ConnexionS'abonner
Fermer

Henri Ciriani (1936-2025) : l’architecte franco-péruvien qui a réinventé la lumière et le logement social en France

Publié le 06 octobre 2025
Mis à jour le 06 octobre 2025 à 11h03

Partager : 

Hommage à Henri Ciriani, architecte moderniste franco-péruvien, maître de la lumière et du logement social durable en France.
©Adobe Stock
©Adobe Stock

Architecte de la lumière et du logement social

Architecte majeur de la seconde moitié du XXe siècle, Henri Ciriani est décédé le 3 octobre 2025.

Moderniste engagé, pédagogue influent, il a défendu toute sa vie une architecture sociale, lumineuse et humaine.

Son héritage reste d’une actualité saisissante pour les professionnels du bâtiment confrontés aux défis du logement collectif et de la construction durable.

Du Pérou à la France : une trajectoire guidée par la lumière

Né à Lima en 1936, Enrique « Henri » Ciriani débute sa carrière au Pérou avec le complexe résidentiel San Felipe(1964-1968), où il explore déjà la relation entre densité, espace public et intimité.

Arrivé en France en 1964, il rejoint l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture (AUA), aux côtés de Roland Castro et Jean-Louis Véret, avant d’ouvrir sa propre agence.
Parallèlement, il enseigne à l’UP7, à Paris-Belleville et à l’Université de Lima, prônant une pédagogie du projet centrée sur la lumière, la rigueur et la responsabilité sociale.

L’espace et la lumière, voilà les deux piliers de toute architecture”, répétait-il à ses élèves.

Trois piliers d’une pensée architecturale visionnaire

1. La lumière comme matériau premier

Pour Ciriani, la lumière structure la perception de l’espace.

Dans l’Historial de la Grande Guerre de Péronne (1992) ou le Musée d’Arles Antique (1988), elle guide le visiteur, révèle les volumes et crée une atmosphère à la fois sobre et poétique.

“La lumière est un don de la nature. Il faut transformer ce qui est déjà là en magie, sans que les efforts ne soient visibles.”

À lire aussi : L’Ademe actualise son guide sur la rénovation de l’éclairage dans le tertiaire

2. Le logement social, terrain d’expérimentation

Ciriani a profondément renouvelé la manière de penser le logement collectif.

Son ensemble Noisy 2 à Marne-la-Vallée (1975-1980) illustre une architecture dense mais généreuse : gradins, patios, transparence, jeux d’ombre et d’ouvertures composent une “ville habitable”.

Il a aussi utilisé la couleur comme levier d’identité, redonnant dignité et singularité à l’habitat social.

À lire aussi : Rénovation BBC : les logements collectifs mènent la danse

3. La transmission, sa deuxième œuvre

De 1969 à 2002, Ciriani enseigne à Paris-Belleville, où il fonde le groupe UNO (Université-Nouveau-Œuvre).

Sa pédagogie, fondée sur la clarté, la rigueur et la responsabilité sociale du projet, a marqué des générations d’architectes.

L’architecture est la conséquence d’une exigence humaine”, affirmait-il lors de la remise de sa Grande Médaille d’Or de l’Académie d’Architecture (2012).

Œuvres emblématiques d’Henri Ciriani

 

ProjetLieu / périodeParticularités
San FelipeLima (1964-1968)Grand ensemble expérimental, alliance de modernité et de vie urbaine locale
Noisy 2Marne-la-Vallée (1975-1980)Logement social exemplaire, articulant monumentalité et humanité
Crèche “Au Coin du Feu”Saint-Denis (1983)Prix national d’architecture, modèle d’échelle et de lumière
Historial de la Grande GuerrePéronne (1992)Musée-parcours où la lumière devient mémoire
Musée d’Arles AntiqueArles (1988-1995)Architecture muséale urbaine, ouverte et vibrante

 

Grand Prix national de l’Architecture (1983)
Grand Prix d’Architecture de l’Académie des Beaux-Arts (Prix Charles Abella, 2021)

Un architecte intransigeant et profondément humain

Exigeant, parfois jugé radical, Ciriani ne concevait pas l’architecture comme un geste esthétique mais comme une responsabilité sociale.

Ses espaces, parfois austères, traduisent une recherche constante d’équilibre entre rationalité, lumière et émotion.

Cette cohérence sans compromis lui confère une place singulière dans l’histoire du logement social et de la pensée architecturale moderne.

Ce que les professionnels du BTP peuvent retenir

1. Travailler la lumière naturelle comme levier de confort et d’économie

La lumière n’est pas qu’un atout esthétique : elle agit sur la performance énergétique et le bien-être des usagers.

Voir les produits dédiés : Éclairage zénithal, dôme et coupole.

 

2. Réconcilier densité et qualité de vie

Ses projets démontrent qu’une forte densité peut cohabiter avec des espaces ouverts, des circulations fluides et des zones collectives attractives.

3. La couleur comme outil architectural

La polychromie pensée par Ciriani devient un outil fonctionnel : distinguer, rythmer, identifier — sans surcoût, mais avec impact visuel fort.

4. L’approche collaborative avant l’heure

Ciriani défendait une architecture intégrant urbanisme, paysage et technique : une philosophie aujourd’hui réactualisée dans les démarches BIM et les projets bas carbone.

Héritage vivant : Ciriani toujours d’actualité

Les réflexions d’Henri Ciriani trouvent aujourd’hui un écho direct dans les défis du bâtiment contemporain :

  • Lumière naturelle et confort thermique, au cœur de la RE2020.
  • Qualité spatiale dans la densité, enjeu central du logement collectif.
  • Approche intégrée et interdisciplinaire, désormais portée par les outils numériques et la construction biosourcée.

Ses idées se prolongent dans les démarches de Lacaton & Vassal, Anne Démians ou Patrick Bouchain, qui militent eux aussi pour un logement social ouvert, lumineux et généreux.

Chiffre clé

Selon le ministère de la Culture, plus de 40 % du parc de logements collectifs construits entre 1970 et 1990 relèvent de l’architecture moderniste dont Ciriani fut l’un des grands porte-voix.

Ses principes continuent d’inspirer les stratégies de rénovation énergétique et patrimoniale de ces ensembles.

Pour les professionnels du BTP : une leçon d’avenir

L’héritage d’Henri Ciriani dépasse la simple esthétique. Il rappelle que la réussite d’un projet se mesure autant à sa performance technique qu’à sa capacité à émouvoir et à durer.

Ses valeurs — générosité, lumière, justesse d’usage — sont autant de repères pour concevoir des bâtiments responsables et inspirants.

L’architecture n’est pas dans le gain, mais dans la capacité de ce qu’on gagne à émouvoir.”
— Henri Ciriani, 2012

À lire aussi sur Batiweb

 

 

Par Camille Decambu

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.