SNBC 3 : la rénovation énergétique d'ampleur aux oubliettes ?
Publié le 16 décembre 2025, mis à jour le 16 décembre 2025 à 17h10, par Virginie Kroun

Des consultations en cours pour le projet de Stratégie nationale bas carbone 3 (SNBC 3). Présenté le 12 décembre dernier par le gouvernement, ce dernier tend à ajuster les budgets carbone 2024-2028 et 2029-2033, tout en le préparant à la période 2034-2038.
« Avec 650 TWh de consommation énergétique finale en 2023, le secteur des bâtiments est le secteur le plus énergivore (environ 44 % de la consommation énergétique finale française). La consommation énergétique du secteur (hors chaleur de l’environnement) baisse de 24 % en 2050 par rapport à 2023 », rappelle le rapport.
Pousser la sortie du chauffage fioul et du chauffage gaz
Dans le volet bâtiment tertiaire comme résidentiel, le but est d’atteindre -60 % d’émissions directes en 2030 par rapport à 1990, voire une « décarbonation quasi complète en 2050 ».
Parmi les mesures clés, on relève la sortie de chauffage à énergie fossile. Le SNBC 3 proposé s’oriente vers un remplacement de 60 % de chaudières fioul par un système décarboné d’ici 2030 et de 20 % des chaudières gaz d’ici 2030.
« Sauf exceptions, les surfaces tertiaires ne consommeront plus de fioul à partir de 2030», lit-on dans le projet de SNBC. Les espaces chauffés au fioul devront reculer de 85 % de 2020 à 2030, et ceux au gaz de 17 % de 2020 à 2050.
Sans surprise, les espoirs sont placés dans la PAC (23 % du parc en 2030 et 54 % en 2050), le raccordement des surfaces au réseau de chaleur urbain (19 % du parc en 2030 et 24 % en 2050), puis dans « une augmentation modérée des chaudières biomasse».
Pareil côté résidentiel, où l’on met l’accent sur les pompes à chaleur (PAC) – aérothermique comme géothermique. Des 2,9 millions équipés en 2023, le SNBC 3 prévoit un passage à 18 millions d’ici 2050. Le RCU est aussi envisagé, avec un raccordement de 360 000 logements en moyenne par an d’ici 2035, afin d’atteindre 5,8 millions de logements en 2035 et 6,7 millions en 2050.
« L’installation de chaudières biomasse en remplacement de chaudières fioul ou GPL en milieu rural et l’installation de radiateurs électriques à effet joule en remplacement de chaudières fioul ou gaz peuvent parfois participer aussi à la décarbonation des logements, bien qu’une diminution de ces modes de chauffage soit à privilégier à l’échelle du parc de logement », évoque le gouvernement.
250 000 rénovations d’ampleur par an à l’horizon 2030
Niveau chantier, la première version de ce SNBC 3 évoque l’impact des constructions neuves. « Ces logements neufs respectent les réglementations énergétiques et environnementales, participant ainsi à la réduction des consommations énergétiques et émissions GES du secteur résidentiel », est-il écrit. Les mises en chantier iront tout de même vers une baisse de 310 000 en moyenne par an entre 2020 et 2030, à 100 000 en moyenne par an entre 2040 et 2050 sur la France entière.
Compte tenu de l’interdiction progressive à la location des passoires thermiques et des enjeux de précarité énergétique, la rénovation énergétique est un volet important du SNBC 3.
Objectif pour la France : 700 000 rénovations de logements pour au moins deux sauts de classe de diagnostic de performance énergétique (DPE) par an, de 2025 à 2030. Cela englobe aussi bien le parc privé que le parc social. Encore une fois, on mise sur l’installation de PAC ou le raccordement au RCU. Dans l’ensemble, 250 000 rénovations d’ampleur sont ciblées.
Un « renoncement majeur en matière de rénovation énergétique des logements et de lutte contre la précarité énergétique », estime le collectif Rénovons.
« Sous couvert de “réalisme”, l’État acte un abaissement brutal de l’ambition, au profit d’une électrification massive des logements mal isolés, aux conséquences lourdes pour l’emploi, le pouvoir d’achat et la santé des ménages », abonde l’organisation, qui craint un abandon de l’objectif BBC en 2050.
Au-delà du pragmatisme invoqué par le gouvernement, le collectif déplore un manque de « stratégie industrielle, sociale et territoriale ». Ce qui entraînerait un impact sur l’emploi, le pouvoir d’achat et la sobriété énergétique.
D’autant que le Secrétariat général à la planification écologique estimait en 2023 les besoins à 600 000 rénovations énergétiques globales par an d’ici 2030.
Même son de cloche du côté du réseau Cler, pour qui « la sobriété énergétique est explicitement reléguée au second plan ».
La structure et le collectif Rénovons ne voient pas l’intérêt d’uniquement changer le chauffage dans un logement énergivore. « L’installation de pompes à chaleur dans les logements peut être une première réponse, mais elle est loin d’être suffisante pour sortir les ménages de la précarité énergétique », expose Isabelle Gasquet, responsable plaidoyer efficacité énergétique au réseau Cler.
« Seule la rénovation énergétique globale et performante permet de coupler la baisse des consommations d’énergie avec une amélioration durable de la qualité de l’habitat et donc des conditions de vie décentes. Le gouvernement ne peut faire l’économie d’une telle politique publique de justice sociale », poursuit-elle.
Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés, dénonce une orientation budgétaire. En résulterait une « double peine » aux plus modestes : « vivre dans le froid tout en payant des factures de plus en plus élevées », lit-on dans une dépêche AFP.
Certes, les certificats d'économies d'énergie (CEE) sont bonifiés pour les rénovations d’ampleur par les ménages modestes. Mais d’après M. Domergue, cela ne compensera pas le désengagement de l'État via MaPrimeRénov'.
Par Virginie Kroun














