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De l’importance d’un référent Covid-19 « indépendant » sur les chantiers

Publié le 13 mai 2020

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Le guide de l’OPPBTP permet, a priori, le retour de l’activité sur les chantiers. Mais une fois sur place, l’organisation est plus compliquée. C’est dans ce cadre qu’un référent Covid-19 doit être nommé. Mais, selon Patrick Vrignon, président de BTP Consultants, ce dernier doit impérativement être « indépendant » pour que son intervention soit véritablement efficace, et non pas mis à mal par un objectif de productivité.
De l’importance d’un référent Covid-19 « indépendant » sur les chantiers - Batiweb

« Nous ne sommes pas à l’abri que l’objectif de productivité soit mis en avant sur les chantiers face à l’application des mesures barrières»confie Patrick Vrignon, président de BTP Consultants, bureau de contrôle technique de construction et de coordination CSPS (coordonnateur sécurité et protection de la santé ). Là, réside l’essentiel de son message, écrit dans une tribune, où le mot « indépendant » viendrait sécuriser l’organisation du chantier. Sans cette indépendance, l’objectif de productivité risque de supplanter la bonne application des mesures sanitaires. 

 

Son message, Patrick Vrignon l’adresse avant tout aux maîtres d’ouvrage : face à l’épidémie, il est nécessaire d’avoir un « référent Covid-19 indépendant », un « regard extérieur » alertant à chaque mode opératoire ne respectant pas les mesures préconisées par l’OPPBTP. « Si on n’est pas extérieur à la chaîne de production, on est pris entre le désir de productivité et le respect des mesures », d’où découle cette notion d’objectivité, ce regard qu’il qualifie « d’impartial », cette mission donnée aux référents Covid-19 indépendants. Une indépendance d’autant plus importante que « les mesures du guide de l’OPPBTP impactent la productivité, entre 10 % et 20 % de productivité en moins sur les chantiers »

 

Le naturel « revient au galop »

 

Cette expression qu’il emploie, Patrick Vrignon l’explique plus précisément « ce n’est pas que désigner un référent non indépendant mettrait en danger la santé, c’est plutôt que la culture du chantier est tellement éloignée de la prise en compte du risque sanitaire, qu’inévitablement, dans le temps, on aura des difficultés à faire appliquer ces mesures barrières, si iln’y a pas un oeil extérieur qui est présent, pour s’assurer que l’ensemble des acteurs joue le jeu ». Patrick Vrigon, n’y croit pas : « D’ici quelques jours, trois semaines, un mois, nous verrons un relâchement dans l’application de ces mesures », à moins que le maître d’ouvrage ne désigne un référent indépendant, qui puisse faire strictement appliquer ces gestes barrières dans la durée. Des « détournements de certaines mesures » pourraient selon lui conduire  vers « des risques de mise en danger des intervenants sur les chantiers »

 

De cette mise en danger des compagnons, pourraient survenir l’arrêt du travail, et dans le pire des cas, l’intervention de la direction du travail, qui stoppera net le chantier, si ces mesures ne sont pas respectées. Là encore, le référent Covid-19 apparait comme la seule solution valable. Pour les chantiers les plus petits, le président de BTP Consultants ne voit pas forcément la nécessité d’employer un référent Covid-19 : « Raisonnablement, je pense qu’il faudrait avoir au moins 50 %, 60 % des chantiers avec des référents Covid-19 indépendants », alors qu’une semaine plus tôt, son bureau de contrôle écrivait dans un communiqué que 38 % des chantiers ouverts mobilisaient un référent Covid-19 par la maîtrise d’ouvrage.

 

D’un autre côté, même s’il assure que le guide est bien fait, Patrick Vrignon indique que « l’OPPBTP ne dit rien sur le référent ». Le guide décrit en effet la mission de celui-ci, qui consiste à faire appliquer les mesures auprès des salariés de l’entreprise, mais pas l’organisation à déployer sur les chantiers. Il est uniquement indiqué dans le guide que « le maître d’ouvrage peut désigner un référent covid-19 », soit une indication relativement floue, assure Patrick Vrignon. 

 

Des mesures réellement applicables ? 

 

Certaines mesures sont, d’un autre côté, difficilement applicables. Patrick Vrignon évoque notamment le port du masque : « avec l’été qui arrive (…) le port du masque toute la journée, c’est impossible ».Pour lui, l’essentiel n’est pas d’afficher les gestes barrières, mais que les compagnons se les approprient et qu’ils les mettent véritablement en place : « Il ne s’agit pas uniquement de mettre du ruban par terre, des affiches dans tous les sens, de publier un beau guide avec de belles images pour dire que le problème est traité, maîtrisé. Certaines entreprises, peut-être, pensent que le fait de traiter le problème le règle définitivement ».

 

Pour mesurer le degré d’application de toutes les mesures édictées dans le guide de l’OPPBTP, BTP Consultants a érigé des indicateurs pour faire un retour d’expérience d’ici un mois et demi : « c’est pour expliquer que telle mesure du guide de l’OPPBTP est appropriée sur notre chantier à 100 %, mais que par contre, celle-là ne l’est qu’à 70 % etc. ».

 

Plus concrètement, Patrick Vrignon souhaite élargir le recours des référents indépendants à des domaines « transverses », comme les domaines de la qualité, de l’environnement : « C’est un message que j’adresse depuis des années, le Covid-19 n’est qu’un révélateur d’une absence de progrès du secteur du bâtiment ces trente dernières années, contrairement aux industrie. 

 

Si j’ai un message à adresser à l’ensemble des professionnels de la construction, à commencer par les maîtres d’ouvrage, c’est celui-ci. On dit que le coût de la construction est trop cher, mais je pense que c’est justement par l’absence de ce type de système de management (par un référent extérieur NDLR) qu’on a des coûts énormes. Si on repensait un peu la manière dont on conduit nos chantier, cela changerait »

 

L'OPPBTP met à disposition outils et formations pour les référents Covid-19

 

Hier, le 11 mai, date du déconfinement en France, l’OPPBTP annonçait qu’il accompagnerait les référents Covid-19 des entreprises grâce à « des outils de formation en ligne »

 

En effet, cette situation inédite force à une certaine adaptation des méthodes de travail et de nouveaux réflexes, ces fameux gestes barrières. Via les deux outils de formation mis à leur disposition par l’OPPBTP, les référents pourront « s’approprier les nouvelles missions qui leurs sont confiées » mais aussi « les outils mis à leur disposition pour y parvenir »

 

Le premier outil est une formation à distance pour les référents, sous forme de « classe virtuelle ». Cette formation de 2h30, regroupant 15 personnes maximum, est encadrée par un formateur de l’OPPBTP. Du 14 mai jusqu’à la fin du mois de juin, plusieurs sessions de formation seront organisées, pour permettre à un grand nombre de référents de se former. Cette formation à distance a pour but de faire comprendre au référent Covid-19 « les enjeux de sa mission, à utiliser les outils opérationnels à sa disposition, et à l’aider à déployer un plan d’action Covid-19 dans son entreprise en mobilisant les équipes sur la gestion de ce risque ». Les inscriptions sont déjà ouvertes sur le site Internet de l’OPPBTP. 

 

La seconde formation proposée par l’OPPBTP est un module d'e-learning d’une durée de 15 minutes. Cette formation plus condensée repose toutefois sur les mêmes objectifs que la formation à distance. Les référents peuvent accéder à ce module quand ils le souhaitent sur le site preventionbtp.fr. Ils auront alors accès à trois vidéos explicatives, suivies d'un quizz pour tester leurs connaissances. 

 

Propos recueillis pas Julie Baranton

Photo de une : ©BTP Consultants 

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