailler sur des chantiers de cours d’écoles présente certaines spécificités, et notamment celle de devoir travailler les mercredis et pendant les vacances scolaires, car la coactivité n’est souvent pas possible.

Par ailleurs, la sécurité reste le maître mot, car chaque projet doit être validé par un organisme de sécurité, et contrôlé chaque année. Ces points de contrôle sont multiples et visent aussi bien les aires de jeux que leur environnement, et notamment l’amortissement des sols autour des jeux pour prévenir des chutes.

« Les mairies sont en charge, une fois par an, de faire passer un organisme de sécurité pour vérifier si les boulons n'ont pas été dévissés, si le jeu ne s'est pas dégradé. Ils vérifient pour la mise en route de l’école, et ensuite, ils passent tous les ans pour délivrer un agrément », explique Vincent Lamotte.

 

Adapter la « palette végétale »

 

Cela passe donc par la sécurité des jeux mis à disposition des élèves (hauteur de chute, etc.) mais aussi par le choix d’espèces végétales non toxiques, qui ne piquent pas, et non allergènes. Vincent Lamotte et Pierre-Alain Bigot s’appliquent à privilégier des essences « indigènes », ce qui « réduit forcément la palette végétale », souligne Vincent Lamotte.

Parmi les autres espèces les plus plantées : les tilleuls, les frênes, les érables, ou encore les poiriers et les pommiers sauvages.

Mais avec le réchauffement climatique, les paysagistes seront de plus en plus souvent amenés à choisir des plantes plus résistantes à la sécheresse, comme les essences méditerranéennes, alors que certaines espèces jusqu’ici fréquemment plantées supportent de plus en plus mal la chaleur.

« Le hêtre, à mon sens, c'est un arbre qu'on ne peut plus planter parce qu'il supporte très mal les grosses canicules. Avec le changement climatique, il faut utiliser certaines espèces qui sont plutôt originaires du sud de la France », développe ainsi Pierre-Alain Bigot, citant par exemple le micocoulier.

S’ils ont du succès, ces projets de désimperméabilisation et végétalisation de cours d’écoles représentent toutefois un certain coût, situé entre 150 et 250 euros du mètre carré, selon Vincent Lamotte.

 

> Consulter le dossier spécial Végétalisation du bâti

 

Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : École Santarelli de Tournan-en-Brie (77) ©Vincent Lamotte et Pierre-Alain Bigot

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