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La pénibilité dans le BTP, mythe ou réalité ?

Publié le 26 février 2024

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Alors que les entreprises du BTP peinent à recruter, les préjugés concernant la pénibilité font-ils pâtir le secteur d’un déficit d’attractivité ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé Maxime, Léa et Mathéo, trois apprentis qui se lancent dans le secteur.
La pénibilité dans le BTP, mythe ou réalité ? - Batiweb

La pénibilité dans le bâtiment, mythe ou réalité ? Selon Maxime, Léa et Mathéo, les trois apprentis que nous avons interrogés, il y a du vrai et du faux. Parmi les préjugés les plus courants qui se sont révélés vrais, ils citent notamment le port de charges lourdes et les heures supplémentaires.

 

Port de charges lourdes, heures supplémentaires, travail en extérieur… des préjugés pas si éloignés de la réalité

 

Maxime Moynier, déjà détenteur d’un CAP Électricien, et actuellement en formation au CFA du Bâtiment d’Arles pour devenir frigoriste, reconnaît que les heures supplémentaires sont courantes, notamment lorsqu’il s’agit de dépannages. Il rappelle toutefois que ces « heures supp’ » sont payées et qu’il y a donc la possibilité de s’en accommoder. « Ça n’est pas gênant quand on fait un métier qu’on aime », estime-t-il.

Concernant le port de charges lourdes, il note qu’il existe des disparités entre les différentes entreprises, et l’attention qu’elles portent à la prévention. Selon son expérience, il attribue ces disparités à la taille de l’entreprise, avec des grandes entreprises qui auraient davantage le temps et les moyens d’investir dans la prévention.

« Avant je travaillais avec un artisan, et ça n’était pas très sécurisé. Je travaillais avec des échelles, des escabeaux… Là, maintenant, je suis dans une entreprise un peu plus grosse, et je travaille avec des nacelles, en sécurité, avec le port du harnais. Ils m’ont donné vraiment tous les EPI. Les tapis isolants électriques, des masques à cartouche pour le gaz, des gants etc. », compare-t-il.

Ce point ne fait toutefois pas l’unanimité. Léa Plagne, 24 ans, en reconversion professionnelle, et actuellement en 1ère année de CAP Installation en froid et conditionnement d’air, préfère quant à elle les petites entreprises, proches de leurs salariés et au sein desquelles il existe une meilleure communication. Pour les travaux en hauteur, elle prévoit d’ailleurs de demander directement à son employeur s’il accepterait d’investir dans une plateforme individuelle roulante (PIR), alors que les échelles et escabeaux sont proscrits.

« Il y a une approche différente entre une petite et une grosse entreprise en ce qui concerne le soin du salarié. C’est-à-dire que la petite entreprise va être plus familiale et va considérer, d'un point de vue psychique, beaucoup plus le salarié que la grosse entreprise. Par contre, en termes de prévention matérielle, la grosse entreprise sera beaucoup plus armée », commente Jonathann Mayette, ingénieur formation santé-prévention au sein du CCCA-BTP.

Alors qu’elle doit régulièrement porter des charges lourdes, lors de l’installation de pompes à chaleur ou de climatiseurs en hauteur, Léa se dit tout à fait favorable à l’idée d’essayer de nouvelles solutions, et notamment les exosquelettes, bien que ces derniers fassent encore polémique au sein de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

À noter également : le réflexe « ostéopathe » parmi la jeune génération. Mathéo Gutierrez, en brevet professionnel (BP) Métiers du plâtre et de l’isolation pour devenir plaquiste, est amené à porter régulièrement de lourds sacs d’enduit. Alors qu’il s’est déjà bloqué le dos, ce dernier nous précise qu’il a pris l’habitude de faire une séance d’ostéopathie « tous les 5-6 mois ». Même chose pour Maxime, qui est déjà allé consulter un ostéopathe après s’être « coincé un nerf dans le dos ».

 

Une féminisation croissante des effectifs

 

Parmi les autres « caricatures » les plus fréquentes, selon Jonathann Mayette : les métiers du BTP ne seraient pas pour les femmes car jugés trop physiques. Même si l’on constate une féminisation des effectifs dans les CFA et les entreprises du BTP, on est encore loin de la parité, selon l’ingénieur formation santé-prévention.

« La féminisation des métiers du bâtiment, c'est une réalité, il y a de plus en plus de femmes dans les CFA. Ce n'est pas encore 50/50, mais ça se développe énormément », se réjouit-il.

En termes de chiffres, la part de femmes salariées dans le BTP est passée de 8 % en 2000 à 13 % en 2023. Côté apprentissage, elles étaient 3,5 % en 2011, contre 5,9 % en 2021.

En tant que femme sur le terrain, Léa constate bien quelques « regards insistants de ceux qui travaillent dans le BTP ». « Cela choque certaines personnes », reconnaît-elle. À l’inverse, elle note de bonnes réactions du côté des clients, et surtout des clientes.

« Il y a beaucoup de femmes qui viennent visiter le chantier qui est en cours, et elles sont généralement agréablement surprises de voir une femme. Elles disent "On est contents de voir une femme dans le bâtiment" », s’amuse-t-elle.

Ces stéréotypes sur les femmes dans le BTP, et plus largement les préjugés sur la pénibilité impacteraient le secteur, qui connaît depuis plusieurs années des difficultés de recrutement, bien que la crise du logement neuf ait nettement ralenti les embauches ces derniers mois.

 

La pénibilité, un ressenti qui varie selon les individus et l’environnement

 

« Le BTP souffre de cette image de pénibilité », regrette Jonathann Mayette. Parmi les métiers considérés comme « les plus difficiles physiquement », il cite les plombiers-chauffagistes, les charpentiers - notamment en raison des postures contraignantes et du port de charges lourdes - mais aussi les maçons et les couvreurs, avec le travail en extérieur.

L’ingénieur formation santé-prévention au CCCA-BTP souligne par ailleurs que la pénibilité est une notion subjective, liée au ressenti d’un individu, mais aussi liée à l’âge ou encore à l’environnement. Ainsi, un couvreur dans le nord de la France n’aura pas les mêmes conditions météorologiques (froid, pluie…) et donc les mêmes conditions de travail que celui qui travaille dans le sud de la France, où la météo est souvent plus clémente, sauf quand il fait trop chaud l’été.

Concernant les couvreurs, Jonathann Mayette remarque par ailleurs des évolutions dans la prévention, avec par exemple le recours croissant à la location de nacelles pour monter la palette de tuiles sur le toit, et à des drones pour le métré ou le démoussage des toits, permettant d’éviter de nombreuses chutes de hauteur.

 

Former à la prévention, le rôle des CFA du BTP

 

Outre les entreprises, les CFA sont la pierre angulaire des formations en prévention, rappelle Jonathann Mayette. Les organismes de formation aux métiers du BTP dispensent notamment la formation Sauveteur Secouriste du Travail (SST), mais aussi la formation Prévention des risques liées à l’activité physique (PRAP), la formation R 408 pour le montage et démontage d’échafaudages, R 457 pour les échafaudages roulants, l’autorisation d’intervention à proximité de réseaux (AIPR), ou encore les habilitations électriques (B0 et la B1V).

Les trois apprentis interrogés citent également l’intérêt du challenge « 100 minutes pour la vie », organisé par l’OPPBTP, et leur ayant permis de découvrir de nombreuses solutions de prévention. Maxime Moynier peut notamment se féliciter d’être ressorti 1er de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et 4ème à l’échelle nationale, lors de l’édition 2023 du challenge.

« Ce concours a été une très bonne expérience parce que cela m’a montré tous les gestes que je ne connaissais pas sur la prévention au travail », conclut-il.

 

> Consulter le dossier spécial Pénibilité dans le BTP

 

Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock

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