La construction bois, une filière résiliente face à la crise du neuf

Paul Jarquin, président de la Fibois Ile-de-France depuis sept ans, mais aussi fondateur et PDG du promoteur REI Habitat, spécialisé dans la construction d’immeubles en bois depuis 15 ans, estime que le secteur de la construction bois a certes souffert de la crise de la construction neuve qui dure depuis trois ans, mais que la filière s’est tout de même montrée résiliente.
« On est dans une crise extrêmement forte du logement depuis trois ans. Certains disent que c’est peut-être la crise la plus forte depuis l’après-guerre. Même dans les années 1990, elle n’avait pas été aussi violente. Donc forcément, cela a un impact sur la filière bois », concède-t-il.
Face à la crise du neuf, la construction bois fait de la résistance
D’après les derniers résultats de l’enquête nationale de la construction bois – publiée tous les deux ans par France Bois Forêt et le CODIFAB –, le nombre de logements construits en bois aurait chuté en volume en 2024, avec -17 % par rapport à 2022, pour un total de 18 250 logements.
Dans le détail, 9 900 logements collectifs ont été réalisés (soit -8 % par rapport à 2022), 7 000 maisons individuelles en secteur diffus (-27,5 %) et 1 350 maisons individuelles en secteur groupé (-25 %).
« Dans le logement individuel, les parts de marché de l’individuel sont passées de 8 % en 2022 à 9 % en 2024. Par contre, on est passé de 15 600 à 7 000 réalisations. Donc on a une augmentation de part de marché, mais une baisse du volume. Il ne faut pas oublier qu’on suit la tendance générale de l’immobilier et de la construction, avec des volumes sur la maison individuelle qui sont aujourd’hui mauvais », commente le président de la Fibois Ile-de-France.
Et d’ajouter : « Dans le collectif, quand on prend les chiffres de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), on voit que sur la production de logements neufs, on a des baisses partout ».
Toutefois, le secteur de la construction bois a enregistré une croissance de 3 % en valeur (logement et tertiaire confondus), pour un total de 2,2 milliards d’euros hors taxes.
« Quand on voit les chiffres entre 2022 et 2024, il y a quand même eu une pénétration assez forte du bois dans le logement, et globalement une croissance quand même relativement importante de la filière bois, qui s’est maintenue. Elle résiste beaucoup mieux que les filières traditionnelles », observe Paul Jarquin.
La RE2020, soutien important de la construction bois
Cette résilience de la construction bois pourrait-elle en partie s’expliquer par le soutien apporté par la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) ?
Selon nos deux spécialistes, la RE2020 est sans aucun doute venu booster le secteur de la construction bois, et notamment soutenir le logement collectif.
« Très clairement, la RE2020 a boosté le marché. C’est ce qui a permis aussi pour le bois d’atténuer la chute de certains marchés, notamment dans le logement collectif », estime Jean-Pierre Mathé, prescripteur bois au sein de la Fibois Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA)
Et d’ajouter : « C’est plutôt bien fait, la RE2020. Il y a vraiment des paliers, donc on sait où on va, on sait les échéances, quel niveau il va falloir atteindre. Les entreprises ont aussi le temps de s’y préparer (…) On sent que cela a infusé. On sait que les personnes qui travaillent sur les projets qui vont sortir en 2028 ou après, elles intègrent le fait de mettre du bois, ou de la mixité bois-béton dans un premier temps ».
« Aujourd’hui quand on fait du logement collectif neuf ou une surélévation, dans toutes les consultations, on va avoir des demandes d’un certain niveau de biosourcés et des politiques qui vont pousser à favoriser l’utilisation de biosourcés. C’est aussi directement lié à la RE2020, aux différents labels et à la part du biosourcé dans la performance carbone », abonde Paul Jarquin.
La RE2020 a également dynamisé les investissements des industriels de la filière bois, malgré l’impact de l’inflation.
« Les industriels continuent d’investir, notamment grâce à l’argent du plan France Relance. Il y a eu des centaines de millions d’euros qui ont été investis en subventions, et quand on les couple avec l’investissement privé, on est à près d’un milliard d’euros par an investis par les industriels pour multiplier les capacités de production de la filière française », souligne le président de la Fibois Ile-de-France.
Parallèlement à la construction bois, l’activité a été plus dynamique dans le secteur de l’entretien-rénovation, avec +9 %, selon l’enquête nationale.
La rénovation, un marché plus porteur
Pour Jean-Pierre Mathé, les entreprises qui ont le mieux résisté sont les TPE et PME s’étant diversifiées pour aller vers ce marché plus porteur.
« On a très peu d’entreprises qui ne font que du logement individuel ou du logement collectif. En général, cela reste des petites entreprises qui sont assez flexibles et qui ont du coup gardé une certaine diversification, sur la rénovation, sur le privé, sur le public, sur les petits et gros chantiers, sur la charpente ou la menuiserie etc. Quand il y a un marché qui va moins bien, elles sont assez agiles pour aller sur un autre marché qui est plus porteur, et notamment celui de la rénovation, qui est un peu plus dynamique », précise-t-il.
En revanche, les deux experts déplorent le contexte d’instabilité politique, qui – couplé aux élections municipales prévues en mars 2026 – risque de freiner certains projets.
En effet, ce contexte d’incertitude peut à la fois freiner les investissements des ménages, mais aussi des entreprises.
« On sait que ce type de secteurs d’activité n’aiment pas trop ce qui met le doute dans l’esprit des gens », abonde Jean-Pierre Mathé, citant notamment les rebondissements autour de MaPrimeRénov’.
Les difficultés de recrutement, un frein persistant
Autre frein : les difficultés de recrutement. En effet, 62 % des entreprises du secteur déclarent avoir du mal à trouver des candidats.
Pourtant, Jean-Pierre Mathé rappelle que de nombreuses actions sont mises en place pour renforcer l’attractivité de la filière et adapter les formations.
« Il y a un travail de fond à faire pour motiver les jeunes à s’orienter vers les métiers de la filière, et en particulier ceux de la construction et de la charpente. En plus, c’est quasiment garanti d’avoir un travail derrière et une rémunération très correcte », souligne le prescripteur bois.
Propos recueillis par Claire Lemonnier