Une étude de l'Ancols dresse un état des lieux énergétique du parc social
Publié le 14 décembre 2025, mis à jour le 12 décembre 2025 à 16h46, par Nils Buchsbaum

L’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) a publié mardi 2 décembre un panorama des sources d’énergie utilisées dans le parc social. Fondée sur les données de l’enquête TRELO effectuée en 2023 par le Service des données et études statistiques (Sdes), cette analyse s’inscrit dans la continuité des travaux menés par l’Ancols sur la rénovation thermique et la transition énergétique du logement social.
L’étude dresse un état des lieux précis des équipements énergétiques du secteur, mis en perspective avec l’ensemble du parc résidentiel français. Elle met également en lumière les stratégies de rénovation engagées ces dernières années par les bailleurs, ainsi que les trajectoires envisagées pour les prochaines décennies. Ces projections permettent d’évaluer la capacité du secteur à se rapprocher des objectifs de décarbonation fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
55 % des logements sociaux sont équipés au gaz
Les données présentées par l’Ancols confirment que le parc social se distingue nettement du parc privé en matière de modes de chauffage. Le gaz y est très majoritaire : il équipe 55 % des logements sociaux, soit plus de vingt points de plus que dans les locations privées (32 %) comme chez les propriétaires occupants (34 %). Les réseaux de chaleur y sont également beaucoup plus présents, représentant 20 % des modes de chauffage, contre seulement 5 % dans le parc locatif privé.
À l’inverse, l’électricité — largement utilisée dans le parc privé — demeure sous-représentée dans le logement social, où elle ne couvre que 20 % des logements contre 52 % des locations privées et 32 % des résidences de propriétaires occupants.
Ces écarts entre parc social et parc privé s’expliquent en grande partie par la nature même du parc social, largement composé d’immeubles collectifs. Près de 85 % des logements sociaux sont des appartements, contre seulement 36 % des résidences principales du parc privé, une configuration qui favorise l’usage du gaz et des réseaux de chaleur.
Les pompes à chaleur et les installations au bois couvrent près de 20 % des modes de chauffage dans l’ensemble des résidences principales en France, mais restent très rares dans le parc social, où elles représentent seulement 3 % des équipements. Cette faible adoption s’explique par la prédominance du logement collectif, peu compatible avec les premières générations de pompes à chaleur et rarement équipé de dispositifs au bois.
Entre 0,7 et 1 milliard d'euros de travaux de rénovation énergétique par an
Entre 2018 et 2023, les bailleurs sociaux déclarent avoir rénové chaque année les systèmes de chauffage d’environ 100 000 logements, soit un peu plus de 2 % du parc, un rythme similaire pour les équipements de production d’eau chaude.
Mais près de trois quarts de ces interventions se limitent à un remplacement à l’identique, sans changement d’énergie, ce qui réduit leur impact sur la décarbonation malgré des gains en efficacité énergétique. Sur cette période, les bailleurs ont consacré 0,7 à 1 milliard d’euros par an à ces travaux, soit 3 à 4 % de leurs investissements annuels.
Dans l’ensemble du parc social, le gaz et l’électricité concentrent près de 90 % des travaux menés sur les systèmes énergétiques. Les équipements électriques restent toutefois moins rénovés que leur poids dans le parc : ils ne représentent que 15 % des interventions sur le chauffage (contre 19 % du parc en 2018) et 17 % des travaux sur l’eau chaude (pour 25 % du parc). À l’inverse, le gaz est largement surreprésenté, totalisant 74 % des interventions de chauffage alors qu’il ne pesait que 56 % du parc.
Le fioul fait également l’objet d’une attention proportionnellement forte. S’il ne compte que pour 2 % des travaux, près de 30 % des logements chauffés au fioul ont été concernés sur la période. Le chauffage au bois, en revanche, demeure très peu touché par les opérations.
Les changements de vecteur énergétique opérés entre 2018 et 2023 montrent une transition principalement orientée vers les réseaux de chaleur, qui concentrent 73 % des remplacements de systèmes de chauffage, essentiellement au détriment du gaz. Les bascules vers les pompes à chaleur restent, elles, très limitées, elles ne représentent que 6 % des changements réalisés sur la période.
Même si les bailleurs ont ciblé les équipements au gaz ou au fioul, les travaux réalisés sur la période ont eu un impact limité sur la décarbonation du parc social. Le principal frein reste le manque de moyens financiers, évoqué par 64 % des bailleurs, tandis que l’absence de solutions techniques adaptées et la difficulté à mobiliser une main-d’œuvre qualifiée pour l’entretien des nouveaux équipements ralentissent également la généralisation des changements de systèmes.
L’ambition de rénover 270 000 systèmes par an
Dans son rapport, l’Ancols rappelle que la performance énergétique des logements dépend fortement du choix du vecteur énergétique pour le chauffage et l’eau chaude. Les énergies fossiles, comme le gaz et le fioul, émettent davantage de gaz à effet de serre, tandis que des solutions plus performantes, comme les pompes à chaleur, réduisent la consommation d’énergie. La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) fixe des objectifs clairs : supprimer le fioul et remplacer 75 % des chaudières à gaz par des systèmes décarbonés d’ici 2030. L’installation de pompes à chaleur ainsi que le raccordement à des réseaux de chaleurs sont « les deux options privilégiées pour remplacer ces vecteurs ».
À l’horizon 2025, les bailleurs prévoient d’intensifier fortement les travaux sur les vecteurs énergétiques du parc social. Le rythme annuel des interventions devrait presque doubler, passant de 2,1 % à 3,9 % du parc, soit environ 270 000 systèmes rénovés par an contre 130 000 entre 2018 et 2023.
Cette progression concerne à la fois le chauffage, dont le taux de rénovation passerait de 2,5 % à 4,1 %, et la production d’eau chaude sanitaire, qui atteindrait 4,5 %. Les bailleurs anticipent également un triplement des changements de source d’énergie parmi ces opérations, pour renforcer l’impact sur la transition énergétique.
Selon la programmation des bailleurs, le parc social pourrait atteindre 81 % de son objectif de sortie du gaz et éliminer totalement le fioul des systèmes de chauffage avant 2030. En revanche, les installations de pompes à chaleur devraient rester limitées, ne couvrant que 17 % des objectifs théoriques, tandis que les raccordements aux réseaux de chaleur devraient atteindre 96 % du niveau attendu.
Au-delà de la décarbonation, les bailleurs doivent concilier performance énergétique, maîtrise des coûts et impact sur les locataires, en privilégiant des systèmes efficaces et peu coûteux à l’usage et à l’entretien. La transition énergétique constitue également « un enjeu majeur de souveraineté », en réduisant la dépendance aux énergies fossiles importées et en limitant l’exposition aux fluctuations des marchés.
Par Nils Buchsbaum














