Shigeru Ban : l’architecte humanitaire qui bâtit en carton et en convictions

“Je ne veux pas être un architecte pour les riches. Je veux construire pour les gens.”
Une trajectoire entre Japon, New York et zones sinistrées
Né à Tokyo en 1957, Shigeru Ban est formé à la SCI-Arc (Californie) puis à la Cooper Union à New York. En 1985, il fonde son agence au Japon avec une approche très claire : faire de l’architecture un outil de secours, d’économie et de dignité humaine.
Il refuse l’ostentation. Il veut construire beau, vite et juste. Son matériau fétiche : le carton. Léger, économique, recyclable.
Ses interventions dans des zones frappées par les guerres ou les catastrophes naturelles l’ont rendu mondialement célèbre, sans jamais qu’il perde de vue son souci de l'esthétique.
Une approche : l’architecture du minimum vital
Shigeru Ban n’est pas un théoricien de salon. C’est un praticien de terrain.
- Et si l’on pouvait loger 100 familles avec des tubes de carton et une bâche ?
- Et si un pavillon d’exposition pouvait être recyclé à 100 % ?
- Et si une cathédrale détruite pouvait renaître en papier ?
Pour lui, l’innovation n’a de sens que si elle résout un problème concret, qu’il s’agisse d’un tremblement de terre, d’un manque de logement ou d’un besoin de sobriété énergétique.
5 projets qui incarnent sa vision
Paper Log House (1995–2011, Kobe, Rwanda, Haïti...)
- Un abri d’urgence fait de tubes en carton et de fondations en caisses de bière.
- Assemblable en quelques heures, peu coûteux, réutilisable.
- Décliné partout dans le monde en réponse à des crises.
Cardboard Cathedral (2013, Christchurch, Nouvelle-Zélande)
- Après le séisme de 2011, il conçoit une cathédrale provisoire en carton, bois et polycarbonate.
- 700 places, 20 mètres de haut, toujours utilisée aujourd’hui.
Centre Pompidou-Metz (2010, France)
- Toiture en bois lamellé-collé inspirée d’un chapeau chinois.
- Premier grand bâtiment public signé Ban en Europe. Design audacieux et structure naturelle.
Tamedia Building (2013, Zurich)
- Un immeuble de bureaux tout en bois, sans acier ni clou.
- Innovation structurelle + confort thermique et visuel.
Japan Pavilion, Expo 2000 (Hanovre)
- Structure démontable en tubes de papier et textile.
- Premier manifeste mondial de l’architecture recyclée.
Une notoriété mondiale... discrète
Shigeru Ban a reçu le Prix Pritzker en 2014, mais reste fidèle à une posture modeste et engagée.
Il travaille autant pour des musées ou des marques que pour des ONG ou l’ONU. Il a fondé le Voluntary Architects’ Network, son ONG dédiée à l’architecture d’urgence.
Il enseigne, expérimente, construit. Toujours avec le même credo : réduire les coûts, réduire les déchets, augmenter la dignité.
Une durabilité radicale
Chez Shigeru Ban, l’écologie est structurelle, pas décorative.
- Il utilise du bois local, du carton, du textile tendu.
- Il pense la ventilation naturelle, la lumière, la modularité.
- Il milite pour des bâtiments réversibles, mobiles, économes.
C’est une architecture frugale, agile et poétique, qui se soucie autant des matériaux que des gens qui l’habitent.
3 choses à retenir
- Shigeru Ban transforme des matériaux simples en abris d’urgence beaux et fonctionnels.
- Il incarne une architecture éthique, à la fois low-tech et hautement symbolique.
- Il prouve qu’on peut allier innovation, esthétique et responsabilité sociale.
Par Camille DECAMBU