Vers une démocratisation des thermostats connectés

En 2022, avec le début de la guerre en Ukraine, la question des approvisionnements en gaz et les mesures de sobriété énergétique promues par le gouvernement français, les projecteurs ont été mis sur les thermostats connectés pour aider les ménages à réaliser des économies de chauffage.
« Il y a eu un vrai pic d’activité pour les thermostats connectés » à cette période, se remémore Benoît Caudy, responsable marketing produits chez Netatmo (groupe Legrand).
C’est dans ce contexte que le gouvernement a publié, en juin 2023, un décret rendant obligatoires les thermostats programmables, dans toutes les pièces des logements existants à compter du 1er janvier 2027.
Un coup de pouce éphémère en raison de fraudes
Pour inciter les ménages à s’équiper au plus tôt, un « coup de pouce thermostat » avait été mis en place en décembre 2023.
Mais moins d’un an après son lancement, en novembre 2024, ce coup de pouce était stoppé en raison de fraudes.
Anne-Sophie Perrissin-Fabert, déléguée générale de l’Alliance des industriels des solutions électriques et numériques du bâtiment (IGNES) – qui regroupe une soixantaine d’acteurs du secteur – précise que cela a d’abord été présenté comme une « suspension » par le gouvernement, et non comme un « arrêt » : « Normalement, le coup de pouce devait redémarrer, mais pour l’instant il n’a toujours pas redémarré ». « Ce qui est certain, c’est que ces "stop and go" perturbent le marché », regrette-t-elle.
« On était censés travailler ensemble pour trouver les moyens de renforcer les éléments de sécurité et d’assurance pour éviter les fraudes. C’est le travail qui a été fait, ce qui a donné lieu à la nouvelle fiche qui est sortie le 10 juin, mais elle n’a pas été bonifiée par un coup de pouce », déplore la déléguée générale d’IGNES.
Également interrogés sur cet arrêt et sur les fraudes, les fabricants de thermostats Delta Dore et Netatmo estiment que ce coup de pouce a surtout bénéficié à des acteurs asiatiques, et reconnaissent que certains ont pu profiter du système.
« Le défi, c’est que certains fabricants ont importé en grande quantité des têtes thermostatiques provenant de l’étranger, parfois sans contrôle qualité suffisant. Cela a pu entraîner des irrégularités dans la revente », estime Benoît Caudy (Netatmo).
« On nous a rapporté des informations comme quoi il y avait des fraudes sur le terrain, mais on ne les a pas constatées par nous-mêmes. En revanche, comme tout le monde, on regarde ce qui se passe sur les réseaux sociaux et on a vu remonter un certain nombre de plaintes de clients particuliers qui s'estimaient avoir été lésés », commente de son côté Christophe Guyard, directeur marketing stratégique chez Delta Dore.
« Pour avoir participé aux réunions où on nous annonçait l’arrêt du coup de pouce, je pense qu'ils avaient des éléments sérieux entre les mains », ajoute-t-il.
Mais quel a été l’impact de l’arrêt de ce coup de pouce sur l’activité ? Selon Christophe Guyard (Delta Dore), les ventes de thermostats connectés sont restées « plutôt stables ». Côté Netatmo, l’impact a également été modéré, notamment en raison de l’orientation de la marque vers le B2C.
« Après, il y a quand le même le contexte économique aussi, dans lequel les ménages préfèrent acheter de quoi manger plutôt que des solutions connectées », rappelle Benoît Caudy.
Des équipements qui permettent de réaliser des économies d’énergie
Les avantage d’un thermostat connecté par rapport à une solution non connectée ? La possibilité pour l’utilisateur de programmer et définir à l’avance les températures en fonction des heures de la journée, mais aussi piloter le chauffage à distance, et pouvoir suivre ses consommations.
Pour rappel, le prix moyen d’un thermostat connecté se situe entre 150 et 250 euros. « Après, on ajoute des têtes thermostatiques, les vannes qui vont se mettre sur chaque radiateur, donc cela dépend du nombre de pièces et de radiateurs. Une tête thermostatique connectée, on va en trouver entre 50 et 100 euros, selon le fabricant et le modèle », précise Benoît Caudy.
« Nous avons mené une étude auprès d’utilisateurs et ils nous disent qu’ils réalisent en moyenne jusqu’à 250 euros d’économies par an. Donc on voit vite le retour sur investissement de ces solutions, parce que finalement, en moins d’un an, l’achat est rentabilisé par les économies réalisées », ajoute-t-il.
D’après l’Ademe, les thermostats connectés permettraient de réaliser en moyenne 15 % d’économies de chauffage. Toutefois, selon Anne-Sophie Perrissin-Fabert, ce pourcentage pourrait être revu à la hausse.
« Pour nous, le 15 %, c’est un pourcentage un peu obsolète, et on va bientôt mettre en avant un nouveau chiffre, puisqu’on a réalisé une étude avec le CSTB, dont on dévoilera les résultats début octobre », annonce la déléguée générale d’IGNES.
« Si on prend en compte d’autres paramètres comme les protections solaires, les brasseurs d'air, ou la température du ballon d'eau chaude, on peut faire plus d’économies. Ce qu’il faut retenir, c’est que dans certains cas, on va bien au-delà des 15 %», ajoute-t-elle.
Concernant ces économies d’énergie, Delta Dore estime de son côté qu’elles peuvent atteindre jusqu’à 30 % si toute la domotique est optimisée.
« Pour obtenir un maximum d’économies d'énergie dans un logement, il est important de coupler les économies d'énergie réalisées sur le chauffage avec les autres usages qu'il y a dans la maison. Je pense notamment aux volets roulants, qui ont un effet très important sur la consommation d'énergie et qui permettent dans certains cas de pratiquement doubler les économies d'énergie grâce à un pilotage automatisé. Et ceci en améliorant le confort d’été », souligne Christophe Guyard.
Un point sur lequel ne peut qu’abonder Benoît Caudy (Netatmo) : « Nous avons une station météo qui va pouvoir prendre les conditions extérieures et créer des automatismes avec les volets. Donc typiquement, l'été, on va pouvoir garder la fraîcheur dans le logement. L’hiver, on va aussi pouvoir paramétrer l’ouverture des volets dès lors que telle ou telle température extérieure est atteinte pour faire entrer la lumière naturelle et permettre de chauffer le logement ».
Proposer des solutions intégrées dans un écosystème smart home
Le défi des fabricants de thermostats connectés ? Proposer des systèmes qui se pilotent à partir d’une même box et d’une même application pour tous les équipements, notamment pour répondre aux attentes des utilisateurs les plus « technophiles ».
« La principale évolution sur les thermostats connectés, c'est de passer du thermostat connecté à un système de pilotage global. C'est-à-dire de rentrer dans un écosystème plus large qui va me permettre de piloter, certes, son chauffage, mais aussi ses lumières, ses volets roulants, son véhicule électrique, etc. pour avoir des synergies qui vont permettre de faire encore plus d'économies », explique Anne-Sophie Perrissin-Fabert.
C’est déjà le cas pour Delta Dore, avec sa box domotique « Tydom » : « Nous avons cette force de disposer d’une offre multi-métiers couvrant largement les usages de la maison connectée. Notre écosystème Tydom permet de piloter à la voix ou via notre appli non seulement le chauffage mais aussi les volets roulants, les alarmes, les automatismes, les luminaires pour maximiser ses économies d’énergie », nous précise David Mendes, chef de produits régulation thermique chez Delta Dore, également en charge de développer des solutions d’interopérabilité avec des fabricants.
La marque Netatmo, elle, travaille sur « l’intégration écosystème smart home pour faire du lien entre les différents produits ». « On va pouvoir regrouper son chauffage, sa météo, son éclairages, ses prises - notamment avec les solutions Legrand intégrées dedans puisqu’on fait partie du groupe. Nous avons aussi les compatibilités avec les assistants vocaux, donc Alexa, Google Home et Apple Home », détaille Benoît Caudy.
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Propos recueillis par Claire Lemonnier