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Les friches industrielles en quête de réhabilitation

Publié le 25 juillet 2023

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La reconversion de friches industrielles participe à la protection de l'environnement, tout en répondant aux enjeux d'aménagement du territoire. Ces espaces abandonnés, autrefois témoins d'une activité industrielle intense, représentent aujourd'hui un défi majeur pour les porteurs de projets. Leur transformation suscite à la fois des espoirs de revitalisation urbaine, mais également des craintes, notamment liées à la dépollution.
Les friches industrielles en quête de réhabilitation - Batiweb

L'une des raisons majeures qui poussent à reconvertir les friches est la préservation de la biodiversité. Après des années d'exploitation industrielle, ces sites, souvent contaminés, constituent une menace pour la nature environnante et la santé des citoyens vivant à proximité. 

Selon la base de données de l'État BASOL de mi-2021, pas moins de 9 500 sites et sols étaient répertoriés comme pollués ou potentiellement pollués sur l'ensemble du territoire français.

 

Une réponse aux enjeux d’urbanisation 

 

Les friches industrielles, dans la définition de la loi, sont des sites artificialisés non-utilisés. Ainsi, la réhabilitation de ces terrains abandonnés offre une opportunité de concilier la préservation de l'environnement, la lutte contre l’étalement urbain, et la création de quartiers innovants. 

Au cœur de cette transformation, l'ambition du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), introduit dans la loi Climat et Résilience, qui, en opposition à la bétonisation continue du territoire, vise à densifier les environnements bâtis existants, et à reconvertir les espaces vacants. Le recyclage des friches trouve alors sa place dans cette perspective, permettant de contrôler l'étalement urbain et de favoriser une utilisation plus responsable du foncier. 

​​Pour Nicolas Bouchery, expert environnement chez Apave, « ces friches, on se doit d'en faire quelque chose, on ne peut pas se payer le luxe de les laisser en l'état et toutes les démarches engagées, notamment dans le cadre du ZAN, vont permettre leur réhabilitation. Ces politiques publiques sont plus qu'importantes ».

« Cette loi est passée car c'est une loi de survie, il faut arrêter d'artificialiser et j'espère que les lobbies des promoteurs ne nous en empêcheront pas », exprime de son côté Matthieu Poitevin, architecte et fondateur du cabinet d'architecture Caractère Spécial. « La construction de demain, c'est la transformation de la ville, la réhabilitation, la surélévation, et ce n'est certainement pas le foncier. Les friches font partie intégrante de cet avenir, même si elles n'en sont qu'une petite partie par rapport à l'ampleur de la tâche. C'est un levier du ZAN, mais elles ont surtout une valeur d'exemplarité », développe-t-il. 

 

Des outils mis à disposition 

 

Pour encourager la réhabilitation de ces friches, des politiques ont ainsi été mises en place, comme le fonds de 300 millions d'euros dédié à la reconversion d'anciennes friches, annoncé dans le cadre du Plan de relance 2020-2022. De même, la Convention Citoyenne pour le Climat apporte son soutien en plaçant la réhabilitation des friches au cœur des problématiques d'aménagement actuelles.

En parallèle, des acteurs de la filière dédiée au recyclage des friches se mobilisent en construisant des structures et des outils d'accompagnement pour les porteurs de projets, à l’image du Cerema. Avec Cartofriches, « l’objectif c’est d’une part de recenser les sites en friche, et d'autre part, d’essayer de les qualifier, c'est-à-dire, donner des informations de contexte : quel type de friches, est-ce qu'il y a des bâtiments, si oui quel âge ils ont, quelle est la zone du PLU (plan local d’urbanisme), etc… Le tout, répertorié dans un inventaire national », explique Stéphane Lévêque, urbaniste et chargé de mission Zéro Artificialisation Nette au Cerema. 

L'objectif de cette plateforme est d'être alimentée par des données nationales afin de permettre un pré-recensement des sites potentiellement en friche. Sa force réside également dans l'intégration de la connaissance locale, rassemblant des informations provenant d'inventaires ou d’observatoires locaux. 

« Le but est d’agréger ces inventaires locaux et parfois, quand c’est nécessaire, de les accompagner. Car chacun a sa façon de définir les choses. On en a qui se positionnent sur des sites assez grands, d’autres sur les propriétés des établissements publics fonciers (EPF). Notre rôle c’est donc de les aider à les documenter correctement, pour que celui qui parcourt Cartofriches sache exactement où il se trouve, qui a constitué les données, et quelle était la méthode », précise M. Lévêque.

Aujourd’hui, plus de 8 300 sites y sont recensés à partir de ces différentes sources. 

 

Une planification architecturale durable 

 

Au cœur de cette démarche de réhabilitation de friches, l'architecture joue un rôle essentiel. Elle doit s'adapter à la fois aux contraintes spécifiques de ces anciens sites, et aux aspirations des citoyens, pour créer des espaces à la fois fonctionnels, esthétiques, et durables.

Ainsi, « l'important c'est surtout de comprendre de quoi le bâtiment est fait, de quelle manière il a été conçu, ce qu’il s’y est passé et ensuite comment est-ce qu'on fait rentrer un programme dans un bâtiment existant. Il y a une carapace qui existe, qui est souvent intéressante parce qu’elle a été construite de manière efficace et intelligente, donc notre rôle, en tant qu’architecte, c’est d’être aussi intelligent que le bâtiment », raconte l'architecte, Matthieu Poitevin. 

Cela implique également de préserver l'histoire du lieu. Pour l’architecte, « cela passe d’abord par de l'intuition, de l'expérience, de la sensibilité aussi, puis de voir quelles en sont les caractéristiques les plus significatives : "est-ce qu'il est très grand ou est-ce qu'il est très large ?". Mais également comment est-ce qu’on oriente le bâtiment pour que la ventilation intérieure permette un confort optimal. Après, c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait la meilleure cuisine, donc paradoxalement c’est parce que la France existe et qu’elle a une histoire qui s’est passée, qu'on voit ce qui a fonctionné dans le temps ou pas, et qui nous permet de continuer de magnifier ce qui existe déjà et ensuite de les fructifier », poursuit-il. 

 

Anticiper la dépollution des sols 

 

Cependant, malgré ces différents avantages, le recyclage des friches, en particulier industrielles, suscite encore des craintes. La problématique des sites et sols pollués peut entraîner des conséquences majeures pour un projet, allant jusqu'à remettre en question sa viabilité. La dépollution peut rendre le projet plus complexe, augmenter son coût financier, ou prolonger significativement ses délais de réalisation, et peut entraîner une hausse significative, jusqu'à 25 % du prix final du foncier, décourageant ainsi certains porteurs de projets.

« Le réel défi, c'est d'arriver à faire avec un site existant », souligne Stéphane Lévêque. Ainsi, pour réhabiliter une friche industrielle, il est indispensable d’établir, dans un premier temps, un diagnostic du site, qui permet de dresser un état des lieux environnemental, et d’identifier la nature et l’ampleur de la pollution. 

Pour l'expert environnement, Nicolas Bouchery, « une des premières questions qu’il faut se poser, c’est “pour quel projet ?”. Ensuite, l'objectif, c'est de connaître son histoire, car il peut y avoir un passif industriel assez dense, mettre sur le papier, identifier les différents acteurs, exploitants qui sont intervenus sur cette friche, quelles activités ont été exploitées, est-ce qu'il y a eu des accidents, est-ce que ça a brûlé, est-ce qu'il y a eu des inondations (...). Toutes ces questions-là se doivent d'être posées et analysées », explique-t-il.  

En effet, des études approfondies et des évaluations adéquates doivent être effectuées pour identifier toute pollution potentielle et élaborer des stratégies de dépollution. C’est notamment le rôle d'Apave. « On accompagne de manière globale les donneurs d'ordres sur la réhabilitation de site. On les aide à caractériser leur projet, on va faire une évaluation de la qualité environnementale du site sur les sols, sur les eaux, et derrière on va pouvoir les accompagner sur l'usage futur du site », précise Nicolas Bouchery. 

Une fois l’histoire de la friche connue, des investigations plus affinées seront mises en place et seront superposées avec le projet de la collectivité, de l’aménageur, ou de l’exploitant. L’objectif : vérifier la compatibilité. Par exemple, « on ne va pas créer un projet de crèche sur un ancien bâtiment incendié, ce n’est pas pertinent », commente M. Bouchery. 

« L’idée derrière c’est de re-travailler, en collaboration avec le donneur d’ordre, soit sur son projet, soit sur les travaux de dépollution, qui sont à mettre en oeuvre pour tenter de lever les freins et d’aboutir à un projet de réhabilitation de friche, cohérent et durable », conclut-il.

 

Propos recueillis par Marie Gérald

Photo de une : ©Adobe Stock

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