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Être avocat de la construction ou la « mise en musique des réglementations »

Publié le 25 janvier 2022

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Début janvier 2022, le cabinet Altes a vu le jour, grâce à la fusion d’expertises de quatre avocats associés. Leur spécialité ? Le droit des affaires, avec une prédilection pour les sujets de construction. L’occasion d’explorer plus concrètement le rapport entre les professionnels du BTP et le cadre législatif actuel, en particulier celui portant sur l’impact environnemental du secteur. Entretien avec Carl Enckell, avocat Energie, Environnement, Urbanisme et Aménagement du cabinet Altes.
Être avocat de la construction ou la « mise en musique des réglementations » - Batiweb

Altes, c’est la rencontre de quatre associés répartis entre deux cabinets d’avocats, Enckell Avocats et Tesla. Leur collaboration remonte à 2016, allant « jusqu’à partager des locaux ». « En revanche, on n’a jamais ressenti le besoin de se fusionner complètement », introduit Carl Enckell, avocat et cofondateur.

Des spécialités distinctes mais complémentaires

 

L’intéressé poursuit : « Mais en réalité, la crise du Covid-19, le relatif ralentissement de l’activité ponctuelle en 2020, nous a permis de donner un peu temps et de faire de cette situation une opportunité de lancer notre marque ».

Mais aussi l’opportunité d’unir des avocats aux profils et spécialisations variées : l’énergie, l’environnement, l’urbanisme et aménagement pour Carl Enckell ; les relations commerciales, la gestion des projets industriels, concurrence et distribution gérées pourr Sophie de Senilhes ; les technologies, relations commerciales et la concurrence-distribution pour Olivier Roux, ainsi que la construction, préservation des intérêts et résolution de conflits pour Philippe Savatic.

Des thématiques distinctes mais qui peuvent être complémentaires. « L’avocat, en sa qualité d’expert, a une relation d’intuitu personae avec son client. C’est-à-dire la confiance personnelle faite à l’avocat en tant que personne. Mais là, effectivement, avec nos quatre secteurs, on a l’avantage de pas se faire marcher sur les pieds », constate Carl Enckell, qui ambitionne, avec ses associés de « faire intervenir des confrères ou des compétences complémentaires, car les besoins de nos clients ne s’arrêtent pas à la porte de nos domaines de compétences ». 
 

Les réglementations, une affaire d’anticipation, d’innovation et de négociation

 

Pratique donc pour les PME, ETI, groupes, bureaux d’études, assureurs, syndicats professionnels et autres professionnels du BTP, qui constituent le tiers de la clientèle d’Altes. Clientèle constituée en grande majorité d’entreprises d’affaires, tandis que les 10-15 % restants sont des collectivités collaborant avec ces entreprises. 

Le sujet de prédilection d’Altes dans la construction ? La performance énergétique d’un bâtiment, on ne peut plus pluridisciplinaire. « On va partir de ma compétence énergie, et la compréhension du cadre légal réglementaire. Et puis à un moment on va arriver sur des enjeux très contrats, très classiques », expose Carl Enckell.  

Mais d’après ce dernier, l’enjeu actuel d’un dossier juridique de construction, c’est « la mise en musique des réglementations ». Et en ce moment, celles-ci se font nombreuses, entre la RE2020 appliquée début janvier, la loi Climat et Résilience adoptée cet été, ou la REP Bâtiment à venir. 

Un attirail législatif certes nécessaire pour faire reculer l’impact carbone du BTP. Le problème, c’est que les professionnels concernés, en particulier les artisans, « n’ont pas le temps » d’y répondre efficacement sur le terrain, rappelle Carl Enckell.

D’où la nécessité de les accompagner juridiquement, pour guider les professionnels vers plus d’« anticipation » et d’embrasser la « capacité d’innovation » des réglementations, tels que dew solutions de réemploi des déchets ou des outils de calcul de performance énergétique du bâti.  

« La réglementation est parfois très administrative, et il y a un moment donné une dématérialisation des échanges. Donc nos clients sont confrontés à tout ça à la fois. Ils ont bien conscience que c’est un mouvement structurant et pas du tout ponctuel », développe l'avocat.

Il poursuit : « Il y a aussi une remise en place des négociations des bonnes décisions, parce qu’il y a des projets d’infrastructures qui trouvent leurs origines dans de la concertation et des échanges qui se sont déroulés dans les années 1990-2000, et qui peuvent être remis en cause au regard des nouvelles législations de 2010-2020. Et donc l’enjeu c’est aussi, tout en adoptant les comportements vertueux - comme cesser l’artificialisation des sols -, de ne pas brutalement remettre en cause des projets sur lesquels il y a eu des investissements ».


Un compromis à trouver entre incitation et réglementation

 

D’autant que le droit de la construction est un véritable « millefeuille législatif, conçu en silos » thématiques, décrit Carl Enckell, faisant référence au Code de l’Environnement ou au Code de l’Urbanisme.

L’avocat trouve également que la France a une « fabrique » législative « bien spécifique ». « Là où des autres pays comme ceux anglo-saxons vont d’abord mettre en avant la formation, la sensibilisation ou le soutien, nous on a tendance à miser sur la réglementation. Et la réglementation, c’est souvent le dernier pilier de la politique publique d’autres États membres de l’Union européenne », explique-t-il.

Un compromis est-il donc concevable entre la posture incitative européenne et les ambitions françaises, parfois difficilement applicables sur tout le territoire ? Tel est l’essence du métier d’avocat. « On s’aperçoit qu’avec les lois votées (Grenelle 1, Grenelle 2, Transition écologique et croissance verte, AGEC…), entre le décret d’application et la réalité du terrain, il peut se passer des années. Il y a parfois des articles qui ne sont jamais appliqués », déplore Carl Enckell.

Selon lui, il faut « revendiquer le droit à l’expérimentation ». « C’est-à-dire que dans une réglementation, il faut accepter l’idée que, malgré le principe d’égalité républicain, on puisse l’appliquer, ponctuellement sur un territoire, sur un projet, pour voir les effets qu’elle entraîne, avant de la généraliser à l’ensemble du territoire métropolitain et d’Outre-mer », conclut-il.
 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock
 

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