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Publié le 12 décembre 2025, mis à jour le 12 décembre 2025 à 16h00, par Virginie Kroun


L'architecture des établissements de soins doit répondre aux diverses exigences en évolution constante du secteur de la santé tout en accordant une attention particulière à l'usager. Celui-ci occupe le rôle central d’une architecture qui croise sensibilité et fonctionnalité.
©Fédérico Kraus pour AIA Life Designers, architectes
©Fédérico Kraus pour AIA Life Designers, architectes

L’expression « architecture thérapeutique » est apparue dans les années 1980. Il s’agit d’une discipline particulière qui analyse l’influence du milieu sur le processus de soin et de rétablissement des patients.

L’architecture thérapeutique a pour principe de concilier architecture et santé.

Principes de conception des bâtiments de santé

 

Ainsi, la question de l’appropriation de l’architecture et de l’environnement a un impact majeur sur la santé. L’architecte Jean-Philippe Pargade qui fait partie des architectes spécialisés dans la conception de grands hôpitaux précise : « Pour répondre à la complexité grandissante des hôpitaux, on observe aujourd’hui la généralisation de "modèles" architecturaux et fonctionnels invariants. Ces modèles confrontés à des règles de plus en plus contraignantes notamment au niveau économique sont caractéristiques dans leur approche. »

« Ils comportent deux conceptions juxtaposées, celle du « process » (ensemble des dispositions fonctionnelles intérieures) et celle de son enveloppe architecturale. Le monolithe ou monobloc simplificateur des contraintes tente de trouver une réponse universelle à chaque situation. Dissocier ces deux approches conduirait à concevoir l’hôpital comme un data center : une enveloppe minimum, de grosses installations techniques, du process complexe surpuissant à l’intérieur, un objet parfaitement indifférent à son environnement. En corolaire, l’implantation hors de villes, d’hôpitaux célibataires cernés des nappes de stationnement », abonde-t-il.

L’architecte propose l’éclatement du monobloc pour le réconcilier avec la ville et répondre à l’instabilité programmatique en lui apportant une dimension humaine. Il insiste aussi sur l’hybridation dans la recomposition des grands hôpitaux. Selon l’homme de l’art, il faudrait que l’hôpital, devienne le lieu où l’architecte puisse trouver le plus de sources d’inspiration là où la sensibilité à la qualité de vie est la plus grande.

De son côté, l’architecte Simon Tsouderos, co-directeur de l’agence AIA Architectes Chine nous explique que AIA Life Designersest un groupe engagé, qui place la santé au cœur des projets qu’il s’agisse de la santé physique, sociale et mentale. Le tout en intégrant les usagers et dans le respect de la planète et la biodiversité.

Cela est facilité, selon lui, par l’aptitude de co-conception en architecture et ingénierie que possède AIA, dont les réalisations d’équipements de soins sont nombreuses. Néanmoins, l’architecte précise qu’à chaque fois et à chaque début du projet, la même question revient : « Comment véhiculer les émotions positives aux usagers ? ».

L’architecte Natacha Froger (Atome associés) souligne, quant à elle, la nécessité de « projeter le patient dans un univers domestique en utilisant des astuces, des matériaux ainsi que des teintes qui réconfortent ». 

Le livre « Architecture Patiente, lieu de soin et soin du lieu » par l'atelier d'architecture Tolila+Gilliland
Le livre « Architecture Patiente, lieu de soin et soin du lieu » par l'atelier d'architecture Tolila+Gilliland

À une autre échelle, Tolila+Gilliland intègre au sein de son atelier depuis 2024 une plateforme de recherche sur les liens entre architecture et psychiatrie. Il s’agit de s’interroger autour des transformations entre théories de soin, typologies d’accueil, prises en charges, approches cliniques-institutionnelles-architecturales, normativités, lexiques, cultures, représentativités, géographies et spatialisations de la maladie mentale.

En témoignent plusieurs réalisations exemplaires, implantées dans des environnements naturels, qui non seulement font la part belle aux matériaux biosourcés, mais répondent avec brio aux divers besoins des usagers. L’agence Tolila+Gilliland a publié le livre « Architecture Patiente, lieu de soin et soin du lieu », qui relate l’histoire de trois structures hospitalières situées à Chevilly-Larue, Soisy-sur-Seine et Meulan-en-Yvelines où il est question d’accueillir, d’écouter et d’interagir. Parce qu’en architecture chaque détail compte, les architectes ont eu recours à différentes astuces, matériaux, teintes et textures qui contribuent au bien-être de tous. 

Archigraphi pour AIA Life Designers
©Archigraphi pour AIA Life Designers

Quelques exemples à retenir

 

Donnons par exemple le projet de l’Institut du cerveau de l’enfant à Paris, dont l’objectif est la création d’un Institut de recherche, de soins et de formation soutenu par l’AP-HP, l’Inserm, Université Paris Cité, le CEA et l’Institut Pasteur. Localisé sur le site de l’hôpital Robert Debré AP-HP, en accord avec l’existant et occupant une parcelle compliquée, le bâtiment de cinq étages, constitue un exercice d’architecture hospitalière à part entière.

Son architecture est contrastée car elle donne d’une part sur le périphérique assumant son côté « signal urbain » décelable de tous et s’ouvre sur un grand atrium bioclimatique d’autre part. À l’image d’une coque protectrice, la façade côté périphérique peut être associée tantôt à un Tetris, tantôt à un cortex, alors que côté jardin, sa vêture en bois, ses terrasses végétalisées et ses passages entourés de diverses plantations rendent l’ensemble apaisant et chaleureux.

La séquence d’arrivée est pensée pour atténuer le stress. Le visiteur et ses accompagnateurs découvrent un univers intérieur qui se distingue par une multitude d’astuces créées dans le but de stimuler l’imaginaire. C’est une proposition innovante qui s’inscrit dans la démarche emblématique de l’architecte Pierre Riboulet, concepteur de l’hôpital Robert Debré AP-HP tout en répondant avec brio aux ambitions de la maîtrise d’ouvrage et aux différentes exigences des usagers sans oublier les défis environnementaux. La flexibilité et l’évolutivité du bâtiment font partie d’une vision plus lointaine selon laquelle la destination de certaines espaces peut changer avec le temps. L’ouverture du bâtiment est attendue pour 2027.

Projet Ella santé Charlotte Bommelaer pour Atome associés
Projet Ella Santé ©Charlotte Bommelaer pour Atome associés

L’architecte Natacha Froger (Atome associés) qui a réalisé Ellasanté, un centre de soin parisien proposant une prise en charge de médecine globale, souligne la nécessité de projeter le patient dans un univers domestique en utilisant des astuces, des matériaux ainsi que des teintes qui réconfortent. D’ailleurs, le retour des clients est très positif, ils sont surtout rassurés. Le programme est pourtant simple, le centre s’appuie sur des consultations pluridisciplinaires et des examens complémentaires mais l’originalité d’un tel établissement fonctionnel se trouve dans son concept.

En effet, il s’agit du premier centre de santé à Paris proposant des bilans de prévention ainsi qu’un accompagnement à la santé pour les collaborateurs des entreprises. Une idée innovante qui a trouvé preneur car, de plus en plus de dirigeants d’entreprises sont sensibles à l’amélioration de la qualité de vie de leurs collaborateurs. « Induire du soin avant le soin » est la priorité de Natacha Froger, qui possède par ailleurs une expérience solide dans les projets hôteliers et d’hospitality. Ainsi, elle aimerait apporter les mêmes réponses au monde de la santé.

Selon l’architecte, à travers l’élaboration des accueils dédiés, l’amélioration des parcours des patients et des visiteurs, de la mise en place de détails chaleureux au langage domestique, dans les parties les plus sensibles comme l’oncologie voire le remaniement de l’ensemble des dispositifs, les équipements de santé offriront un environnement apaisant.

La fondatrice d’Atome associés précise qu’aujourd’hui, dans le monde hospitalier, on parle de service hôtelier et de restauration, pourquoi ne pas parler de bien-être ? Et comme face à la santé tout le monde est fébrile, il serait temps de réconcilier l’homme avec l’acte de soigner.

Projet Ella Santé Charlotte Bommelaer pour Atome associés
Projet Ella Santé ©Charlotte Bommelaer pour Atome associés

Défis d’avenir 

 

Natacha Froger qui donne comme exemple « La dimension cachée » de l’anthropologue américain Edward Twitchell Hall, propose de sortir de « notre champ d’action directe pour soigner » et elle souligne le fait d’avoir toujours « une démarche holistique ».

Car selon la femme de l’art, l’hôpital est une ville dans la ville, et au sein de cette entité, une prise en charge globale constitue un pari réussi. La fondatrice d’Atomes associés souligne que « pour bien penser, il faut bien penser sur toutes les échelles comme l’architecture, l’architecture d’intérieur, la mise en lumière des lieux, les parcours jusqu’au design. »

Et comme aujourd’hui, les moyens sont grégaires, elle aimerait voir apparaître des designers industriels spécialisés dans le domaine de la santé. L’architecture des équipements de santé constitue un vaste champ aux échelles très variées, qui vont d’un CHU jusqu’à la clinique de petite taille, en passant par des équipements spécialisés. C’est un domaine complexe où chaque contributeur peut apporter son savoir-faire dans le but d’offrir le meilleur. 

Propos recueillis par Sipane Hoh
 

Virginie Kroun
Journaliste - Batiweb

Virginie Kroun est journaliste au sein de la rédaction de Batiweb. De la presse BD durant ses études, elle atterrit en 2021 dans l’univers BTP, dont elle ne se lasse pas. Si elle couvre tous les thèmes du secteur, Virginie a ses sujets de prédilection : justice, patrimoine, prévention et matériaux biosourcés.

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