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« Le projet de loi Sapin II est une mise en deuil de certains métiers », Patrick Liébus

Publié le 12 mai 2016

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La Capeb a de nouveau tiré la sonnette d’alarme. Alors que le projet de loi Sapin II est actuellement en discussion au parlement, les artisans du bâtiment dénoncent le décret qui viendrait supprimer le critère de complexité et « saucissonner » les métiers. Lors d’un point presse, Patrick Liébus a exprimé toute son inquiétude, appelant le gouvernement à réagir.
« Le projet de loi Sapin II est une mise en deuil de certains métiers », Patrick Liébus - Batiweb
L’article 43 du projet de loi Sapin II est dans le collimateur de la Capeb. En effet, il envisage de modifier l’article 16 de la loi Raffarin du 5 juillet 1996 qui stipule que « la construction, l’entretien et la réparation des bâtiments ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement ».

Le projet de loi, actuellement en discussion au Parlement, prévoit au contraire de limiter l’exigence de qualification « aux secteurs qui présentent un risque pour la santé et la sécurité des personnes », renvoyant à un décret le soin de fixer la liste des activités concernées.

Découpage des activités au sein d’un même métier

Cela aura « une véritable incidence sur la réalisation de nos métiers », s’est inquiété Patrick Liébus, président de la Capeb, d’autant plus que cela équivaut à un « saucissonnage des activités ».

En effet, la Capeb a estimé qu’on ne peut « scinder les métiers entre une partie d’un métier relevant de la qualification professionnelle et une autre partie n’en relevant pas ».

Et pour appuyer ces arguments, Patrick Liébus a repris l’exemple du maçon, cité par Martine Pinville lors des Journées de la Construction : « La secrétaire d’Etat a expliqué aux délégués que le métier de maçon relève du décret quand il œuvre sur un mur porteur par définition dangereux pour les personnes et, pour le reste de son activité, le métier de maçon n’a pas besoin d’être qualifié. Ce qui signifie à contrario, qu’une isolation par l’extérieur n’est pas dangereuse, ne présente aucun risque et ne nécessite aucun savoir-faire renforcé ? », s’est-il interrogé.

Le critère de complexité abandonné

Si le critère de risque pour la santé et la sécurité des personnes est maintenu, la Capeb s’indigne de l’abandon du critère de complexité, preuve même « qu’on ne tient pas compte d’un fait qui est une réalité », à savoir « l’évolution des métiers », s’est exclamé le président de la Capeb.

« On a des demandes permanentes d’amélioration de la réalisation de nos chantiers. On a une RT qui fonctionne mais on veut aller plus loin avec la RT2018. On nous demande de travailler sur la performance énergétique et thermique, sur l’environnement, sur la qualité de l’air, sur les gaz a effet de serre, sur les ENR, etc. », a souligné M. Liébus, et pourtant les qualifications dans l’artisanat sont remises en cause.

Patrick Liébus a ainsi dénoncé un projet de loi incohérent. Il a également regretté l’annonce d’un décret, pris en Conseil des ministres, et qui ne sera plus soumis à l’avis des professionnels. « Le couperet va tomber. Il n’y aura pas de discussions. »

Une réforme qui pourrait coûter cher aux entreprises

La Capeb estime que la suppression des qualifications professionnelles fera de nombreuses victimes. Il y a aura tout d’abord les consommateurs « qui vont beaucoup y perdre. Les consommateurs sont de plus exigeants. Ils veulent retrouver les entreprises qui ont réalisé leurs travaux dix ans plus tard ».

« Là, on va dans un système où les entreprises apparaîtront et disparaîtront. La loi Sapin est une mise en deuil de certains métiers », a avancé M. Liébus.

Les entreprises souffriront également d’une révision des tarifs d’assurance. « La suppression des qualifications professionnelles initiales et exigibles à l’installation d’une entreprise du bâtiment neutralise aussi l’assurabilité de ces dernières. En effet, cette suppression va conduire inévitablement à une hausse de la sinistralité et donc à une hausse prévisible de l’ensemble des primes d’assurance pour toutes les entreprises », a expliqué la Capeb. Au vu du coût d’une décennale ou d’une biennale, Patrick Liébus a estimé que certains professionnels s’en passeront.

Concernant les jeunes, il s’est interrogé : « Comment peut-on avoir des exigences de formations, d’apprentissage, de création d’emploi en adoptant une telle démarche ? ». Il a ajouté : « Comment tenir l’objectif des 500 000 formations par an », alors que les métiers ne seront plus autant valorisés et reconnus qu’avant ?

Des effets néfastes pour la profession

Patrick Liébus rappelle enfin que des efforts ont été fait par la profession pour monter en compétences, notamment depuis le premier Grenelle de l’environnement et le programme PACTE qui a bénéficié d’un investissement de 30 millions d’euros.

« On a fait travailler des personnes pendant des années sur le sujet et aujourd’hui on fait marche arrière », a martelé le Président, regrettant que les collaborateurs de Bercy n’aient pas connaissance du statut d'Hommes toutes mains qui donne la possibilité à un professionnel d’exercer certaines activités sans qualifications.

« C’est écrit noir sur blanc. Ce système ne remet ni en cause les compétences, ni la santé et la sécurité des personnes. Pourquoi ne pas se limiter à ce document ? », s'est-il demandé.

L’article 37 en ligne de mire

L’article 37 inquiète également la Capeb : « le projet de loi Sapin dispose du doublement du seuil de la micro entreprise sur deux années, qui en fait en feront trois, au lieu d’une seule permettant de bénéficier de la franchise de TVA, 65 800 euros au lieu de 32 900 euros en prestations de service », a précisé la confédération.

Le projet de loi équivaut à la « disparition de l’entreprise classique, l’ouverture à l’utilisation non freinée des travailleurs détachés et des micro-entrepreneurs », a conclu Patrick Liébus, indiquant qu'il serait entendu la semaine prochaine à la Commission des lois.

Rose Colombel

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