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Quand les architectes évoquent la rénovation énergétique

Publié le 16 octobre 2023

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Décarboner l'immobilier et augmenter sa résilience face aux défis climatiques est l’un des enjeux actuels qui mènent vers une architecture durable. Plus de deux-tiers du parc immobilier de 2050 existent déjà, et il est probablement temps pour les pouvoirs publics, les acteurs de l'immobilier et les divers professionnels du bâtiment d’intensifier les efforts pour améliorer le bâti et le rendre vertueux. Que pensent les architectes de la rénovation énergétique ? Quels outils possèdent-ils ? Quels travaux mènent-ils ? Batiweb est parti à la rencontre de plusieurs professionnels qui nous ont donné leurs avis.
Quand les architectes évoquent la rénovation énergétique - Batiweb

Pour réduire l’empreinte carbone tout au long du cycle de vie d’un bâtiment, divers procédés peuvent être utilisés dont la limitation des démolitions, un aménagement intérieur économe, mais aussi le recours au recyclage. De même, l’utilisation de matériaux de construction à faible teneur en carbone, biosourcés et géosourcés font partie des alternatives conduisant vers la durabilité. Les rénovations constituent l’une des clés de voûte d’une architecture vertueuse. C’est pourquoi la collaboration étroite entre les pouvoirs publics et le secteur privé est indispensable. Cela permet de donner un coup de pouce à la transition, mais aussi de mettre en avant des initiatives de partage d’expertises pour le bien de tous. 


Plusieurs architectes que nous avons rencontrés déclarent être favorables à la rénovation énergétique, mais sont confrontés à des complications réglementaires, dont un grand nombre de normes hétérogènes et pas assez de « bonnes pratiques » sur lesquelles s’appuyer. Tandis que d’autres professionnels, moins nombreux, semblent maîtriser le sujet. Cela dépend aussi de la nature des projets d’une agence, de la taille de la structure, et des différents moyens mis à disposition.

Réhabilitation de l'hôtel d'activités boulevard Davout à Paris (20e) Atelier Téqui Architectes


Un travail collaboratif


Loïc Daubas, l’un des deux gérants de l’agence d’architecture Belenfant Daubas établie à Nozay, déclare que pour une rénovation réussie, l’architecte et le thermicien doivent travailler main dans la main. « La culture architecturale permet d’évaluer les caractéristiques du bâtiment et de préconiser les matériaux compatibles avec l’existant. Le thermicien fait l’analyse des parois, l’architecte de la structure ». Comme exemple, l’architecte cite la ville de Rennes qui présélectionne un binôme selon un cahier des charges pour étudier la faisabilité d’un projet. Puis, une personne évalue les aides proposées par l’État. Il s’agit bien d’un travail collaboratif où chacune des parties amène son expertise. De son côté, l’architecte Louis Téqui, gérant de l’Atelier Téqui Architectes estime que « le rôle du thermicien est essentiel, mais que l’architecte a une vision globale d’un projet, ainsi que des connaissances des divers enjeux ». Soulignons par ailleurs que l’agence, depuis sa création, détient un grand nombre de projets de restructuration lourde ainsi que de réhabilitation en site occupé, une expertise ainsi qu’un savoir-faire permettant de mieux gérer les économies des ressources dans un projet. En effet, à l’époque où la rénovation énergétique était encore déconsidérée par un grand nombre de professionnels de la construction, l’Atelier Téqui Architectes était profondément consciente que celle-ci constituait une nécessité. Même son de cloche à l’Atelier LÂME Architecture où Alexandre Lahyani, l’un des deux associés de l’agence établie à Paris, souligne que, dans une réhabilitation, l’architecte et le technicien forment une équipe pour trouver ensemble la meilleure solution. « Dans tous les projets de l’agence, nous travaillons avec les spécialistes dans le but de proposer la meilleure solution ». Les maîtres d’ouvrage aussi ont leurs exigences. « L’architecte répond aux diverses contraintes et demandes, c’est un dialogue permanent. L’architecture est un travail collaboratif », conclut l’architecte. 

Réhabilitation et résidentialisation d’un immeuble comprenant 427 logements et 17 commerces en site occupé 129 boulevard Masséna à Paris (13e) Atelier Téqui Architectes


À chaque problème sa solution


Loïc Daubas, qui privilégie les isolants naturels comme le torchis, la terre ou la paille, souligne que dans un projet de rénovation, il n’existe pas une recette toute faite. À chaque problème sa solution. L’architecte raconte une expérience parmi d’autres : « Au sein d’un immeuble en pan de bois du XIIIème siècle, on avait un mur de refends en ossature bois qui s’élevait jusqu’au faîtage, grâce à ce mur, on a basculé en isolation par-dessus le chevronnage existant sans avoir à renforcer la charpente. En analysant l’ensemble du bâtiment, c’était possible car on avait une structure atypique qui le permettait ». Alexandre Lahyani est aussi de cet avis. Pour l’architecte, la réhabilitation consiste en une pensée globale. Le solaire, le chauffage, la ventilation, l’isolation, le réemploi des matériaux font partie d’un ensemble de procédés, et c’est aux professionnels de décider selon chaque cas et après une minutieuse évaluation. L’architecte dont l’agence s’oriente vers des matériaux de plus en plus vertueux, évoque par exemple une des interventions de l’agence où il a été convenu « de mettre des panneaux solaires sur l’existant car l’extension ne le permettait pas ». Louis Téqui, insiste, à son tour sur le fait qu’il n’y a pas une seule recette, mais de nombreuses propositions. Concernant la rénovation, l’agence travaille toujours « dans une logique de projet ». À chaque construction son lot de solutions qu’elles soient liées à la ventilation, à l’économie d’énergie, au confort d’hiver, tout comme au confort d’été. L’Atelier Téqui, grâce à son approche multiple, lance les diagnostics, évalue le programme, analyse le bâti, puis, grâce à des esquisses chiffrées, dialogue avec les maîtrises d’ouvrage pour ajuster les diverses données dans le but de mieux répondre aux besoins fondamentaux qui évoluent selon la société. Donnons l’exemple d’un des projets de l’agence qui porte sur la réhabilitation lourde en site occupé d’un bâtiment construit en 1933 par les architectes Joseph Bassompierre, Jean de Rutté et Jean Sirvin, situé dans le 13ème arrondissement de Paris pour le compte de la RIVP, où l’agence intervient sur la restauration du parement d’origine des façades en brique et en béton, mais effectue aussi le remplacement des menuiseries PVC par des menuiseries bois, tout en dotant l’ensemble d’une meilleure ventilation intérieure. Comme il s’agissait d’un projet possédant des éléments architecturaux de bonne facture et visibles en façade, les architectes ont décidé de ne pas intervenir sur l’enveloppe. « L’architecte s’est toujours adapté et a trouvé des solutions », ajoute Louis Téqui, qui considère la rénovation énergétique et plus globalement la réhabilitation lourde des bâtiments comme un exercice architectural à part entière. « C’est une forme de stratification. On écrit une nouvelle histoire qui va prolonger la vie d’un bâtiment », souligne l’architecte.

Réhabilitation d’un bâtiment agricole en bureau pour la mairie de Carquefou (44) Photographe : J.D. Billaud – Nautilus. Belenfant Daubas Architectes.


Sans dévaloriser le patrimoine


Toutes ces solutions doivent par ailleurs, selon les architectes que nous avons rencontrés, prendre en compte le patrimoine et agir pour la bonne préservation de ce dernier sans oublier la qualité de l’air intérieur (QAI). À l’École d’Architecture de Rennes, Loïc Daubas était responsable d’une formation sur la copropriété visant à former sur le caractère patrimonial de tout bâtiment. Un savoir-faire nécessaire qui encourage à s’appuyer sur le bâti existant pour le préserver. « Toute la finesse de la rénovation réside dans la bonne correction, sinon on risque des pathologies lourdes de pourrissement de structures. C’est un véritable exercice de compétences du bâti ancien pour que tout ajout soit juste », déclare Loïc Daubas. Et d’ajouter : « En France, la cour des comptes a fait un rapport sur l’inadéquation entre les sommes dépensées et le résultat des rénovations. Pour améliorer le bilan, une seule solution : la réhabilitation globale ». Réhabiliter de fond en comble nécessite certes un coût plus important, mais tous les professionnels sont d’accord pour dire que les résultats sont meilleurs. 

Réhabilitation des 192 logements de la tour H15, quartier Beaugrenelle, à Paris (15e). Atelier Téqui Architectes


Quelques exemples à retenir


L’Atelier LÂME (en association avec Cadmée architecture) a repensé à Verrières-le-Buisson, un ensemble datant du fin 1890. Il s’agissait d’un bâtiment en ERP (établissement recevant du public) qui contenait une partie dédiée au musée, une salle polyvalente, des bureaux utilisés par la mairie, et une médiathèque entre autres, bref, un édifice où plusieurs fonctions se croisent. C’est un projet qui a été confié à Atelier LÂME (en association avec Cadmée architecture) dans le but de devenir un tiers lieu avec une partie muséographique, un café littéraire, et un bâtiment polyvalent. « Nous avons conservé la structure d’origine, nous avons isolé l’ensemble avec de la laine de bois, nous y avons installé des pompes à chaleur dans le grenier ainsi qu’une noue drainante qui fait partie du paysage. Malheureusement, nous n’avons pas pu conserver l’ensemble, nous avons intégré au projet une seconde structure pour maintenir l’ensemble ». C’est une rénovation remarquable et une opération exemplaire qui favorise le réemploi, croise plusieurs procédés et concentre, en un seul projet, tout l’état d’esprit de l’agence.


L’Atelier Téqui Architectes a de son côté réhabilité la tour de Beaugrenelle. Il s’agit d’un exemple marquant où, mis à part la rénovation énergétique des différents espaces, il a été question d’accentuer la verticalité de la tour et de créer une nouvelle image pour un immeuble vieillissant qui a accumulé pendant 35 ans moult imperfections. Une opération délicate que l’agence a traité avec une grande finesse pour un résultat remarquable. Citons un autre exemple de rénovation énergétique en cours pour l’Atelier Téqui Architectes : la réhabilitation de l’hôtel d’activités boulevard Davout. Un projet construit par l’agence d’architecture Arte-Charpentier en 1983 à Paris, pour lequel le travail de façade est effectué « dans le respect des intentions de composition du projet d’origine ». Mis à part le recours à la pierre autoporteuse issue des carrières de Massangis et Noyant concernant le soubassement, et à la brique pour le couronnement comme le projet d’origine, les architectes ont ajouté aux fenêtres rideaux une structure métallique, sur laquelle les espèces grimpantes se développeront pour améliorer le confort d’été et créer des îlots de fraicheur. Un dispositif complété par des brise-soleil orientables. Une véritable attention est portée aux espaces extérieurs, qui sont le cœur du fonctionnement du bâtiment. Ces espaces de sociabilité sont repensés de manière à les rendre accessibles à tous. 


Et pour finir, soulignons que pour la plupart des étudiants en architecture, la rénovation énergétique, qui fait partie intégrante d’une réhabilitation totale, est un véritable sujet. Les futurs architectes montrent même une passion pour ces questions, ils veulent comprendre les matériaux, leur provenance, leur mise à disposition et leur champ d’application. Et même si plusieurs formations spécialisées et ciblées existent, une partie des architectes qui pratiquent la rénovation au quotidien, sentent le besoin d’une aide concernant l’aspect financier de certaines opérations. Un nombre important d’architectes déclare avoir eu recours à une aide extérieure pour accompagner les agences dans le montage des dossiers qui se révèlent être la plupart du temps d’une grande complexité. La rénovation énergétique est un procédé global qui met moult connaissances en diapason !

 

Sipane Hoh

Photo de une : Réhabilitation d’un bâtiment agricole en bureau pour la mairie de Carquefou (44). Photographe : J.D. Billaud – Nautilus. Belenfant Daubas Architectes

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