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Bornes de recharge de véhicules électriques : quels risques de sinistres ?

Publié le 19 juillet 2023

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Selon les chiffres d’Enedis : ce sont 1 400 135 bornes de recharge de véhicules électriques qui ont été installées au premier trimestre 2023, dont 540 928 pour les entreprises, 763 452 pour les particuliers, ainsi que 95 755 accessibles au public. Autant de types de bâtis sur lesquels Mobileese, bureau d’études techniques, a mené des travaux de conception, mais aussi rencontré des risques de sinistres. Interview avec son président, François Gatineau.
Bornes de recharge de véhicules électriques : quels risques de sinistres ? - Batiweb

Pouvez-vous nous présenter Mobileese ?

 

François Gatineau : Mobileese existe depuis 2016. Nous sommes un cabinet de conseil et un bureau d’études techniques certifiés et spécialisés en mobilités électriques. Nous faisons uniquement du service et des études techniques sur les infrastructures liées aux recharges de véhicules électriques. Et puis tout ce qui concerne les usages véhicules électriques, bien sûr, versus l’énergie qui leur est nécessaire.

On est certifiés Afnor pour une raison très simple : sur la base du décret de mai 2021, qui spécifie le cadre réglementaire opéré dans ce secteur, la filière a mis en place, sous l’égide de l’État, des corps de métiers sur la chaîne de valeur, qui doivent être qualifiés, c’est-à-dire avec un niveau d’expertise suffisant et reconnu par des organismes comme l’Afnor, ou Qualifelec, afin qu’on s’assure que les bureaux d’études, les installateurs et les mainteneurs des infrastructures de recharge, soient bien des experts habilités à intervenir pour leur domaine de prédilection.

Des procédures peu éloignées dans les métiers d'installations électriques, comme les panneaux photovoltaïques ou l’éclairage…

 

François Gatineau : Ou d’autres filières du BTP, où ces besoins sont indispensables parce qu’on touche à des choses qui non seulement ont de la valeur, mais en plus présentent des risques. Le premier risque, c’est le risque au bâtiment, au bien, dont le risque incendie notamment. Et le deuxième c’est le risque aux personnes.

Quand vous savez que votre abonnement, de votre compteur, pour votre domicile est à 6/9 kilowatt pour l’ensemble des équipements : là vous avez une borne de recharge qui délivre une puissance, qui fait déjà équivalent d’une habitation. Quand vous en avez plusieurs sur un même parking, cela fait l’équivalent d’un immeuble ou parfois d’une petite ville. Donc c’est extrêmement sensible, vous avez beaucoup d’intensité qui circule, et donc le danger est important.

Quelles mesures sécuritaires cela implique dans l’installation de bornes de recharge ?


François Gatineau : La réglementation impose, dans notre domaine, de faire des études de conception, en tant qu’acteurs certifiés, qualifiés, pour les parkings, à partir de 50 places.

Et là, on tombe dans le domaine assurantiel : c’est-à-dire que les puissances en jeu sont telles que ne pas faire d’études reviendra à prendre trop de risques.Si jamais quelqu’un n’est pas expérimenté et que c’est mal fait, il y a des risques d’électrocution et de feu.

De ce fait, il est très important que la filière et les aménageurs, ceux qui vont installer, aient bien conscience de ça. Et à l’heure actuelle ce n’est pas le cas, beaucoup omettent cette phase de faire une étude de conception, par un professionnel, suffisamment habilité. Ce qui fait que, si jamais il y a un jour un problème et que ce n’est pas bien fait, l’assurance risque de ne pas couvrir les dommages occasionnés.

Concrètement, quels défauts d’installations Mobileese a déjà rencontrés ?

 

François Gatineau : On a déjà eu en parallèle des alimentations qui n’étaient pas protégées, c’est-à-dire des câbles qui partent. Quand vous avez une succession de protections dans les tableaux électriques, vous avez la première protection du tableau général. Quand vous mettez une protection en dessous et que ce n’est pas un composant de la même famille, ni de la même marque, la filiation ne marche plus, donc la protection du deuxième ne marche plus. 

On a vu des sections de câbles qui n’étaient pas bonnes, des calculs qui n’étaient pas vérifiés, et les câbles n’étaient pas assez gros, ce qui provoquait un échauffement. Quand on faisait une recharge, les câbles se sont mis à brûler.

Quels coûts impliquent ces sinistres ?

 

François Gatineau : Une installation de bornes de recharge, quand il y en a plusieurs, pour un parking de 50 places, ça coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros. Et tout bâtiment évidemment coûte très cher. Donc si le professionnel - que ce soit le bureau d’études, l’installateur, le mainteneur - n’a pas cette qualification, ni la garantie décennale qui va bien, si jamais il y a un dommage : l’expertise qui sera faite viendra attribuer le défaut à celui qui l’a réalisé, et donc c’est lui qui devra supporter le coût de l’assurance, parce que l’assurance ne couvrira pas.

Par exemple, si l’expertise détermine que la conception n’était pas bonne, que les sections de câble n’étaient pas bonnes et les protections différentielles pas adaptées, dans ce cas, l’expertise conclura : c’est la faute du bureau d’études.

Y a-t-il des sources à ces défauts de conception des bornes de recharge ? 

 

François Gatineau : Je pense que c’est une péréquation de plusieurs choses. Déjà un manque de main d’oeuvre. Si on manque de main d’oeuvre, peut-être qu’on va faire moins d’efforts pour la former. On va prendre des personnes qui ne sont pas forcément électriciens de formation, on va les former et ils n’ont peut-être pas tous les acquis.

C’est aussi les opportunités de certaines entreprises, dans ce domaine-là. Il y a beaucoup de travail, donc beaucoup d’aubaine, et des professionnels font des raccourcis dans la qualité du travail.

Et puis, il y a un manque de pédagogie aussi, de bien comprendre les enjeux et les dangers. Beaucoup se disent que monter des infrastructures de recharge, c’est tirer du câble comme tirer du câble pour la fibre. Et la fibre c’était de l’optique, il n’y avait pas d’électricité qui passait par les câbles. Certes ces gens-là savent tirer des câbles, percer des trous, etc, mais ce qui circule à l’intérieur, ce n’est pas la même chose.

Il y a beaucoup de professionnels, qui sont de bon niveau, mais il n’y en a pas assez.

Avez-vous une idée une chiffrée des besoins en électriciens infrastructures, recharge pour véhicules électriques (IRVE) ?

 

François Gatineau : En Europe, il faudra entre 55 000 et 80 000 techniciens IRVE par an, pour faire toutes les installations. Mais cela n'est que pour la partie installation. Il faut aussi entre 5 000 et 10 000 ingénieurs et techniciens de bureaux d’études en Europe.

Sachant qu’en France, on emploie 9 000 personnes par an aux métiers d’électriciens, c’est-à-dire l’électricien généraliste, l’électricien industriel, le fabricant de matériaux électriciens, le poseur de panneaux photovoltaïques et le technicien en infrastructures. Donc quand vous comparez les deux, il y a un manque énorme.

Qu’est-ce qui peut améliorer installation de bornes de recharge ?

 

François Gatineau : Des contrôles plus rigoureux et des exigences côté assurance. On le voit déjà beaucoup, des gros dossiers. Le client exige des certificats prouvant notre expertise.


Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : François Gatineau - Mobileese

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