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Programme AMBRE : accélérer le réemploi dans le bâtiment

Publié le 10 octobre 2025
Mis à jour le 10 octobre 2025 à 11h35

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Programme AMBRE : la filière du bâtiment s’organise pour massifier le réemploi
©Adobe Stock
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Lancé le 7 octobre 2025 au salon Renodays, le programme AMBRE — pour Agir et Mobiliser pour Bâtir et Rénover avec le Réemploi — marque une nouvelle étape pour la filière du bâtiment.

Coordonné par l’Agence Qualité Construction (AQC), ce plan d’action sur quatre ans fédère les principaux acteurs professionnels : la CAPEB, la FFB, l’Union sociale pour l’habitat (USH) et plusieurs partenaires institutionnels.

Objectif : passer du discours à la pratique et rendre le réemploi des produits et matériaux de construction enfin accessible à grande échelle.

Une mobilisation collective inédite

Présenté au salon Renodays à Paris, AMBRE se veut une réponse concrète à un constat partagé : malgré un fort intérêt pour l’économie circulaire, le réemploi reste marginal dans le secteur du bâtiment.

En France, il représente moins de 1 % des matériaux réutilisés sur les chantiers, selon l’ADEME. Les freins sont connus : manque de filières structurées, incertitudes assurantielles, contraintes techniques et absence de cadre standardisé.

Pour Nicolas Prudhomme, directeur général de l’AQC, « AMBRE a pour ambition de faire tomber ces barrières, en outillant et en accompagnant les professionnels vers des pratiques fiables, reproductibles et assurables. »

Fiabiliser, former et capitaliser

Le programme repose sur quatre axes principaux :

  1. Fiabiliser les pratiques : élaborer des protocoles techniques et des retours d’expérience pour sécuriser le réemploi.
  2. Former les professionnels : sensibiliser artisans, maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage à la mise en œuvre concrète des matériaux de seconde vie.
  3. Capitaliser sur les initiatives existantes : collecter et diffuser les enseignements tirés des démarches déjà menées (comme le Booster du Réemploi ou le projet SPIROU du CSTB).
  4. Faciliter l’acceptation assurantielle : créer des outils de traçabilité et de qualification pour rendre le réemploi compatible avec les garanties décennales et dommages-ouvrage.

Une ambition : massifier le réemploi

AMBRE veut franchir un cap : passer d’expérimentations isolées à une mise en œuvre massive dans tous les segments de la construction — rénovation, logement social, tertiaire, équipements publics.

Le programme prévoit la publication de guides techniques, la création d’un observatoire national du réemploi, et le lancement de projets pilotes sur plusieurs territoires.

L’idée n’est pas seulement de recycler, mais de réemployer directement les composants : portes, cloisons, menuiseries, équipements techniques, dalles, planchers

Une approche à fort potentiel pour réduire les déchets — le bâtiment en produit chaque année plus de 46 millions de tonnes, soit près des trois quarts des déchets français — et limiter les émissions carbone liées à la fabrication de matériaux neufs.

Des défis techniques et assurantiels majeurs

Malgré son ambition, AMBRE devra résoudre plusieurs verrous persistants :

  • Traçabilité : comment garantir les performances d’un produit ayant déjà servi ?
  • Normes et responsabilités : quelle couverture juridique pour les assureurs et maîtres d’œuvre ?
  • Logistique : collecte, stockage et revente nécessitent une infrastructure aujourd’hui inégale selon les territoires.
  • Modèle économique : les plateformes de réemploi peinent encore à atteindre la rentabilité, faute de volumes suffisants.

Pour Patrick Liébus, président d’honneur de la CAPEB, « l’enjeu est de donner confiance aux artisans : qu’ils puissent proposer du réemploi à leurs clients en toute sécurité, avec des garanties identiques à celles du neuf. »

Un cadre réglementaire qui évolue

Le programme s’inscrit dans un environnement législatif en mutation.

La loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) et la filière REP PMCB (Responsabilité Élargie du Producteur pour les Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment) imposent désormais des obligations de tri et de valorisation des déchets.

De nouveaux diagnostics — Produits, Équipements, Matériaux, Déchets (PEMD) — précèdent désormais les travaux de déconstruction.

AMBRE vient compléter ces dispositifs, en leur donnant un bras opérationnel tourné vers la formation et la mise en œuvre.

Premiers chantiers pilotes dès 2026

Dès 2026, plusieurs sites pilotes devraient être identifiés pour tester les outils du programme :

  • logements sociaux,
  • bâtiments publics,
  • chantiers d’entretien et de rénovation.

Ces retours terrain permettront de valider les protocoles techniques et les fiches pratiques avant un déploiement national.

Une filière en mutation

Pour les acteurs impliqués, AMBRE représente un tournant stratégique.
Le réemploi ne se limite plus à un geste écologique, il devient un levier économique et industriel.

En favorisant la création de filières locales de collecte et de valorisation, il ouvre la voie à de nouveaux métiers et circuits courts.

« Nous voulons prouver que le réemploi n’est pas une contrainte, mais une opportunité pour le bâtiment français, à la fois écologique, économique et sociale », résume l’AQC dans son communiqué.

Avec AMBRE, la filière construction s’équipe enfin d’un programme fédérateur, soutenu par les principales organisations professionnelles.
Reste à voir si cette mobilisation parviendra à lever les freins techniques et culturels qui freinent encore le passage à l’échelle.

Mais une chose est sûre : le réemploi est désormais inscrit à l’agenda du BTP — et AMBRE pourrait bien en être le déclencheur.
 

Par Camille Decambu

 

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