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Bâtiments bioclimatiques et passifs : focus sur la Bretagne

Publié le 26 mai 2025

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On parle souvent de l’architecture bioclimatique dans les régions chaudes et dans les Outre-Mer. Mais qu’en est-il sur la façade atlantique, et plus précisément en Bretagne ? Le point avec trois architectes basés entre le Finistère et la Loire-Atlantique.
Bâtiments bioclimatiques et passifs : focus sur la Bretagne - Batiweb

D’après l’architecte Loïc Daubas, de l’agence Belenfant Daubas, installé en Loire-Atlantique, l’architecture bioclimatique s’est démocratisée en France métropolitaine ces dernières années, notamment au gré des réglementations thermiques de 2005 puis 2012, et aujourd’hui avec la RE2020.

Selon lui, la canicule de 2003 et les nombreux décès qu’elle a entraînés ont notamment donné lieu à une nécessaire prise en compte du confort d’été dans les bâtiments.

À l’échelle de la façade atlantique, où le climat océanique est plutôt tempéré, les bâtiments n’ont pas les mêmes impératifs que dans d’autres régions françaises, où les hivers peuvent être très froids et les étés très chauds.

Ainsi, en Bretagne – selon les architectes que nous avons interrogés – le bâtiment bioclimatique « idéal » serait principalement exposé au sud, pour faire rentrer la chaleur l’hiver, et protégé des vents et des pluies érodantes venant de l’ouest.

« Les orientations sont faites pour essayer de bénéficier des apports gratuits du soleil à l'année. C’est l’élément de base de l’architecture bioclimatique », rappelle Loïc Daubas.

 

Oui, le dérèglement climatique concerne aussi la Bretagne

 

Toutefois, selon ce dernier, avec le dérèglement climatique, les étés sont de plus en plus chauds et longs, même en Bretagne, avec des périodes de chaleur s’étendant parfois jusqu’à fin octobre.

« Pour faire simple, on est en train de s'approcher des températures qu'on avait à Bordeaux il y a peut-être une vingtaine d'années », note Loïc Daubas.

« Auparavant, on était plutôt à se protéger timidement du soleil sur les mois de juin, juillet, août. Aujourd'hui, on va chercher une protection plus importante du mois d'avril au mois d'octobre. On a un soleil qui commence à chauffer très vite le matin et donc on va essayer d’apporter des protections solaires même à l’est, alors qu’avant on ne se protégeait qu’au sud », observe-t-il.

 

Recourir à des casquettes et brise-soleil orientables

 

Dans ce contexte, de nouvelles techniques doivent être mises en place pour mieux supporter la chaleur.

« Jusque-là, pour protéger les bâtiments des températures hautes, le dispositif le plus classique, c'est de réaliser un ombrage solaire, ou des "casquettes". C'est-à-dire des auvents qu'on vient mettre devant les fenêtres et qui viennent faire une ombre devant les surfaces vitrées uniquement durant la période estivale. Or, en septembre-octobre, le soleil est plus bas. Et donc, notre dimension de protection solaire devient trop petite. Et le soleil passe directement dans le bâtiment à un moment où il fait encore chaud. Donc, finalement, la protection solaire qui était un peu le dispositif "low-tech", relativement aisé, devient inopérante », constate Loïc Daubas.

Face à ce problème, l’architecte explique recourir davantage aux brise-soleil orientables (BSO) : « Cela permet d’avoir une protection solaire devant le vitrage quand on en a besoin. On peut les orienter ou les relever pendant la période hivernale, où l’on a vraiment besoin de cet apport solaire et de chaleur », précise-t-il.

 

Maison bioclimatique avec brise-soleil orientables à Saffré (44)
©Atelier Belenfant Daubas

Autre critère important : le travail sur l’extérieur. « Qui dit maison bioclimatique dit jardin bioclimatique. Dans le jardin, on doit aussi se protéger, surtout des vents d'ouest. Et quand il y a trop de soleil, il faut avoir des zones d'ombre », selon l’architecte Patrice Bideau.

« Quand on commence les travaux, je dis à mes clients de faire des plantations tout de suite, de faire des haies, des massifs, pour se protéger des vents d’ouest. Si vous mettez une maison bioclimatique dans un espace complètement nu, sans aucune protection des vents dominants et sans protection du soleil, la maison va moins bien fonctionner », estime-t-il.

 

Les bâtiments passifs, encore un cran au-dessus ?

 

Pour Jean-Charles Castric, architecte basé à Quimper (Finistère), les bâtiments passifs iraient encore un cran au-dessus des bâtiments bioclimatiques, dans le sens où leurs performances thermiques seraient telles qu’il n’y aurait plus besoin de se soucier de l’orientation.

Selon l’architecte CEPH (Concepteur Maison Passive Certifié), le passif offre ainsi plus de liberté que le bioclimatique.

« Par exemple, si je veux aller chercher un rayon de soleil le soir au nord-ouest, je n’hésite pas, je vais me débrouiller pour aller chercher ces rayons de soleil qui m’intéressent pour l’ambiance intérieure. Je ne vais pas m'interdire de faire un percement au Nord parce que le bioclimatisme m'interdit de le faire », nous explique-t-il.

L’autre avantage d’une maison passive : la possibilité de se passer de chauffage, surtout dans un climat comme celui de la Bretagne, où les hivers sont plutôt doux, avec quasiment jamais de gel.

« On est sur des maisons qui ont des besoins en chauffage tellement faibles qu'on n'a plus besoin de chaudière », souligne Jean-Charles Castric. « Un petit convecteur peut éventuellement venir en renfort lorsque les températures descendent sous les 5°C », précise-t-il.

Contrairement aux bâtiments bioclimatiques, les bâtiments passifs sont certifiés : « Le passif, c’est un label. Tous les bâtiments passifs, on les fait certifier. Un certificateur vient dans le process vérifier le travail du concepteur. L’intérêt du passif, c’est qu’on est sur un calcul transparent », insiste Jean-Charles Castric.

 

Quid du recours au bois et aux biosourcés ?

 

Parmi les autres différences à noter, l’architecture bioclimatique est souvent associée à un recours aux matériaux biosourcés, là où le passif n’aurait « aucune exigence en termes d’origine des matériaux », détaille Jean-Charles Castric. « On peut faire un bâtiment passif avec de la laine minérale, du polystyrène, du polyuréthane… » précise-t-il.

Ainsi, nombreux sont les bâtiments bioclimatiques à recourir au bois. C’est le cas des projets de l’architecte Patrice Bideau, ayant suivi la formation MBOC (Maison Bois Outils Concepts) du CNDB (Comité National pour le Développement du Bois). Pendant plusieurs années, l’architecte explique avoir eu du mal à faire accepter ses maisons bois bioclimatiques dans le Morbihan, alors que les communes souhaitaient privilégier des maisons « néo-bretonnes ».

L’avantage d’une maison bioclimatique en bois en Bretagne ? Avoir une maison sèche dans un climat souvent humide une partie de l’année. « Mes clients étaient ravis d’avoir une maison sèche comme sur la Côte d’Azur », témoigne-t-il.

Maison bois bioclimatique à Saint-Nolff (56)
©Patrice Bideau

 

Un sujet encore trop « niche »

 

Interrogé sur la démocratisation des maisons bioclimatiques et passives en Bretagne, Jean-Charles Castric regrette que cela reste encore une « niche » car peu connu du grand public. Selon lui, seuls une trentaine d’architectes seraient certifiés CEPH en Bretagne

Il souligne par ailleurs le frein post-Covid avec la forte hausse du prix du bois, ayant coupé court à de nombreux projets de maisons à ossature bois.

« Il y a 4 ans, en 2021, juste après le Covid, j'ai eu des projets qui se sont arrêtés. La hausse des prix du bois a été colossale. Je me souviens d’une entreprise qui avait fait un devis à 500 000 euros et 6 mois après on était à 100 000 pour la même chose », se souvient-il.

 

Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : ©Pascal Leopold / Jean-Charles Castric - maison de soins de Coray (29)

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