L’Europe bétonne ses sols plus vite que prévu
Mis à jour le 08 octobre 2025 à 16h23

L’Europe bétonne ses sols à (trop) grande vitesse. Selon une vaste enquête menée par Le Monde et plusieurs médias européens dans le cadre du projet « Green to Grey », pas moins de 1 500 km² de terres naturelles et agricoles sont artificialisés chaque année sur le continent. C’est bien au-delà des objectifs fixés pour atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050.
Entre 2018 et 2023, ce sont près de 9 000 km² de sols qui ont été perdus au profit de la construction. Une surface équivalente à la superficie de Chypre. Chaque semaine, 30 km² disparaissent sous l’asphalte, soit l’équivalent de 600 terrains de football par jour.
Des chiffres bien supérieurs aux données officielles
Les journalistes et scientifiques à l’origine de cette enquête affirment que les données de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) sous-estiment largement le phénomène. En s’appuyant sur des images satellitaires à haute résolution et un modèle d’intelligence artificielle, ils estiment que l’artificialisation serait au moins 1,5 fois plus importante que les chiffres officiels.
Derrière ces hectares peu à peu grignotés se cachent des usages multiples : logements, zones industrielles, infrastructures routières, mais aussi projets touristiques. Chaque année, 900 km² d’espaces naturels (forêts, prairies, zones humides) et 600 km² de terres agricoles disparaissent, avec des conséquences directes sur la biodiversité et la sécurité alimentaire.
« Pendant des années, l’Europe a promis d’être un leader en matière de préservation du climat et de la nature, mais ce que montre cette enquête c’est que nous sommes littéralement en train de bétonner notre propre avenir », déplore Léna Schilling, eurodéputée écologiste autrichienne citée dans l’enquête.
Des objectifs européens fragilisés et une France en recul
Fixé dès 2011, l’objectif européen de réduire l’artificialisation à 800 km² par an n’a jamais été atteint. Et malgré la volonté affichée d’atteindre le zéro artificialisation nette en 2050, les divisions politiques au sein de l’UE ont affaibli plusieurs textes environnementaux.
En France, la trajectoire vers le ZAN connaît elle aussi des turbulences : la loi de simplification de l’économie adoptée récemment a assoupli les contraintes imposées aux collectivités et aux acteurs du BTP, repoussant un peu plus l’échéance d’un aménagement réellement durable.
Par Jérémy Leduc