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« Le vrai enjeu, c’est comment l’ANAH va gérer la fraude » (Économie d’Énergie)

Publié le 05 décembre 2023

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Éric Baudrillard, directeur général d’Économie d’Énergie (filiale du groupe La Poste) revient pour Batiweb sur le marché des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), la hausse des fraudes, la réforme de MaPrimeRénov’, et la conjoncture pour les travaux de rénovation énergétique.
« Le vrai enjeu, c’est comment l’ANAH va gérer la fraude » (Économie d’Énergie) - Batiweb

Pouvez-vous nous présenter Économie d’Énergie ?

 

Éric Baudrillard : Nous avons fêté nos 12 ans cette année, donc nous ne sommes pas tout jeune dans le secteur. On est même d’ailleurs l’une des premières entreprises à s’être intéressée au dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Avant de devenir délégataire de CEE en période 3, notre activité historique est une activité de prestataire de services pour les obligés. Nous travaillons depuis plusieurs années avec EDF, Engie, ou encore Auchan. On a, au fil des années, développé toute une gamme de services pour pouvoir prendre en charge intégralement la collecte des CEE pour le compte de grands obligés.

On travaille avec de grands énergéticiens, la grande distribution, des distributeurs de carburant, et on leur propose de développer des plateformes de collecte. Nous avons des collaborateurs qui s’occupent de la gestion administrative des dossiers. On s’occupe également de gérer les contrôles sur sites et les contrôles par contacts. Nous avons également un call center qui permet de traiter les demandes des clients bénéficiaires. Donc nous fournissons une prestation clé en main aux obligés, pour pouvoir les décharger de la collecte de CEE.

Nous sommes devenus une filiale du groupe La Poste fin 2019, qui est lui-même une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd’hui, on est dans le giron de la branche « services, courriers, colis », et nous sommes partie intégrante de la stratégie de diversification du groupe, en particulier sur les sujets de transition écologique et énergétique. 

En tant que délégataire de CEE, nous sommes multi-spécialiste puisqu’on adresse aujourd’hui tous les segments de marchés, que ce soit le tertiaire privé et public, le résidentiel, l’industrie, mais aussi l’agriculture et les transports dans une moindre mesure, avec en cible privilégiée les collectivités territoriales. Sur le résidentiel, nous sommes un partenaire de premier plan des bailleurs sociaux. Il y a plusieurs dizaines de bailleurs sociaux avec lesquels on travaille aujourd’hui sur des projets de rénovation, et en particulier en ce moment sur de la rénovation globale. On se positionne comme un acteur de confiance au cœur de l’écosystème de la rénovation énergétique, et des projets d’efficacité énergétique.

 

En quoi consiste votre partenariat avec l’Union régionale des organismes HLM de la région du Grand Est ?

 

E.B. : Nous sommes historiquement un partenaire privilégié des bailleurs sociaux. L’Union régionale des organismes HLM de la région du Grand Est, c’est un peu plus de 60 bailleurs, donc la convention de partenariat que nous avons signée va nous permettre de travailler potentiellement avec ces 60 bailleurs sur l’amélioration de leur patrimoine immobilier, et en particulier sur des sujets de rénovation globale. Il y a beaucoup de rénovation globale parce que la loi Climat et Résilience impose aux bailleurs d’accélérer sur la rénovation des logements, et notamment ceux qui sont étiquetés « passoires thermique ». Donc on les accompagne pour identifier quels vont être les travaux les plus pertinents, pour monter leur plan de travaux, gérer l’ensemble des démarches administratives, leur trouver – lorsque c’est nécessaire – des entreprises de travaux qui vont pouvoir les accompagner sur toute la maîtrise d’œuvre. On gère tout ce qui a trait au contrôle et aux relations avec le pôle national CEE, et puis on valorise sur le plan financier les CEE qui vont pouvoir ressortir de l’ensemble des opérations menées.

 

En général, combien de logements sont rénovés par an grâce à ce type de partenariats ?

 

E.B. : L’année dernière, nous avons traité un peu plus de 500 000 dossiers de travaux pour des CEE, à la fois sur du mono-geste et sur des opérations plus globales. Avec 500 000 dossiers, on n’est pas loin de ce qu’a traité l’ANAH avec MaPrimeRénov’ l’année dernière.

 

En parlant de l’ANAH, qu'est-ce que vous pensez de la réforme de MaPrimeRénov’ pour 2024 ? Le fait de passer de la rénovation par geste à des rénovations globales, mais aussi le fait qu’il y ait une partie des dossiers CEE qui soient repris par l’ANAH ?

 

E.B. : D’abord on espère que cela va marcher, parce qu’effectivement, c’est un vrai enjeu de rénover près de 7 millions de passoires énergétiques.

Nous, on s’était attaqués au sujet de la rénovation globale, mais on a bien vu que c’était complexe, notamment parce qu’il y a eu une hausse des fraudes au moment où ça s’est mis en place. Maintenant, cela passe à l’ANAH, donc tant mieux.

Après, ce que l’on pourrait regretter, c’est le délai de prévenance. C’est-à-dire que cela nous laisse peu de temps pour réorganiser un peu autrement nos activités. La chance d’Économie d'énergie, c'est de pouvoir s’appuyer sur les actifs de La Poste pour être encore plus présents auprès des collectivités territoriales. Donc on a aujourd'hui la possibilité de faire pivoter notre modèle assez rapidement. Mais c'est vrai qu’une réforme annoncée en juin pour une mise en œuvre en janvier de l'année suivante, cela laisse très peu de temps au marché pour se retourner et s'organiser autrement. Nous, cela ne nous pénalise pas beaucoup, mais je sais que du côté de certains acteurs du marché, ça gronde un peu.

 

Est-ce que vous pensez que cela va simplifier les dossiers CEE pour les particuliers ?

 

E.B. : Oui, le fait de rapprocher les règles entre MaPrimeRénov’ et les CEE va dans le bon sens. Mais le vrai enjeu c’est « comment l’ANAH va gérer la fraude ? ». Parce qu’il y a eu beaucoup de fraudes sur les premiers dossiers de rénovation globale. On le sait, il y a beaucoup de volumes de terawattheures qui sont aujourd’hui en cours d’examen du côté du pôle national des CEE. Je sais que l’ANAH a beaucoup d’ambitions pour augmenter les contrôles, donc le vrai défi, cela va être de mettre en place un dispositif robuste qui élimine les fraudes.

 

Plus largement, que pensez-vous de la conjoncture pour les travaux de rénovation énergétique ?

 

E.B. : Sur le papier, il y a un alignement des planètes. Au niveau du résidentiel, on voit que les règles sont de plus en plus populaires, les exigences réglementaires sont fortes, il y a une des exigences accrues qui pèsent aussi sur les collectivités et les entreprises, notamment à travers du décret tertiaire et du décret BAC.

Après, il y a une inflation qui a pesé ces 2 dernières années sur le secteur. Et il y a eu en 2022 un début de période 5 qui a été aussi extrêmement compliquée pour l'ensemble des acteurs du marché, avec une filière qui s'était montée sur l'isolation et qui a subi un coup d'arrêt, et des délégataires qui n'ont pas pu honorer leurs engagements. Donc le dispositif 2022 a été un peu coupé dans son élan.

On voit que cela redémarre bien aujourd'hui, mais ce sujet du financement de la rénovation de l'habitat particulier demeure problématique dans la mesure où on sait quele reste à charge constitue un frein au passage à l'acte.

La Banque postale a été la première banque à lancerle Prêt Avance Rénovation il y a quelques mois, ce qui souligne l’engagement de La Poste sur ces sujets de massification de la rénovation énergétique des bâtiments.

Mais quand bien même les aides sont importantes, on le sait, aujourd'hui l'habitat le plus précaire, il est malheureusement aussi celui des ménages les plus précaires. Donc lorsqu’on n’a pas de solution pour financer ces restes à charge, le passage à l'acte est compliqué.

 

Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Éric Baudrillard - ©Margaux de Maria

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