Cession avec charges : quand la vente devient marché public
Mis à jour le 15 septembre 2025 à 16h58

Collectivités : quand la cession d’un bien immobilier devient un marché public ou une concession de travaux
La question revient régulièrement dans les collectivités : à partir de quand la cession d’un bien du domaine privé s’apparente-t-elle non plus à une simple vente, mais à un marché public ou une concession de travaux soumis au Code de la commande publique (CCP) ?
Une récente réponse ministérielle à la sénatrice de Moselle Christine Herzog (UC-R) éclaire ce point sensible.
La vente « avec charges » : un cas particulier
La sénatrice interrogeait le gouvernement sur la vente d’un terrain communal, assortie d’une obligation de démolition d’un bâtiment. Une opération apparemment privée… mais qui peut, en droit, relever de la commande publique.
Dans sa réponse, le ministère rappelle que :
- La cession d’un bien du domaine privé n’est pas soumise aux règles de publicité et de mise en concurrence.
- Mais si la cession est accompagnée de charges substantielles, notamment des travaux imposés à l’acquéreur pour répondre à un besoin de la collectivité, elle peut être requalifiée.
- Si ces charges constituent l’objet principal du contrat, la cession devient un marché public de travaux ou une concession de travaux au sens du CCP.
Autrement dit : l’important n’est pas la forme du contrat (vente) mais son contenu et sa finalité.
Les critères de requalification
Selon la jurisprudence du Conseil d’État (16 avril 2019, n° 420876) et la doctrine administrative, quatre éléments sont déterminants :
- Nature des charges : démolition, construction, aménagement imposés à l’acquéreur.
- Importance des obligations : si elles représentent une part essentielle du contrat, au-delà du simple transfert de propriété.
- Lien avec l’intérêt général : les travaux doivent répondre à un besoin de la collectivité (urbanisme, aménagement, environnement…).
- Contrôle de légalité : le préfet peut intervenir et requalifier l’opération.
Le Cerema, dans une fiche pratique publiée en 2023, souligne les risques encourus par les collectivités qui recourent à une cession « avec charges » sans respecter les obligations de mise en concurrence.
Conséquences pour les collectivités
Lorsqu’une vente est requalifiée en marché ou concession de travaux :
- La collectivité doit respecter les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le CCP.
- Les opérateurs économiques intéressés doivent pouvoir candidater librement.
- En cas de manquement, le contrat peut être annulé par le juge administratif.
Pour les élus locaux, la vigilance est donc de mise : une cession avec charges lourdes n’est pas un simple acte de gestion patrimoniale, mais peut relever de la commande publique.
Exemple : la démolition imposée
Dans le cas soumis par la sénatrice Herzog — un terrain communal vendu avec obligation de démolir un bâtiment —, le critère clé sera de savoir si la démolition est accessoire ou centrale.
- Accessoire : la vente reste une cession simple.
- Centrale : la collectivité impose à l’acquéreur de réaliser un travail d’intérêt général ; la vente peut alors être requalifiée en marché de travaux.
En résumé
- Une cession d’un bien communal peut rester une opération privée.
- Mais si elle est assortie d’obligations de travaux significatives, elle peut être requalifiée en marché ou concession de travaux.
- Les règles du Code de la commande publique s’appliquent alors, avec mise en concurrence obligatoire.
Le message du gouvernement est clair : les collectivités doivent anticiper ces situations pour éviter les contentieux et sécuriser leurs opérations immobilières.
Sources officielles :
- Réponse ministérielle à Christine Herzog (Sénat, question écrite n° 1549, publiée en 2024).
- Conseil d’État, 16 avril 2019, n° 420876.
- Code de la commande publique (articles L. 1111-1 et suivants).
- Cerema – Fiche pratique “Cession foncière avec charges” (2023).
Par Camille DECAMBU