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Quels enjeux et opportunités pour le secteur du BTP à l'ère de la transition numérique ?

Publié le 28 mars 2023

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Le BTP est un secteur en constante évolution, avec de nouvelles technologies et techniques de construction qui émergent régulièrement. Bien que les entreprises du secteur aient pris conscience de la nécessité de s'adapter à la transition numérique engagée par la France, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour accélérer cette évolution. Entretien avec Franck Le Nuellec, directeur marketing, développement et innovation stratégique au CCCA-BTP.
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Dans l’économie française, le secteur du BTP joue un rôle crucial. Ce secteur est caractérisé par une prédominance de micro-entreprises et de PME, qui constituent une source considérable de potentiel et d'innovation. Cependant, malgré ce potentiel, il a encore du mal à se renouveler pour faire face à la montée de nouveaux acteurs qui placent l'innovation au cœur de leur métier.

 

Un secteur régi par une réglementation qui évolue 

 

Le BTP est un secteur en mutation constante, avec l'émergence de nouvelles technologies qui modifient la façon dont les bâtiments sont conçus, construits et gérés. Petit à petit, la France a pris conscience de ces changements et a mis en place plusieurs initiatives pour accompagner la mutation technologique du secteur de la construction, à l’image du plan « BIM 2022 », qui visait, entre autres, à encourager l'utilisation des technologies numériques pour améliorer la productivité et la qualité des projets de construction.

« On voit l’émergence d’innovations autour de la productivité, tout ce qui est outils d’amélioration de chantiers, mais également des solutions pour pousser l’industrialisation de la construction, l’amélioration des matériaux et matériels, favoriser une approche globale et collaborative du chantier pour faciliter les échanges entre les équipes… », constate Franck Le Nuellec, directeur marketing, développement et innovation stratégique au CCCA-BTP.

Pour s'adapter à cette mutation, les entreprises doivent se conformer à des normes et réglementations spécifiques qui régissent l'utilisation de technologies innovantes dans le secteur. Des normes et réglementations « qui ne sont pas pleinement abouties », selon Franck Le Nuellec, mais qui « permettent néanmoins d’aller dans le bon sens, et qui ont eu le mérite d’avoir engagé une dynamique », souligne-t-il.

Au-delà de devoir respecter ces normes et réglementations, les entreprises du BTP françaises sont-elles réellement décidées à engager le virage de la transition numérique ? Car traditionnellement, le secteur de la construction est plus lent pour adopter les nouvelles technologies que d'autres industries, notamment à cause de la complexité des projets de construction, qui impliquent souvent de nombreux acteurs et une planification minutieuse.

D'après le directeur innovation stratégique du CCCA-BTP, « on voit bien qu’aujourd’hui les écosystèmes ne sont pas encore totalement prêts à une révolution et à une approche disruptive », mais ce dernier souligne toutefois que les entreprises du secteur le sont beaucoup plus « qu’il y a 10 ans ou qu’il y a 5 ans », et « qu’il y a eu une véritable prise de conscience ».

« Aujourd’hui, elles ont conscience que l’ère du "prototypage" est révolue et qu’il faut travailler sur l’évolution des pratiques, l’utilisation et la massification du digital. Si on prend ce champ-là, alors oui les entreprises du BTP ont pris le vent.  En revanche, il reste encore du travail sur le sujet de la transition écologique par exemple, et là on voit que la réglementation va permettre d’avancer à marche forcée, d’embarquer un plus grand nombre vers l’objectif final, à savoir de massifier la rénovation énergétique et la décarbonation. Par ailleurs, quand on regarde tout ce qui est taxonomie, typiquement, de la contrainte, va naître l’innovation et l’implication massive des entreprises », estime-t-il.

 

La formation, un levier pour l’innovation 

 

Dans ce contexte, la formation devient un enjeu majeur pour le secteur et pour les professionnels du bâtiment, qui doivent se former aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes constructives pour être en mesure de les intégrer dans leurs projets. Les organismes de formation jouent ainsi un rôle clé dans la diffusion de nouvelles techniques de construction innovantes. À l’image du CCCA-BTP, qui développe des formations spécifiques axées sur l'innovation dans le secteur du BTP, qui permettent aux apprentis et aux professionnels de développer des compétences techniques avancées et de se familiariser avec les technologies innovantes. 

«  Aujourd’hui, les centres de formation abordent les deux aspects, la formation dite "traditionnelle", car il est important d’avoir une base et un référentiel, mais selon moi, le centre de formation doit également jouer un rôle d’éclaireur en terme d’innovation », précise M. Le Nuellec, rappellant les chiffres du baromètre du CCCA-BTP : « Aujourd’hui, 8 apprentis sur 10 estiment que c’est à sa génération de porter l’innovation, et 6 chefs d’entreprises sur 10 considèrent que l’organisme de formation, et donc l’apprenti, doivent être en capacité de leur apporter un éclairage sur les techniques innovantes ».

D’ailleurs pour Franck Le Nuellec, la clé de l’innovation réside dans « une démarche coordonnée, au niveau d’une filière ou d’inter-filière ». « Même si, la France a fait la part belle à l’innovation, au sens large, et aux start-ups notamment, ce qu’il manque aujourd’hui, ou du moins ce qui devrait être plus développé, ce sont des structures telles que le Win’Lab, c’est-à-dire un incubateur avec une mission d’intérêt général. Avec le Win’Lab, nous n’avons pas vocation à capter l’expertise d’une start-up pour en tirer un avantage concurrentiel vis-à-vis d’autres entreprises, mais notre ambition est de favoriser les expérimentations pour faire évoluer les compétences des jeunes apprentis et des entreprises, et à mon sens c’est ce qui pourrait être fait un peu plus fort : multiplier les actions pour favoriser les expérimentations dans le cadre d’une mission d’intérêt général », poursuit-il.

 

Quels futurs défis pour l'innovation de la construction ? 

 

Les acteurs de la construction commencent petit à petit à prendre le chemin de la digitalisation et de la transformation numérique, et de nombreuses entreprises investissent dans des outils numériques pour améliorer leur productivité et leur efficacité. Certaines créent également des départements de R&D pour développer de nouveaux produits et services innovants.

Cependant, la transformation numérique du secteur de la construction est un processus lent et complexe, qui nécessite une collaboration étroite entre les différents acteurs. « Je crois beaucoup à cette interaction entre les différents acteurs d’un même territoire. Trop longtemps dans le domaine de la construction, nous sommes restés concentrer sur la construction "seule", et nous n’avons pas pris conscience que la construction était au coeur d’un territoire, et que ce territoire comportait des bâtiments, des infrastructures, mais aussi de la mobilité, une ville et des acteurs économiques… Je suis convaincu, désormais, qu'il faut aborder les problèmes sous un angle systémique, que l’innovation doit devenir systémique, et que l'on doit créer de véritables interactions entre les différents acteurs d’un même territoire », indique Franck Le Nuellec.

Mais alors quels défis, la France et les entreprises du BTP, doivent-elles relever pour accélerer cette transition numérique et favoriser l'émergence d'innovations ? Pour M. Le Nuellec, la réponse est claire : « Le principal sujet tourne autour du décloisonnement des métiers. Il faut que l’innovation, et que la technologie en général, intègre quoi qu’il arrive cette nouvelle façon de travailler ».

« Jusqu’à présent, il y avait encore un trop grand nombre d’acteurs qui travaillaient en mode ciseaux, chacun dans son coin. Aujourd’hui, avec les normes qui se durcissent de plus en plus, notamment autour des ponts thermiques ou au niveau de l’empreinte carbone du bâti. À cet endroit, il est essentiel qu’il y ait des innovations qui soient poussées sur le champ de l’amélioration de l’inter-opérabilité par exemple, ou encore sur l’optimisation de la décarbonation, et ce, quelle que soit l’étape du chantier. C’est-à-dire qu’il ne suffit pas de construire un batiment décarboné, mais que les matériaux qui l'habitent le soient eux-mêmes, et ensuite de penser la réversibilité des usages, de faire en sorte qu’un bâtiment puisse avoir plusieurs usages dans le même espace temps... Il faut que l’innovation, et que la technologie en général, intègre systèmatiquement cette nouvelle façon de travailler », conclut-il. 

 

Propos recueillis par Marie Gérald 

Photo de une : ©Adobe Stock

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