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La réforme des retraites, un casse-tête pour les artisans du bâtiment

Publié le 17 février 2023

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Alors que l’examen de la loi pour la réforme des retraites touche à sa fin ce vendredi 17 février à minuit à l'Assemblée nationale, la colère de certains Français contre ce texte ne faiblit pas. Sentiment qu’on retrouve chez certains artisans du bâtiment, concernés par une diversité des mesures prévues, allant de la carrière longue à l’usure professionnelle. Pour Batiweb, Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, est revenu sur les revendications et mesures défendues par la confédération dans le cadre de cette réforme.
La réforme des retraites, un casse-tête pour les artisans du bâtiment - Batiweb

Dernier sprint final à l’Assemblée nationale. Ce vendredi 17 février, les députés s’efforcent d'avancer dans l’examen du projet de réforme des retraites, qui doit se terminer à minuit. 

Selon France Info, vers midi, 8 000 amendements devaient encore être décortiqués par les députés, et 3 000 avant d’arriver au fameux article 7, qui prévoit de décaler l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. 

Une mesure qui n’enthousiasme guère. En témoignent les fortes mobilisations qui ont essaimé la France ces dernières semaines. Certains artisans et petites entreprises du bâtiment ont fait partie du cortège. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment des Côtes-d’Armor (Capeb 22), a par exemple appelé à un rassemblement de ses adhérents à Saint-Brieuc, samedi 11 février.

« On a eu des départements qui ont demandé de manifester contre cette réforme, en Bretagne notamment », nous confirme Jean-Christophe Repon, président de la Capeb nationale. « Ils ont exprimé un mécontentement, mais un ras-le-bol au delà de la réforme, qui résulte de deux ans d’augmentations des prix, d’être noyé dans le travail, et d’être fatigué moralement, malgré une belle activité. Nous, on l’entend et on respecte bien évidemment leur point de vue mais on essaie, sur la France entière, d’avoir un point de vue pour faire évoluer les positions du gouvernement plutôt que de manifester » poursuit-il. 

En tant que « corps intermédiaire et négociateur », la confédération, de concert avec l’Union des entreprises de proximité (U2P) a fait part de ses propositions et négociations, lors de discussions avec le gouvernement. 

En est ressortie une première victoire pour la Capeb : fixer l’âge de départ à la retraite à 64 ans, et non à 65 ans, comme prévu initialement par Matignon. L’ajustement le plus essentiel parmi toute une liste détaillée par la confédération dans un compte rendu

Pour les carrières longues, partir à la retraite après 43 ans de cotisation « et pas plus »

 

Grand casse-tête de Matignon dans la réforme des retraites, la question des carrières longues a également préoccupé la Capeb. « Pour nous c’est essentiel que les gens qui ont choisi de rentrer très tôt dans l’artisanat du bâtiment par l’apprentissage, puissent partir avant. Et on s’est battu depuis le début, et on continue à le faire au Sénat, en audition, pour rappeler que les jeunes qui vont rejoindre le collectif du bâtiment et de l’artisanat doivent partir à 43 annuités et pas plus », explique Jean-Christophe Repon. 

À ce sujet, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé ce mardi que les personnes ayant commencé à travailler à 17 ans devront finalement cotiser pendant 43 ans, au lieu de 44, afin de pouvoir partir à la retraite à 60 ans. 

« Et on se bat actuellement pour qu’avant 20 ans, si on a ouvert nos droits à la retraite en carrière longues avec les [quatre-]cinq trimestres, on pourra partir 43 ans plus tard, dont ces [quatre-]cinq trimestres de cotisations », revendique à son tour le président de la Capeb.

La confédération se réjouit cependant d’un autre amendement du gouvernement, concernant les salariés près de la retraite et ayant commencé par l’apprentissage avant leurs 20 ans. À une époque, cette période de travail n’était pas comptabilisée. Les artisans du bâtiment impliqués peuvent maintenant bénéficier du droit de départ liée à une carrière longue, en rachetant leurs trimestres. 

« Alors, ils faudra qu’on regarde le coût du rachat du trimestre. Mais il est logiquement, dans l’annonce faite du gouvernement, très intéressant », estime Jean-Christophe Repon.

Pouvoir continuer à travailler et cotiser, même en retraite

 

Pour les autres artisans et petites entreprises du bâtiment, le départ à la retraite à 64 ans semble tout à fait envisageable pour Jean-Christophe Repon. 

Si l’âge légal est encore de 62 ans, et l’âge moyen réel de départ à la retraite de 63 ans, beaucoup des professionnels du secteur poursuivraient leur activité au-delà de ce seuil. Ce n’est pas pour rien que la confédération a porté, lors des négociations, l’amélioration des dispositifs de cumul emploi retraite et de la retraite progressive, finalement accordée par le gouvernement. 

Cette mesure s’inspire de celle appliquée pour lutter contre les déserts médicaux. « Il était possible pour les médecins, de reprendre une activité, de bénéficier de la retraite et de continuer à cotiser. Actuellement, on a des artisans qui voudraient partir à la retraite, mais continuer une activité pour avoir un complément de salaire », nous expose Jean-Christophe Repon. 

« Et puis je pense aussi que chez l’artisan du bâtiment, il y a une difficulté de rompre le service avec une clientèle historique, depuis des décennies. Donc, si madame Michu nous appelle pour dire "Ma chaudière est en panne", on ne va pas la laisser », nous confie-t-il.

Chose rendue possible par le cumul emploi retraite. « Et pour nous c’est très très important, parce qu’on a souvent l’envie de pouvoir souffler un peu mais de continuer et de lutter contre les petites pensions », commente le président. Car si la réforme prévoit un report de l’âge légal de départ à la retraite, elle envisage une revalorisation des pensions à 1 200 euros, à 85 %. 

À cotisation égale, des droits égaux pour les artisans du bâtiment indépendants

 

Or, les contours sur cette mesure et la redistribution demeurent floues. « Il n’empêche qu’on va avoir une revalorisation des pensions. On a beaucoup de stock d’artisans à la retraite qui vont en bénéficier. Alors si c’est 100 euros, on verra, mais c’est pour nous important car on a la nécessité de valoriser la valeur travail et qu’on ait un peu plus de différence entre le minima social et la retraite », pense de son côté Jean-Christophe Repon.

Surtout que les artisans du bâtiment indépendants peuvent être exposés à une certaine précarité. La simplification du calcul des cotisations et des contributions sociales a justement été accordée par Matignon, dans le but de faciliter la situation de cette catégorie de travailleurs. 

Une refonte demandée depuis des années par la Capeb, et qui comprend un abattement forfaitaire d’un tiers de cette assiette de cotisations et épargner aux indépendants des cotisations non génératrices de droits (CSG/CRDS). Cela tend à augmenter les cotisations à la sécurité sociale et à la retraite.

La mesure ne sera pas inscrite dans la réforme des retraites, mais plutôt « dans la loi financement de sécurité sociale de 2024. Mais cela figure dans le communiqué de presse de la déclaration de la loi de Madame Borne, en disant qu’ils allaient aligner, comme il était prévu dans la réforme universelle prévue initialement, le régime des indépendants sur le régime général », précise Jean-Christophe Repon. « Cela veut dire qu’au bout de notre carrière pleine, on ouvrira plus de droits, on répondra pour partie à la problématique des petites pensions », abonde l’intéressé. 

Autre iniquité évoquée par la Capeb, concernant les professions libérales, qui sont en dehors des 10 % de pension supplémentaires pour le troisième enfant. « La réforme va supprimer cette exemption des professions libérales, qui sont pour nous une injustice », complète Jean-Christophe Repon.

Un fonds d’investissement extérieur à l’entreprise pour prévenir l’usure professionnelle


Dans sa réforme des retraites, Elisabeth Borne avait annoncé la création d’un fonds d’investissement, extérieur à l’entreprise et dédié à la prévention de l’usure professionnelle, doté d’un milliard d’euros sur le quinquennat. Cette manne financière pourra être mobilisée par une entreprise du bâtiment afin qu’un médecin puisse examiner un salarié, dès que ce dernier aura atteint ses 45 ans. 

De quoi permettre « la prévention mais aussi la reconversion du salarié qui serait usé dans une autre entreprise ou une autre filière », décrypte le président de la Capeb, qui avait soutenu cette mesure avec l’U2P.

« On s’est battus dans cette réforme pour qu’on ait pas de hausse de cotisation. Nous, dans la branche du bâtiment, on a déjà une cotisation supplémentaire, avec des accords, notamment avec l’OPPBTP, sur lesquels on cotise + 0,11 points pour faire de la prévention », souligne-t-il.

D’autant que les actions de la Capeb, en partenariat avec l’OPPBTP et son observatoire l’IRIS-ST ne sont guère inconnues, que ce soit dans la prévention des TMS, de la sécurité routière, ou bien des addictions.

Malgré les propositions, négociations et mesures accordées, la Capeb ressent encore « beaucoup de craintes » et mise sur la « vigilance », nous indique son président. Car, malgré les promesses, tout va se jouer selon lui lors de la sortie des décrets. Et la confédération entend bien s’assurer que ce qui sera déclaré sera en concordance avec les différentes réalités de l’artisanat du bâtiment.

 

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Propos recueillis par Virginie Kroun

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