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MaPrimeRénov’ : l’aide suspendue, mais rétablie « avant la fin de l'année »

Publié le 05 juin 2025

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Coup de théâtre pour MaPrimeRénov’ : l’aide à la rénovation énergétique sera finalement bien suspendue, a annoncé le ministre de l’Économie Éric Lombard. L’occupant de Bercy n’a toutefois pas précisé de date pour ce gel, mais a l’intention de rétablir son fonctionnement avant la fin de l’année. Inquiétude, sidération, colère… Les réactions fusent dans la filière.
MaPrimeRénov’ : l’aide suspendue, mais rétablie « avant la fin de l'année » - Batiweb

Après des annonces du journal Le Parisien le 3 juin sur une potentielle suspension de MaPrimeRénov’ dès juillet, le bâtiment s’était alarmé. La ministre du Logement Valérie Létard et son entourage avaient pourtant rassuré : rien de confirmé pour l’heure. 

Pourtant, coup de théâtre, le ministre de l'Économie Éric Lombard a confirmé le gel du dispositif d’aide à la rénovation énergétique le 4 juin, lors des questions au gouvernement au Sénat. « Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès de fraudes(...) sur lequel nous voulons reprendre la main, d'où la suspension », a-t-il justifié devant la chambre haute du Parlement.

L’occupant de Bercy a cependant soutenu, devant la commission des Affaires économiques du Sénat,  qu’« une fois que cela sera réglé, le processus pourra continuer » et que le gouvernement a « bien l'intention de rétablir le fonctionnement avant la fin de l'année ».

« Des conséquences irréversibles » pour la filière rénovation énergétique selon le GERE

 

Cette décision inquiète les acteurs de la filière, tel que le Groupement des Ensembliers de la Rénovation Énergétique (GERE). « Nous saluons la volonté du gouvernement de renforcer la lutte contre la fraude et de sécuriser la qualité des travaux de rénovation énergétique », explique son porte-parole Hugues Sartre, avant d’ajouter : « toutefois, nous tenons à souligner que l’équilibre de toute la filière dépend désormais du respect strict du caractère temporaire de cette fermeture ».

L’organistion craint « des conséquences irréversibles pour les entreprises, artisans et structures engagés au quotidien dans la transition énergétique des logements français ». Inquiétude partagée avec l’Union des Fabricants de MEnuiseries (UFME) et le SNFA, pris de cours par une telle décision « sans aucune concertation préalable avec les acteurs concernés et avec une mise en application quasi immédiate (délai inférieur à un mois) ». Précisons qu’aucune date de gel n’a été confirmée par le ministre de l’Économie.

Valérie Létard évoque toutefois « un calendrier de travail d’ici l’été ». L’interruption estivale ne concernera pas les dossiers de rénovation de copropriétés.

« D’ici la fin du mois de septembre 2025, les dossiers de rénovation globale et de travaux individuels sans distinction pourront être de nouveau déposés, dans un cadre ajusté qui garantira visibilité, rapidité et fiabilité pour les ménages et les entreprises. Dans l’intervalle, les dossiers non frauduleux déposés avant la fermeture seront instruits et payés dans les meilleurs délais, et une démarche d’accélération de l’instruction sera mise en place », promet la ministre de Logement.

Il n’empêche que cette nouvelle n’est pas de bon augure pour le marché de la rénovation, censé compenser la crise du neuf dans le secteur du bâtiment.

« Pour les particuliers comme pour les entreprises ces changements successifs risquent d’induire un désengagement total et immédiat du dispositif vertueux. Nous espérons que le gouvernement saura trouver les solutions pour maintenir la dynamique de la rénovation énergétique », a réagi Dominique Thomasson, président du SNFA.

« Il ne s'agit pas de faire une économie en cachette comme ça », défend Bercy 


Alors que l’État doit faire 40 milliards d’économies en vue de sa prochaine loi de finances, la suspension de MaPrimeRénov’ ne relève pas d’un « problème budgétaire », insiste Éric Lombard.

« Il ne s'agit pas de faire une économie en cachette comme ça, en bloquant le système », assure-t-il, en ajoutant : « On a prévu au budget 3,6 milliards et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard ». On sait toutefois que les rénovations d’ampleur, encouragées par le gouvernement, ont triplé entre le 1er trimestre 2024 et celui de 2025 selon le dernier rapport de l'Anah

« Dans l’objectif de massifier la rénovation des logements français, la rénovation globale, soutenue par MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné, a été fortement mise en avant. Aujourd’hui, alors que ce dispositif porte enfin ses fruits et devrait permettre à la France de tenir ses engagements environnementaux, le seul mécanisme reconnu par les ménages, efficace et accessible va être suspendu », développe Laurent Demasles, président de l’UFME. Et de poursuivre : « Je rappelle que 75 % de la production de fenêtres est destinée à la rénovation, soit près de 7 millions de menuiseries par an. Cette annonce aura un impact dramatique sur un marché déjà tendu et nos emplois  ».

En outre, les rénovations d’ampleur sont coûteuses et nécessitent des aides élévées. Ce qui a pu entraîner des fraudes, avec une surfacturation par certaines structures, selon la CAPEB. Mais « l’instabilité des règles permet aussi aux fraudeurs de  s'organiser », a indiqué le ministre de l’Économie, qui fait état de « 16 000 dossiers suspicieux », soit « 12 % du stock ». 

Il pointe également le retard pris face à l'incertitude politique. « On a un vrai problème, lié notamment au fait que la censure a bloqué le sujet pendant un certain temps et il y a eu ensuite une avalanche de demandes qui fait que les services sont encombrés et ont besoin d'un peu de temps pour rétablir leur situation au plan opérationnel », a-t-il exposé au Sénat. 

Le GERE espère toutefois « un redémarrage serein et efficace du dispositif dès septembre 2025 », et dans ce sens de nouvelles règles d’instruction et un « cadre rénové, plus robuste et plus lisible ». 

Un passeport de la rénovation énergétique nécessaire ? 

 

De leur côté, le SNFA et l’UFME rappellent les retombées positives de MaPrimeRénov’, qu’ils présentent comme « un investissement financier et non comme un coût ». Selon leurs estimations : alors que la rénovation d’une fenêtre - fourniture et pose - coûte entre 800 euros et 1 000 euros, la subvention MaPrimeRénov’ coûte entre 50 et 100 euros. 

Pour ce mono-geste, les recettes fiscales et cotisations sociales générées s’élèvent à 285 euros. « Rien que pour la TVA, ces recettes représentent entre 310 et 365 millions d’euros par an », calculent les représentants de la filière menuiserie. 

Afin de soutenir ce gisement, les organisations soutiennent une proposition : la création d’un passeport de la rénovation énergétique , « en lieu et place du Parcours Accompagné ». 

« Dédié aux logements de classes énergétiques D, E, F et G, ce passeport permettrait aux ménages de réaliser, sur une période pouvant aller jusqu’à trois ans, l’ensemble des travaux préconisés par Mon Accompagnateur Rénov’. Ils planifieraient leurs travaux par étape permettant un soutien progressif et mieux maitrisé dans le temps par l’État. Le remplacement des fenêtres, geste simple, efficace et réalisable à l’échelle individuelle, y trouverait toute sa place », décrivent-elles dans leur communiqué. 

La FNAIM demande des comptes...

 

Parmi d’autres structures, on ne propose pas de solutions, mais on demande des comptes. C’est le cas de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). 

« Alors que le ministère du Logement assurait il y a encore quelques jours que la stabilité du dispositif était une priorité, ce revirement soulève une question simple : qui décide aujourd’hui de la politique du logement en France ? » s’interroge son président Loïc Cantin. Le « signal » envoyé par l’exécutif alarme le fédération, compte tenu du durcissement des obligations imposées aux propriétaires, notamment de passoires thermiques

Mais surtout la FNAIM appelle d’urgence le gouvernement à revoir avec clarté ses ambitions en fonction des moyens. « À force de vouloir être le premier de la classe sans en avoir les capacités, on prend le risque de casser l’élan collectif en faveur de la transition énergétique », tâcle M. Cantin. « Comment continuer à investir, à rénover, à louer, dans un tel climat d’instabilité ? À force d’improvisation, le gouvernement risque de gripper totalement l’accès au logement dans notre pays, avec des conséquences sociales et économiques majeures », s’indigne-t-il. 


« Ça va gronder ! » :  des mobilisations prévues par la FFB et la CAPEB

 

19 organisations professionnelles - dont la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB), la Fédération Française du Bâtiment (FFB), Uniclima - sont montées au créneau. Entre « stupéfaction » et « inquiétudes », elles ont décidé que la réunion prévue à Bercy, ce vendredi 6 juin dans l’après-midi,  pour discuter du marché de la rénovation énergétique n’a « plus lieu d’être car sans objet désormais ». 

« À l’argument avancé par le gouvernement de trop nombreuses fraudes dans le cadre de ce dispositif, excessivement mise en avant, nos organisations sont également mobilisées et formulent d’autres propositions pour lutter contre ces détournements », commentent les organisations. Parmi ces propositions, on retrouve le maintien de MaPrimeRénov’ et la pérennisation des mono-gestes. En d’autres termes : la balle est dans le camp du gouvernement pour créer une « véritable et stable politique de rénovation ».

« À ce jour, les réponses qui nous ont été données restent très insatisfaisantes et nous formulons désormais le souhait d’être reçu directement par le Premier Ministre afin qu’il clarifie comment il entend remettre de la cohérence dans les ambitions environnementales, économiques et industrielles de la France », réclament ces acteurs, qui avancent les mêmes arguments fiscaux que le SNFA et l’UFME.

La FFB estime qu'il s'agit d'une décision « injustifiable, inqualifiable » et risquant de mettre « sur le carreau 100 000 salariés du secteur ». D’autant que 30 % de l’activité de ses adhérents correspond à la rénovation énergétique, comme le rappelle son président, Olivier Salleron. Le congrès national prévu par la FFB le 13 juin sera l’occasion de « décider de mesures à prendre ». 

Manifestation, blocage, montage de grues dans des « lieux stratégiques » font partie des actions envisagées. « Ça va gronder ! », confie M. Salleron. « Les TPE, PME, artisans, tout le monde est vent debout. Avec en plus la crise grave et historique du logement neuf, trop c'est trop, on ne va pas se laisser crever sans rien dire », fustige-t-il. 

Même posture pour la CAPEB, qui s’organise pour élaborer un mouvement afin de « réagir fortement », avertit son président, Jean-Christophe Repon.


Par Virgine Kroun
Photo de Une : X @Senat

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