Architecture bioclimatique : qu'en pensent les architectes ?

Elle consiste à adapter le bâti à son environnement. L'architecture bioclimatique est une démarche vertueuse dont l'objectif principal est d'obtenir le confort tout au long de l'année en réduisant considérablement les besoins énergétiques. Un habitat bioclimatique cherche ainsi l'adéquation entre la construction, le comportement des utilisateurs des lieux et le milieu.
Que pensent les architectes de l'architecture bioclimatique ? Est-ce qu'ils appliquent dans leurs réalisations, les grands principes de l'architecture bioclimatique ? Nous avons sollicité certains professionnels qui nous ont donné leurs avis pour étayer leurs méthodes de travail.
Les fondements de l'architecture bioclimatique
Accompagner le site, s'orienter pour préserver le confort thermique hiver comme été, maximiser l'ensoleillement durant la saison froide tout en protégeant le bâtiment du rayonnement solaire d'été... Tout cela fait partie des grands principes de l'architecture bioclimatique.
De même, utiliser des matériaux de construction ou de réhabilitation naturels, optimiser au mieux le recours à l’énergie et à l’eau, se doter de sources d’énergie renouvelable et de système de récupération des eaux pluviales, sont autant de procédés qui favorisent l’architecture bioclimatique. Des stratagèmes qu’il faut appliquer sans délaisser pour autant la prise en compte des risques climatiques nécessitant des actions spécifiques.
L’architecture bioclimatique est donc la recette idéale pour la conception de bâtiments les plus adaptés à leur environnement. « On fabrique une architecture qui s’adapte au climat, aux différentes saisons, au vent. En somme, elle s’adapte au milieu. C’est le genius loci des milieux, » souligne Boris Bouchet, le fondateur de Boris Bouchet Architectures, qui précise : « Le rôle des architectes c’est de comprendre et de s’adapter aux milieux ».

Architecture bioclimatique, avantages et inconvénients
Les avantages de l’architecture bioclimatique sont nombreux. Citons par exemple l’efficacité énergétique qui, grâce à une conception adaptée aux conditions climatiques locales, consiste à réduire les besoins en chauffage et en climatisation. De même, grâce à une meilleure gestion de la chaleur, de la lumière naturelle et de la ventilation, le confort intérieur et le bien-être des usagers sont assurés.
L’utilisation des matériaux écoresponsables réduisant l'empreinte carbone est essentielle. Ainsi, l'architecture bioclimatique contribue à la réduction des déchets et à la préservation des ressources naturelles, tout comme l'utilisation des énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermique).
Cependant, certains procédés possèdent des inconvénients, comme par exemple le coût de conception et de construction qui peuvent être plus élevés en raison de l'utilisation de technologies et de matériaux spécifiques, bien que ces investissements puissent souvent être compensés par des économies d'énergie à long terme.
De même, nous pouvons évoquer l’expertise spécifique et le savoir-faire ainsi que la maintenance des solutions de ventilation qui peut nécessiter des connaissances, mais aussi un suivi rigoureux. Certains systèmes bioclimatiques peuvent nécessiter un entretien régulier pour fonctionner efficacement.
L’architecte Boris Bouchet souligne que pour ces raisons, une construction devrait être la plus low tech possible. Selon le fondateur de Boris Bouchet Architectes, « la manière de vivre le climat est une question sociale ». Même son de cloche du côté de l’agence d’architecture Guinée*Potin (Anne-Flore Guinée et Hervé Potin), établie à Nantes, qui construit depuis toujours des réalisations prenant soin de leur environnement.
« L’attention et le bon sens bioclimatique que nous portons à l’environnement et au contexte, avec des implantations adéquates, des orientations adaptées aux usages, et si possible une forme de compacité, posent à notre sens les premiers jalons environnementaux. Ce à quoi s'ajoutent les principes structurels et les concepts d’enveloppe, qui doivent à présent être frugaux et le plus bas carbone possible. Cette contrainte n’en est pas vraiment une pour nous, puisque nous privilégions, depuis de nombreuses années, des solutions de mise en œuvre mixtes, alliant le béton et le bois, la paille, les isolants en chanvre, ou fibres de bois. Des matériaux si possibles biosourcés et géosourcés. Le bois, le chaume, les troncs d’arbres, les motifs et couleurs, sont nos outils », soulignent les architectes.
De son côté, Joe Vérons, l’un des cofondateurs de l’agence d’architecture Marjan Hessamfar & Joe Vérons architectes associés, qui construisent depuis 25 ans des édifices respectueux de leur environnement, précise : « le problème aujourd’hui, c’est la surchauffe d’été », et souligne par ailleurs que « le nouveau chemin qu’il faut emprunter, c’est d’interroger les usages ».

Architecture bioclimatique et constructions traditionnelles
L’architecture bioclimatique n’est pas un concept nouveau, c’est un mode de construction mis en application il y a très longtemps. Les habitations ont été conçues pour répondre aux spécificités climatiques locales, comme par exemple le recours aux toitures en pente, les murs épais, les cours intérieures. En France, l’architecture bioclimatique se trouve partout, de la Bretagne jusqu’en Occitanie en passant par la Haute-Savoie, où les maisons traditionnelles en bois, torchis ou en pierre ont été pensées pour être adaptées aux microclimats locaux et aux milieux qui les entourent.
Depuis toujours, l’architecture s’est érigée de manière à répondre aux diverses problématiques environnementales et les matériaux utilisés provenaient des environs. Cependant, aujourd’hui, les exigences ont changé. Les constructions sont plus généreuses comme nous le rappelle Joe Vérons et les procédés utilisés autrefois ne s’appliquent pas toujours d’une manière optimale. C’est pour cette raison que les architectes s'inspirent des constructions traditionnelles pour développer des solutions innovantes qui répondent aux défis actuels.
Donnons par exemple le pôle enfance jeunesse réalisé par Boris Bouchet architecture et Recita architecture à Beauregard Vendon. Un projet où les architectes ont élaboré cinq cheminées d’éclairement et de ventilation naturelle en terre crue. Un clin d’œil à l’histoire tout en se servant des procédés actuels. Cela fait de ce projet un exemple en soi. De même, les constructions traditionnelles favorisent souvent l'économie circulaire où les matériaux sont réutilisés et recyclés. Ainsi, certains architectes trouvent que la sensibilisation est importante pour croiser les anciennes connaissances et les méthodes contemporaines.
Quelques exemples d’architectures bioclimatiques

La Maison d’Accueil des visiteurs du Parc Naturel Régional Loire-Anjou-Touraine, située dans la commune de Montsoreau et réalisée pour le Parc Naturel régional Loire-Anjou-Touraine, est un exemple d’architecture bioclimatique, tout comme la future crèche municipale de semi plein air qui se trouve dans la ZAC du Bois Perrin à Rennes. Cette dernière met en avant le bois et la paille, et a pour objectif thermique la RE2025. En effet, dans ce projet vertueux, les architectes ont utilisé le tuffeau, une matière locale, et des charpentes bois, tout biosourcé et géosourcé. L’orientation y joue un rôle important, car les fenêtres orientées au sud, ont été placées en retrait de la façade, pour qu’elles soient abritées du soleil. C’est une conception bioclimatique par excellence car elle croise bonne implantation, orientation, compacité et protection solaire au sud. Le tout sans climatisation.

De même, avec le label Niveau 3 biosourcé, la future crèche municipale de Rennes, qui sera construite sur le site Bois-Perrin dans le quartier Jeanne d’Arc, va développer le lien avec la nature environnante. Il s’agit d’une construction dont les façades seront revêtues de bardeaux de châtaignier et de menuiseries extérieures vertes, afin de mieux se fondre dans son environnement naturel. Les architectes ont privilégié une ossature bois avec une isolation en paille, en plus du recours à d’autres isolants comme le chanvre. Les nombreuses réalisations de Guinée*Potin appliquent les principes de l’architecture bioclimatique tout en gardant une grande part d’esthétisme. « Le défi environnemental et la nécessité d’un changement radical de paradigme ne doit pas nous empêcher de véhiculer des valeurs esthétiques et émotionnelles : une architecture écologique ne doit pas être nécessairement moche », rappellent les architectes.

À Poissy, au sein de la ZAC Rouget de Lisle, le groupe scolaire maternel et élémentaire réalisé par l’agence Marjan Hessamfar et Joe Vérons architectes associés est un exemple d’architecture bioclimatique inspirée de la démarche PassivHaus. C’est un équipement exemplaire en termes d’efficacité énergétique, d’empreinte carbone et d’adaptabilité, répondant aux exigences de la certification HQE, du label E+C- niveau E4C2 et du niveau 3 Bâtiment Biosourcé.
De plus, le projet met en œuvre un maximum de matériaux locaux, biosourcés et géosourcés, mais aussi recyclables. Les architectes ont eu recours à une structure en charpente et poteaux bois avec murs porteurs en béton bas carbone au rez-de-chaussée, tandis qu’au premier étage on trouve des murs porteurs en ossature bois, des plafonds en fibre de bois, une isolation en laine de bois. La façade en brique faisant écho à l’architecture des maisons de la cité ouvrière Mabille toute proche, tissant un lien délicat avec le passé industriel du quartier. L’implantation favorise l’éclairage naturel des différents espaces intérieurs et extérieurs du groupe scolaire. Les larges débords de toiture ont été calibrés de manière à atteindre l’équilibre entre apports lumineux et gestion du confort d’été. La compacité des volumes témoigne d’une grande attention portée à l’éclairage naturel, à la recherche d’efficacité énergétique, à l’optimisation des flux et à la lisibilité fonctionnelle. Le projet architectural s'articule avec un projet paysager ambitieux et qualitatif, s'installant dans le prolongement des espaces verts du quartier.
La réalisation du nouveau Siège Europe de NTN-SNR est un autre exemple d’architecture bioclimatique. En effet, NTN-SNR, le leader mondial de roulements et de pièces mécaniques de haute précision a mandaté l’agence d’architecture Patriarches pour la conception de son nouveau siège européen. Habitués à concevoir une architecture bioclimatique dès les premiers traits du projet, les architectes proposent un volume compact à la forme élémentaire et aux traits épurés. Sur un site industriel jouxtant les voies ferrées situé à l’entrée de la ville d’Annecy, les architectes ont élaboré un projet remarquable qui utilise principalement le bois et offre une excellente isolation thermique, mais aussi acoustique, sans oublier la réduction significative de son empreinte carbone.
Equipé d’une mini-forêt de panneaux photovoltaïques sur le toit et d'ombrières photovoltaïques sur le parking, l’ensemble fait la part belle à la durabilité et offre à ses usagers un environnement novateur et paisible. Le projet se distingue par son grand atrium où donnent les bureaux traversant en plus de la présence d’une multitude de lieux d'échanges tels que des bulles de collaboration, des alcôves en bois apparent, des lieux informels de rencontre et d’échange.
L’autre point fort de ce projet est sa toiture en shed, qui, grâce à son orientation, mais aussi sa disposition savante, maximise l'apport en lumière naturelle et la ventilation. Celles-ci sont régulées hiver comme été grâce à la mise en place de systèmes adéquats. Mais ce n’est pas tout. Les architectes ont octroyé une grande importance aux aménagements extérieurs. Un véritable travail paysager accompagne le déploiement d'un parking créé sur demande et pensé pour accueillir véhicules et vélos. Cet espace minéral est rendu à peine perceptible grâce à la végétalisation qui a réussi à créer un semblant de ruban vert entre la rue et le bâti. De même, la perméabilité des sols rend possible la récupération intégrale des eaux de pluie. Le rooftop accessible aux usagers, participe, à sa manière, à la réduction de l'îlot de chaleur. Tout a été pensé pour le bien-être des employés.
L’architecture bioclimatique offre de nombreux avantages et constitue un investissement sur le long terme. Elle incarne une véritable raison de construire ainsi que de vivre.
Sipane Hoh
Photo de une : ©Guinée Potin - Crèche municipale de Rennes