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Les copropriétés sont-elles prêtes à relever le défi de la rénovation énergétique ?

Publié le 26 septembre 2023

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La plupart des copropriétés ne semblent pas être encore prêtes à franchir le cap de la rénovation énergétique. Bien que nombre d'entre elles devront y faire face, les copropriétaires, en particulier les bailleurs, sont désireux de respecter leurs obligations, mais de nombreux obstacles persistent encore.
Les copropriétés sont-elles prêtes à relever le défi de la rénovation énergétique ? - Batiweb

Selon une étude Ifop réalisée en septembre 2022, pour Île-de-France Energie, seul un copropriétaire sur dix envisage des travaux de rénovation énergétique au cours des deux prochaines années

Actuellement, 30 % des logements sont en copropriété, cela représente dix millions d'appartements et un million de passoires thermiques, « dont 50 % ont besoin de travaux majeurs », a relevé Yannick Ainouche, président de la CDI Fnaim, à l'occasion du forum Renodays. Malgré les risques que cela représente pour la location de ces logements, les travaux de rénovation ne semblent pas être une priorité pour tous les propriétaires bailleurs.

Pourtant, depuis le 1er janvier 2023, « toutes les copropriétés sont tenues de se conformer à la loi Climat et Résilience qui leur impose de réaliser un diagnostic de performances énergétiques (DPE) voté en assemblée générale, et d'élaborer un plan pluriannuel de travaux (PPT) », rappelle le président de la CDI Fnaim. Toutefois, la stratégie à adopter pour les travaux de rénovation diffère d’un logement à un autre. « C’est pourquoi il faut systématiquement réaliser un audit énergétique », poursuit-il. 

« Cela donne des informations extrêmement précises qui servent à pousser le PPT. C’est une photographie qui met en exergue les dysfonctionnements, et donc qui évite les gestes inutiles. Parfois, changer les fenêtres ou le chauffage ne sert à rien. Il vaut mieux dépenser 10 000 € d’études dans un audit énergétique qui permet d'identifier avec précision les travaux de rénovation énergétique les plus urgents, et ceux qui peuvent garantir un gain d'énergie élevé », commente Yannick Ainouche.

 

Des défis économiques, mais pas que 

 

Mais alors quelles sont les raisons de la réticence des copropriétaires envers la rénovation énergétique ? Si les syndics ne jouent peut-être pas complètement leur rôle - seulement un tiers des copropriétaires ont été sensibilisés à la rénovation globale par le syndic de leur immeuble, selon l’étude Ifop - le principal obstacle réside ailleurs : il s'agit du coût de la rénovation

« Quand on vous dit que vos travaux vont vous coûter 30 000 € pour rénover votre appartement, ça peut faire peur. Puis, les propriétaires ne voient que les 30 000 €, ils ne voient pas les 10 000 € d'aides, les économies d'énergie faites mensuellement et la valorisation de leur appartement à terme », réagit Chloé Gauquelin, directrice du programme Rénovons Collectif.

La secrétaire générale du Symbiote, Sylvie Charbonnier, prend quant à elle l’exemple de sa copropriété, dans laquelle elle a essayé de faire voter, pendant près de 15 ans, des travaux de rénovation énergétique. « On a mis 15 ans à changer les canalisations en plomb dans la copropriété que j’avais à charge, alors qu'on avait quatre sinistres par an, c'est-à-dire quatre fois des fuites qui baignaient à chaque fois dans trois appartements ». Le problème : « Personne ne veut s’engager dans des travaux aussi conséquents. Très peu veulent ou peuvent engager près de 40 000 € de travaux », souligne-t-elle. 

Un défi encore plus présent dans le secteur du logement social : « C'est encore plus difficile car ce sont, pour la plupart, des foyers précaires avec une copropriété qui a déjà beaucoup d'impayés, et/ ou une gestion de copropriété avec plusieurs crédits sur le dos. Mais ce qui me frappe le plus, c’est surtout la réticence des gens à laisser entrer des artisans chez eux lorsque des travaux de rénovation sont sur le point d'être engagés. Certaines entreprises ont déjà dû intervenir avec la police par peur de se faire voler ou braquer », indique Sylvie Charbonnier.

Au-delà du financement, la secrétaire générale du symbiote souligne une autre difficulté : celle de la décoration. « Dans ma copropriété, plusieurs propriétaires ne voulaient pas que l’on touche à leur décoration, ou que l’on change les tuyaux de place car il y avait de la peinture. Tout ça, mis bout à bout, fait que la plupart des propriétaires-bailleurs sont réticents à tout travaux fait chez eux ». 

 

Un processus de décison encore trop complexe

 

La rénovation en copropriété est complexe en raison des nombreux propriétaires impliqués. Les assemblées générales (AG) annuelles sont l'occasion de prendre des décisions importantes, mais le processus peut s'étaler sur plusieurs années, ce qui décourage certains propriétaires. « Vous avez une première AG où vous votez un audit, puis l'année d'après vous votez avec l'architecte, le bureau d'études et la maîtrise d'œuvre, puis l'année d'après vous votez des travaux qui ont enfin lieu. Donc au total ça fait 3 ans si vous êtes dans le cas le plus rapide, mais on sait que dans les faits c'est plus compliqué entre le moment où l’on y pense et le moment où l’on vote réellement l'audit », expose Chloé Gauquelin.

« Si le vote de la majorité qualifiée n'a pas été fait, il faut refaire les votes à la majorité des présents et vous avez toujours un ou deux copropriétaires qui détiennent plus de parc que les autres et qui font du forçage parce qu'ils veulent revendre en l'état ou parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le fait de mettre de l'isolation, ou tout simplement avec l'idée de changer les choses », analyse Sylvie Charbonnier. 

Pour la directrice du programme Rénovons Collectif, l’idéal serait qu’il y ait « un groupe de copropriétaires qui se manifeste bien plus larges que le conseil syndical, et qu’il y ait régulièrement des réunions d'information qui soient organisés en dehors des AG, car les AG c'est le moment où l’on prend des décisions et où l’on vote, pas le moment où l’on débat ». 

Et « cela devrait relever d’une seule et même gestionpour pouvoir d'une part avoir un audit énergétique, des prescriptions complètes, faire des appels d'offres aux entreprises qui concernent tout le monde, et d'autre part s'assurer que tous les copropriétaires laisseront leurs portes ouvertes pour engager les travaux », selon la secrétaire générale du Symbiote. Toutefois, le régime des votes actuel exclut cette possibilité. « La seule chose qui pourrait être faite, c'est d'engager des obligations de rénovation des copropriétés, pour les parties collectives et privatives, à terme de 2028-2030, comme c’est déjà le cas pour la ville de Paris », poursuit-elle. 

La solution à long terme pourrait donc être d'imposer des obligations de rénovation pour les copropriétés, à l'instar de l'obligation de ravalement tous les dix ans à Paris. Des subventions avant 2030 pourraient également stimuler les rénovations. Par exemple, « il faudrait que l’éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ) puisse être attribué à la copropriété avec le montant des parties privatives dedans », indique Mme Charbonnier, qui met également en avant l’idée de généraliser le prêt avance rénovation, aujourd’hui destiné aux foyers les plus précaires.

« Il faut l'étendre à tout le monde. Il n’y a pas de raison qu'on ne puisse pas le faire aujourd'hui dans la mesure où c'est une avance remboursable sur le bien », insiste-t-elle. En effet, son remboursement s’effectue in fine, c'est-à-dire en une seule fois, lors de la mutation du bien, qui peut se produire soit à l’occasion de la revente du bien, soit lors de la succession.

 

La formation, un pilier clé de la rénovation énergétique 

 

Pour surmonter ces obstacles et convaincre les copropriétaires d'opter pour la rénovation, Chloé Gauquelin suggère ainsi des actions de sensibilisation et de formation auprès des différents acteurs.

« Le plus important c'est déjà de se faire accompagner par son espace conseil France Rénov', se faire accompagner par une assistance à maîtrise d'ouvrage qui va prendre le temps de faire des réunions d'information et d'expliquer individuellement combien cela va coûter à chacun, combien chacun a le droit comme aide, combien chacun va pouvoir emprunter à la banque, pour se rendre compte qu'à la fin mensuellement, c'est pas si énorme. C’est beaucoup de pédagogie et savoir s'entourer des bons acteurs pour bien se faire accompagner », confie-t-elle. 

En plus de ces actions d’information, le programme Rénovons Collectif a lancé sa formation en ligne, intitulée « Mon créneau Copro ». Avec environ 1 000 participants par session, ces formations permettent aux participants d'acquérir des compétences allant de la planification de projets à la communication entre propriétaires

« L’idée c'est de faire connaître les étapes de rénovation énergétique de A à Z pour savoir mener un projet de rénovation en copropriété. On a également mis en place des formations en présentiel dédiées aux syndics, avec neuf modules qui sont déployés par quatre écoles de formation partout en France », explique la directrice du programme Rénovons Collectif.  

Cette formation, qui dure entre un et trois jours selon les modules, permet aux syndics de piocher dans ce qu'ils ont besoin de savoir : sur un projet de travaux spécifique, comme l’isolation de murs ou le changement de ventilation, sur une formation générale sur comment mener un projet, ou simplement pour gérer un projet plus facilement. 

Un sentiment de vouloir en apprendre plus que la directrice du programme a ressenti sur la tournée Rénovons Collectif, qui a pour ambition de sensibiliser les copropriétés à la rénovation énergétique globale. 

« Ça fonctionne vraiment », se réjouit-elle. « On a des formats un peu différents selon les collectivités, mais globalement ça fonctionne très bien parce que c'est un dispositif où on peut à la fois aller s'informer, obtenir un retour d'expérience sur une copropriété rénovée, rencontrer un conseiller France Rénov', et/ou des syndics qui interviennent sur le sujet. Un copropriétaire qui vient en ne connaissant rien au sujet de la rénovation énergétique en ressort en sachant comment s'y prendre », conclut Chloé Gauquelin. 

 

Propos recueillis par Marie Gérald 

Photo de une : ©Adobe Stock

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