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Face aux pénuries et à l’inflation, les fabricants d’éclairage tâtonnent dans le noir

Publié le 13 avril 2022

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Les tensions dans l’approvisionnement de matières premières ont mobilisé dernièrement l’attention du gouvernement. Des mesures tendent à faciliter la tâche du secteur du BTP, en particulier dans le chauffage. Mais qu’en est-il de l’éclairage ? Coup de projecteur avec Dominique Ouvrard, délégué général adjoint du Syndicat de l’Éclairage.
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Mercredi 30 mars, le cabinet du Premier ministre Jean Castex communiquait une circulaire relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières. Un sujet déjà abordé par une première circulaire le 16 juillet 2021 et une fiche technique de Bercy le 18 février dernier. 

Découlant du plan de résilience présenté par le gouvernement le 17 mars, cette circulaire tend à aiguiller les maîtres d’ouvrage publics face au contexte de tensions sur l'approvisionnement. Contexte marqué par les pénuries et l’inflation, ravivée par le conflit en Ukraine et touchant moult secteurs, dont la construction. 

Parmi les conseils évoqués par Jean Castex, on compte ceux liés à l’application de la théorie de l’imprévision aux contrats administratifs, le gel des pénalités contractuelles, ou bien l’insertion d'une clause de révision des prix.


Entre manque de composants électroniques et de métaux 


De quoi donc soulager les professionnels de la construction, y compris ceux de l’éclairage. Le Syndicat de l’Éclairage, représentant la majorité des fabricants de lampes, de matériels et systèmes d’éclairage pour l’intérieur et l’extérieur, signalait, une semaine avant le début du conflit russo-ukrainien, une hausse brutale du prix des énergies, allant de pair avec celle inévitable des prix de matériaux.

D’après le modèle de formule de révision des prix du Syndicat de l’Éclairage, en 2021, l’inflation progressait respectivement de 13 % et 15 %, pour les luminaires d’éclairage intérieur et d’éclairage extérieur. Mais sur quels matériaux spécifiquement ? 

Dominique Ouvrard, délégué général adjoint du syndicat, évoque en premier lieu un manque côté composants électroniques. Des composants essentiels pour les systèmes LED et capteurs de présence et de lumière naturelle, utiles pour la régulation de la consommation d’éclairage et désormais obligatoires pour la rénovation. Sans compter les pénuries de métaux (acier, aluminium, cuivre...) ou de matières plastiques, nécessaires pour fabriquer les appareils, les circuits électriques… 

Et la situation semble s’enliser car sur les deux premiers mois de 2022, le syndicat enregistre entre des hausses de 3 à 5 % des prix. De quoi s’interroger sur la suite, avec l’impact des tensions géopolitiques en Ukraine.

« Il faut que la filière soit consciente de la situation qu’affrontent les fabricants français. On ne peut pas exiger d’eux des durées de validité des prix et des offres de quatre ou six mois en ce moment, alors que certains de leurs fournisseurs en amont font des offres de prix valables seulement quelques jours », soutient le DG adjoint du Syndicat de l’Éclairage.

Accorder plus de place à l’éclairage dans la rénovation énergétique 


D’autant que ce climat tendu côté fabricants vient inévitablement impacter le travail des installateurs, mais aussi des « bureaux d’études, [des] architectes. La prescription doit être quelquefois aménagée, les produits ne sont pas disponibles tout de suite, et il faut souvent chercher des solutions de remplacement. Si des composants électroniques sont indisponibles, on essaie de proposer un système un peu équivalent. C’est déjà une solution, mais c’est du retard sur les chantiers », nous expose Dominique Ouvrard. 

La circulaire du Premier ministre concernant la commande publique est déjà un grand pas. Bien que ces mesures soient saluées par la FFB, celle dernière pense qu’il convient de faire plus : application des mêmes principes d’imprévision sur les marchés privés, prise en charge par l’État de l’activité partielle... 

Des mesures trouvant une résonance dans le discours du Syndicat de l’Éclairage, qui « appelle l’ensemble de la filière à des efforts de compréhension et de solidarité ». Mais qu’attend exactement la profession ? « Du dialogue, au niveau de la prise en compte de l’inflation des coûts et des conditions du contrat, dans l’esprit des recommandations de l’Etat, et au bénéfice de tous », nous répond Dominique Ouvrard.

Autre solution déployée du côté des fabricants : « l’aluminium recyclé (...) ce qui n’est pas idiot. L’intérêt de l’économie circulaire, il est là aussi. Les produits recyclés sont des matières premières. Et cela plaide pour le recyclage », nous expose le DG adjoint du Syndicat de l’Éclairage. 

Le contexte inflationniste incite également à investir dans la rénovation pour réduire la consommation énergétique d’un bâtiment, résidentiel, comme non résidentiel. 

L’accent est habituellement mis sur le chauffage, en témoigne la récente augmentation de l’aide MaPrimeRénov’ pour les PAC et chaudières biomasses. Pourtant, tout porte à croire que le système d’éclairage est un poste de rénovation tout aussi importan avec, selon l’Ademe, une baisse immédiate de 10 % de la facture d’électricité dans le tertiaire. 

« En 2017, une étude du Ceren montrait que dans les bâtiments de bureaux, plus de la moitié des éclairages installés étaient des luminaires pour tubes fluos (ou « néons »). En les remplaçant par des luminaires LED de bonne qualité, on divise au moins par deux la consommation pour l’éclairage », nous donne comme exemple Dominique Ouvrard.

« Si on ajoute, ce qui est obligatoire dans la RT par élément, la gestion de la lumière du jour, on arrive à entre -70 et -80 % d’économies, et immédiatement. En plus ce sont des travaux qui n’impactent pas les autres usages énergétiques, on n’est pas dans le cadre d’une rénovation globale recommandée pour tous les usages thermiques (on ne change pas de chaudière si on ne refait pas l’isolation etc.). Non, l’éclairage peut se rénover tout seul,, et il y a aujourd’hui des solutions plug and play, et sans fil », abonde-t-il. 

Ce qui nous amène à nous interroger sur la place accordée à l’éclairage au sein de la politique de rénovation énergétique : « On parle beaucoup des usages thermiques et de l’isolation aussi, mais pas beaucoup de l’éclairage, parce que c’est un usage un peu banalisé. Les gens ne s’imaginent pas des progrès des technologies en quelques années. Certains disaient déjà il y a quelques années que si on avait fait autant de progrès dans l’automobile, on ferait Paris-Nice avec un demi-litre d’essence », défend le DG adjoint du Syndicat de l’Éclairage.

 
Propos recueillis par Virginie Kroun 

Photo de Une : Adobe Stock

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