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Objectif 500 000 : pas de concessions sur le traitement des ponts thermiques (industriels)

Publié le 10 juillet 2014

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Difficile de trouver le bon équilibre entre construire vite et construire bien. Au coeur du problème, la proposition Q10 du groupe de travail sur la simplification normative et l'élaboration des règles de la construction. Ce groupe propose de faire remonter le coefficient linéique des ponts thermiques dans les immeubles collectifs, une « ineptie » pour les industriels. Explications.
Objectif 500 000 : pas de concessions sur le traitement des ponts thermiques (industriels) - Batiweb

Afin de réussir cet objectif 500 000, le gouvernement a engagé une première réflexion sur la simplification des normes de construction. Quatre groupes de travail ont été sommés de soumettre leurs propositions. Parmi celles-ci, la proposition Q10 du groupe de travail 1 « Simplifier la réglementation et l'élaboration des normes de construction et de rénovation », dont le rapport a été remis le 21 février dernier à l'ex-ministre du Logement Cécile Duflot.

Le groupe de travail propose ainsi de faire remonter le coefficient linéique des ponts thermiques à la jonction plancher intermédiaire/mur extérieur, de 0,6 à 1 pour les immeubles collectifs. Une proposition qui suscite de vives réactions du côté des industriels : « On maintient l'objectif de résultat mais on va dire que la valeur passera à 1 à l'avenir ? C'est la valeur qui consiste à ne rien faire, à ne pas traiter du tout les ponts thermiques et à construire comme on le faisait dans les années 1950 », s'insurge Raphael Kieffer, Directeur général de Schöck France. « Le pont thermique laisse s'échapper la chaleur produite à l'intérieur des logements. Si on ne les traite pas, on chauffe l'extérieur ! », ajoute le Directeur général de Schöck France, en présentant à l'appui des images thermiques de balcons.

L'intérêt de traiter les ponts thermiques s'impose pourtant d'un point de vue environnemental, car un mètre de pont non traîté en zone climatique H1 c'est 77 Kwh de consommation supplémentaire par an, 10 litres de Fuel ou encore 5 kg de CO2 rejettés supplémentaires par an. Et les chiffres sont encore plus éloquentssur un immeuble R+3 qui comprendrait 700 mètres de ponts thermqiues non-traités : 42 000 kwH, 6 000 litres de fuel, 6000 m3 de gaz et l' équivalent de 28 350 km parcourus en twingo en termes de rejets de CO2.

Un impact sur l'environnement et la santé

« Nous nous battons pour la non-énergie. Notre devoir, c'est d'arrêter de créer du gisement avec des bâtiments aux qualités déplorables, et qu'on ne sait pas comment rattraper derrière. Il faut penser au futur en construisant dès maintenant des bâtiments sains. Le bâtiment ne doit pas être sur-isolé mais sans défauts, c'est la clé », prêche André Pouget, dirigeant de Pouget Consultant, en expliquant que les ponts thermiques multiplient par trois les déperditions de la façade.

Poutant, grâce aux différentes solutions techniques, ils pourraient être divisé par deux, selon lui, ce qui permettrait de monter la température du bâti de 8°C à 17 °C.

Le non-traitement des ponts thermiques pose également la question du confort et de la qualité de l'air intérieur : « Les effets de parois froides induits par les ponts thermiques ont une incidence sur la température opérative, c'est-à-dire le ressenti de l'habitant et finalement son confort », explique Claire-Sophie Coeudevez, directrice associée de MEDIECO Conseil et Formation. « Sans oublier l'impact sur la qualité de l'air intérieur avec le développement de moisissures de toutes sortes, qui ont un effet néfaste sur la santé : hausse des allergies, risques asthmatique voire le développement de cancer ». 37 % des résidences principales en France seraient déjà contaminées par les moisissures, « d'où la nécessité de bien concevoir, bien construire et bien entretenir l'enveloppe d'un bâtiment comme le préconise l'OMS ».

« Un cadeau aux promoteurs »

Enfin, l'impact de cette proposition Q10 sera aussi financier, préviennent les industriels. Leur analyse de quelques projets en zone de forte tension du marché, montre que les coûts se répartissent en moyenne de la manière suivante : charge foncière (10 %), coût de construction (28 %), coût du financement (15 %), coût de maintenance avec entretien courant et gros travaux (12 %), coût d’utilisation : (34 %).

« Si votre bâtiment est mal conçu au départ, le coût d'utilisation va représenter 46 % de son coût global contre des coûts de construction de 28 % seulement. La proposition vise à réduire ces coûts de construction, pourtant amortissables, alors même que l'on va faire exploser le coût d'utilisation. C'est une vraie ineptie de faire ce genre de proposition. On va faire un cadeau aux promoteurs de 2-3 % mais on va répercuter la facture sur les occupants des logements », explique Raphaël Kieffer.

« Chez les industriels, on ne comprend pas l'idée de ce retour en arrière qui va freiner l'innovation », complète Dominique Delassus, cofondateur et président du Groupement du Mur Manteau (G2M). « D'autant que des solutions existent, notamment par la mise en place de rupteurs sur les balcons, un système qui coûte moins cher qu'un balcon non traîté s'il est mis en place dès la conception, et ce quelle que soit la région et la configuration du balcon », renchérit Raphaël Kieffer.

25 millions d'euros en cas de rénovation ultérieure 

Selon les estimations des industriels, la rénovation de 500 000 logements sur un an selon ces critères entrainera 210 GWH de déperditions d'énergie, soit 17, 2 millions d'euros en coût de production éolien, 48 à 77 millions d'euros en coût de production photovoltaïque : « ce qui est en contradiction avec la loi sur la transition énergétique», rappelle Dominique Delassus. Cela représenterait aussi un endettement supplémentaire des ménages de 27,2 millions d'euros en électricité et 18 millions d'euros en gaz. De quoi faire réfléchir sur l'importance de traiter les ponts thermiques, véritables passoires énergétiques. D'autant que le coût de rénovation ultérieur de ces bâtiments qui auront mal vieilli attendrait les 25 millions d'euros.

Reste que cette proposition Q10 n'a pas fait consensus de tous les membres du groupe de travail, qui préconisent de l'approfondir et d'effectuer des analyses complémentaires à moyen terme pour élaborer des solutions alternatives. Mais mieux vaut prévenir que guérir...

Claire Thibault
© Ingo Bartussek - Fotolia.com

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