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Énergie, Chine, MaPrimeRénov’ : le coup de gueule de Benoît Bazin devant les députés

Publié le 09 octobre 2025
Mis à jour le 09 octobre 2025 à 15h48

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Le 8 octobre 2025, le PDG de Saint-Gobain, Benoît Bazin, était entendu par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Face aux parlementaires, il a dénoncé la suppression de l’isolation des murs dans MaPrimeRénov’, le coût prohibitif de l’énergie en Europe et la montée en puissance des matériaux chinois. Un discours sans filtre sur l’état de l’industrie française des matériaux de construction.
Benoît Bazin - commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale
Benoît Bazin - commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale

« Quand on en est à enlever l’isolation des murs… je ne sais plus quoi dire ! »

Benoît Bazin n’a pas mâché ses mots. Interrogé sur les freins à la rénovation énergétique, le patron de Saint-Gobain a vivement critiqué la décision d’exclure l’isolation des murs du dispositif MaPrimeRénov’ dans le cadre des “mono-gestes”.

« Quand on en est à enlever l’isolation des murs sur un diagnostic d’isolation thermique, je ne sais plus quoi dire ! », a-t-il lancé devant les députés, selon la vidéo de l’audition ci-dessous.

Ce changement, annoncé en septembre, a suscité de vives réactions dans le secteur. Pour Bazin, cette mesure envoie un mauvais signal à toute la filière alors que l’isolation des parois verticales reste l’un des leviers majeurs pour réduire les consommations d’énergie des bâtiments.

« Les ménages ont besoin de clarté, les artisans de stabilité et les industriels de visibilité », a-t-il insisté, rappelant que l’isolation des murs peut représenter jusqu’à 25 % des pertes thermiques d’un logement.

Le coût de l’énergie, talon d’Achille de l’industrie européenne

Autre cheval de bataille du dirigeant : le prix de l’énergie, qu’il juge " insoutenable " pour les industriels français.

« Le coût de l’énergie en Europe est quatre à cinq fois supérieur à celui pratiqué aux États-Unis ou en Chine. C’est une aberration économique ! »

Cette situation, selon lui, freine les investissements dans la décarbonation des procédés, pourtant au cœur de la stratégie de Saint-Gobain. Le groupe, qui a déjà engagé plusieurs centaines de millions d’euros dans l’électrification de ses fours et la valorisation des matériaux recyclés, plaide pour un soutien public plus lisible.

« Nous avançons vite sur la transition écologique, mais la compétitivité énergétique conditionne tout. Sans énergie abordable, pas d’industrie décarbonée. »

Matériaux chinois : « des produits verts à bas prix inondent le marché »

Le PDG du géant des matériaux a également tiré la sonnette d’alarme sur la concurrence chinoise, qu’il qualifie de " nouvelle menace systémique " pour la filière européenne.

« Des produits dits " verts " arrivent désormais d’Asie sur le marché européen, notamment en Italie, en Pologne ou en Espagne. C’est inédit ! »

Selon lui, ces importations massives, souvent issues d’usines alimentées par du charbon, brouillent la concurrence : elles profitent d’un coût énergétique bas et d’une réglementation environnementale plus souple, alors que les fabricants européens supportent des normes strictes et des coûts élevés.

Bazin appelle donc à une réponse européenne coordonnée, inspirée du modèle américain, où le plan " Inflation Reduction Act " subventionne directement les investissements industriels bas carbone.

« Nous avons besoin d’un cadre européen unifié. Sinon, nous serons concurrencés sur nos propres marchés par des produits fabriqués à l’autre bout du monde. »

« Décarboner, recycler, produire localement » : la feuille de route de Saint-Gobain

Malgré ses critiques, le dirigeant a rappelé les progrès accomplis par le groupe, qui se présente comme pionnier de la construction bas carbone :

  • électrification des sites de production de verre et de plâtre ;
  • hausse de la part de matériaux recyclés ;
  • circuits courts et production locale dans chaque pays ;
  • réduction de 33 % des émissions de CO₂ depuis 2017.

Saint-Gobain, présent dans 76 pays, affiche l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

« Nous prouvons qu’il est possible de produire en Europe, proprement et efficacement. Mais pour continuer, il faut de la stabilité réglementaire. »

Un plaidoyer pour une politique industrielle durable

L’audition de Benoît Bazin dépasse le cas Saint-Gobain : elle révèle les tensions croissantes entre ambitions climatiques et compétitivité industrielle.
Les députés ont salué la franchise du dirigeant, qui a résumé le dilemme du secteur :

« On nous demande d’être verts, mais on nous pénalise sur les coûts. Si rien ne change, l’industrie européenne disparaîtra sous le poids des bonnes intentions. »

Pour le patron de Saint-Gobain, l’enjeu est clair : maintenir une base industrielle forte pour soutenir la transition énergétique. Et cela passe, selon lui, par trois priorités :

  • réintégrer l’isolation des murs dans MaPrimeRénov’
  • maîtriser le coût de l’énergie
  • protéger le marché européen des importations déloyales

À retenir

  • Benoît Bazin critique la suppression de l’isolation des murs dans MaPrimeRénov’.
  • Il alerte sur le coût de l’énergie, quatre à cinq fois plus élevé qu’en Chine.
  • Il dénonce l’arrivée massive de produits chinois “verts” à bas prix.
  • Il appelle à une politique industrielle européenne plus cohérente.
  • Saint-Gobain poursuit sa décarbonation, mais demande un cadre stable.

Par Camille Decambu

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