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Artibat 2025 : IA, cobotique, la révolution technologique de la construction

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Publié le 24 octobre 2025, mis à jour le 24 octobre 2025 à 16h17, par Raphaël Barrou


Lors de l'édition 2025 du salon Artibat à Bruz (Ille-et-Vilaine), un espace dédié à la cobotique et à l'IA a vu le jour. Certains exposants exposent des produits déjà commercialisés alors que des démonstrations sont organisées pour présenter les dernières innovations concernant le secteur de la construction.
Robot poseur de briques, tenu par des câbles - ©Jade Melquiond
Robot poseur de briques, tenu par des câbles - ©Jade Melquiond

Les yeux rivés sur son écran d'ordinateur, Sofiane Madani se dépêche d'envoyer un mail de la plus haute importance : « Vous savez, il y a deux jours, il y a eu une tempête, une tornade dans le 95. Alors il faut gérer ça en live. » En cette fin de mois d’octobre, le trentenaire scrute déjà les dégâts sur les toitures causés par une tornade qui a touché le secteur d’Ermont (Val-d’Oise).

Au cœur de la Collab’Zone du salon Artibat, l’espace dédié à la cobotique et l’intelligence artificielle (IA), Sofiane Madani présente Birdia. Une entreprise, dont il est le cofondateur et le directeur, qui promet aux couvreurs de réduire le temps d’analyse des toitures pour établir un devis.

Pour ce faire, il a trouvé un atout de choix : l’analyse des toits depuis le ciel. « On a un deal avec Airbus », explique Monsieur Madani. « Donc on fait une commande, eux, ils font voler leur satellite sur la zone et nous, on récupère les images ». Des images qui sont ensuite soumises au diagnostic d’une intelligence artificielle. Reste simplement à délimiter la zone à analyser.

En quelques secondes, le verdict de la machine est sans appel : « Sur le toit de cette maison, ça affiche un taux de de moisissure de 71 %, c'est assez élevé. Dans ce cas, il faut faire un entretien, on appelle ça un démoussage du revêtement ». Un couvreur est ensuite mis en relation avec le client. Un devis peut être réalisé sans déplacement, un progrès selon Sofiane Madani.

« Ça ne va pas du tout supprimer de main-d'œuvre »

 

Le patron de Birdia estime en effet que la majorité des chutes de professionnels a lieu lors de l’audit de toiture. « Ça ne veut pas dire qu'ils ne vont pas sur le terrain confirmer ce que la machine a détecté », tempère-t-il. « Parce que ça reste quand même un métier où les artisans adorent aller voir leurs clients. »

Mais pour reconnaître correctement les risques à partir de simples vues aériennes, ce sont de vrais couvreurs qui ont entraîné l’IA. « Nous lui avons simplement mis à disposition des vrais artisans couvreurs qui lui ont dit : "Ça c'est de la moisissure, ça c'est un taux d'humidité anormal…” et comme ça, la machine a appris à reconnaître par elle-même ».

La base de données vise à séduire les assureurs. « Ce que les assurances veulent faire, c'est encourager le préventif parce que si vous dépensez tous les 3 ans 600 € pour entretenir votre toiture, vous allez la prolonger de 15 ans. Alors que si vous ne le faites jamais, cela va coûter beaucoup plus cher si une catastrophe se produit », argumente Sofiane Madani.

Comme de nombreux exposants sur l’espace Collab’Zone, les créateurs de Birdia pensent que leur invention va davantage soulager les ouvriers que les remplacer. « Côté couvreur, je pense que ça ne va pas du tout supprimer de main-d'œuvre », affirme Sofiane Madani. « Mais côté assurance, bien évidemment ! Parce que dans les assurances, aujourd'hui, ce sont des humains qui regardent ces images pour déterminer s'ils doivent mettre une prime élevée de risque. Alors que si c'est la machine qui le fait, il n’y a plus besoin de ces postes ».

« Pendant que le robot agit, l'artisan peut faire autre chose »

 

À quelques pas du stand de Birdia, Olivier Eugène présente le robot Sisyfbots. Grâce à une application, qui commande un système de rails emboîtables, la machine est capable d’accomplir une multitude de tâches. Depuis un téléphone, l'ingénieur montre fièrement les cinq configurations que peut prendre la machine, selon les besoins. « Et pendant que le robot agit, l’artisan, lui, il peut faire complètement autre chose », se réjouit-il.

Le robot dispose d'une caméra permettant de lui donner des instructions en terme d'espace - ©Raphaël Barrou

Devant des visiteurs interloqués, un de ses collègues ouvre les bras, se déplace le long d’un mur et répète l’opération quelques mètres plus loin. Une caméra, disposée sur un boîtier, fait face au mur concerné par l’opération. Celle-ci permet, par ces simples gestes, de donner l’ordre à l’IA du robot de peindre sur l’espace indiqué.

« Mais ça reste un compagnon, il est là pour accompagner l'artisan. Les gens à qui on s'adresse en premier, ce sont des artisans qui ne veulent pas embaucher tout en étant plus productifs. Mais sinon, ce robot ne va jamais les remplacer ». Olivier Eugène concède pourtant que « la plupart du temps, l'homme sera peut-être plus rapide ».Avant d'opposer : « Mais il sera beaucoup plus fatigué ! Et si c'est quelqu'un qui travaille seul, ça booste sa productivité. »

Des recherches pour diminuer l'impact environnemental des constructions

 

Pour Sisyfbots, la commercialisation commence tout juste. Mais le secteur de la construction n’en est certainement qu’au début de la révolution portée par l’intelligence artificielle et la cobotique. Au cours des trois jours du salon, l’université de Nantes a occupé une grande partie de la Collab’Zone. Pour l’établissement d’enseignement supérieur, c’était l’occasion de présenter des démonstrations de robots, réalisés en laboratoire, qui ne sont pas forcément commercialisés.

Ici, il est surtout question d'innovations qui peuvent parfois sembler futuristes, notamment un impressionnant robot poseur de briques, tenu par des câbles. Et pourtant, les travaux des chercheurs semblent bien partis pour s’imposer sur les chantiers de demain. « Beaucoup d'industriels viennent nous voir pour faire des projets collaboratifs de recherche, des prématurations avec dépôt de brevet ou des principes qu’ils veulent travailler », explique Élodie Paquet, maîtresse de conférences au pôle Sciences et technologie de l’IUT de Nantes.

Concrètement, sur le stand, les chercheurs présentent leurs modèles de réservoirs de stockage d’air comprimé pour les parcs éoliens, des maisons... Particularité : ces constructions sont imprimées couche par couche par une imprimante 3D. Un des objectifs de ce travail de recherche est de trouver des moyens d’utiliser des matériaux moins polluants.

Modèles de réservoirs structures réalisées avec une imprimante 3D - ©Jade Melquiond

« Nous avons fait une première maison à Nantes en 2018. Elle faisait 95 m² et n’a été imprimée qu’en 33 h », se remémore Élodie Paquet. « Mais on nous a fait beaucoup de reproches. Les gens nous ont dit : “C'est bien, c'est rapide et cetera. Par contre, c'est encore de la mousse polyuréthane à laquelle vous avez ajouté du béton. Ce n’est pas écolo !” »

La France en retard sur la formation ?

 

Finalement, une deuxième maison est construite en 2022 à Beaucouzé (Maine-et-Loire). Et cette fois : « Il y a eu l'équivalent de 13 000 bouteilles recyclées dans de la mousse de polymère. » Cette trouvaille permet de réduire d’un coup l’empreinte écologique du chantier. D’autant plus que les murs sont réalisés grâce à des matériaux de chantier récupérés.

Mais quand vient la question de la formation à ces nouvelles méthodes d’utilisation de la robotique sur les chantiers, Élodie Paquet soupire : « En France, on est un peu en retard sur les nouveaux procédés émergents par rapport à nos voisins européens. En Allemagne, l'État donne entre 5 et 8 millions d’euros à des chercheurs et à des groupements de recherche autour des procédés du numérique, de la robotisation, de la fabrication additive pour le bâtiment ! »

La plupart des exposants de la Collab’Zone se veulent rassurants sur la facilité de prendre en main leurs machines. Mais reste encore à savoir si les ouvriers de la construction auront l’opportunité de se former convenablement, pour tirer les bénéfices du développement effréné de toutes ces innovations. 

 

Par Raphaël Barrou

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