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L’innovation et l’industrialisation, deux leviers pour massifier la rénovation

Publié le 13 octobre 2025
Mis à jour le 13 octobre 2025 à 17h20

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À l’occasion du salon Renodays, Christian de Nacquard (Bouygues Construction) et Kévin Cardona (Léonard, groupe Vinci) ont débattu des leviers pour accélérer la rénovation des bâtiments : innovation, industrialisation et nouveaux modèles économiques. Les signes qu’une transformation profonde du secteur est en marche.
©J.M.
©J.M.

« Construire en neuf, c’est simple. On part d’une feuille blanche », résume Christian de Nacquard, directeur de l’innovation chez Bouygues Construction. Pour la rénovation, c'est une tout autre histoire : confrontée à l’existant, elle implique de composer avec les imprévus structurels, les contraintes techniques et l’hétérogénéité du bâti. Chaque opération devient un cas unique.

Dans le Nord, Bouygues a par exemple dû scanner individuellement chaque maison d’un ensemble de logements sociaux : « On pensait que c’était du copier-coller, mais chaque bâtiment avait ses spécificités », explique le directeur. Le scan 3D et la maquette numérique (BIM) s’imposent ainsi comme des outils clés pour fiabiliser les diagnostics et préparer les chantiers. Leur automatisation pourrait à terme permettre de gagner un temps précieux dans la phase d’étude.

« Le diagnostic, c’est le nerf de la guerre. Il faut savoir de quoi est fait le bâtiment avant d’intervenir », insiste Kévin Cardona, directeur de l’innovation entrepreneuriale chez Léonard, la plateforme d’innovation du groupe Vinci. L’innovation numérique joue ici un rôle déterminant.

Diverses start-ups développent des solutions mêlant drones, vision par ordinateur et intelligence artificielle pour détecter les déperditions thermiques, cartographier les défauts de façade ou encore inventorier les matériaux présents dans un bâtiment. Ces technologies permettent non seulement de mieux comprendre l’existant, mais aussi de créer les bases d’un futur marché du réemploi.

Industrialiser sans dénaturer le savoir-faire

 

Pour massifier la rénovation, les deux intervenants en sont convaincus : l’industrialisation est incontournable. « Il faut passer de l’artisanat de la construction à une véritable industrie du bâtiment », avance Christian de Nacquard. Bouygues expérimente ainsi le hors-site, notamment à travers des solutions semi-industrialisées d’isolation par l’extérieur. « Cela nous permet d’aller plus vite, avec une meilleure qualité finale, sans augmenter les coûts », explique-t-il.

Mais cette industrialisation doit rester pragmatique. Kévin Cardona rappelle que « le rêve du tout hors-site a coûté des milliards à des entreprises comme Katerra ». Le modèle d’usines centralisées ne fonctionne pas dans un secteur aux marges faibles et aux chantiers éclatés.

« L’enjeu n’est pas de tout produire en usine, mais d’industrialiser le geste », précise-t-il. Autrement dit, digitaliser le savoir-faire des artisans et concevoir des processus répétables, mais adaptables à la diversité architecturale française. « L’industrialisation ne doit pas se voir », résume M. Cardona, plaidant pour une approche invisible mais efficace.

Innover, former, transformer

 

Au-delà de la technologie, la réussite de cette mutation repose sur l’humain. Pour accélérer le passage de l’idée au terrain, Bouygues a créé Scale One, un atelier grandeur nature où les innovations sont testées en conditions réelles avec l’ensemble des acteurs du chantier, que ce soit les architectes, les bureaux de contrôle ou encore les organismes de certification. « Entre la conception d’une innovation et son application réelle, il peut se passer plusieurs années. On n’a plus ce temps-là », alerte Christian de Nacquard.

De son côté, Vinci mise sur Léonard, sa plateforme d’innovation, pour accompagner les start-ups et former les collaborateurs. Le Seed Program aide les jeunes à structurer leur offre et leur stratégie de marché, tandis que le Catalyst Program soutient les entreprises plus matures afin de massifier l’usage de leurs solutions. Des initiatives comme La Solive, dédiée à la reconversion aux métiers de la rénovation, ou Arsenio, centrée sur la formation au jumeau numérique, visent à embarquer tout l’écosystème, des grands groupes jusqu’aux TPE.

Repenser le modèle économique de la rénovation

 

Si les technologies et les compétences évoluent, le modèle économique de la rénovation reste à inventer. « Pour massifier, il faut d’abord innover sur le modèle économique », affirme Kévin Cardona. Il cite l’exemple de Newable, qui a imaginé un système de loyer énergétique : les économies d’énergie réalisées servent à rémunérer l’investisseur, alignant ainsi les intérêts du propriétaire et du locataire.

Pour Christian de Nacquard, c’est l’absence d’un guichet unique qui freine aujourd’hui le marché : « Il manque une entité capable de piloter l’ensemble (financement, technique, exploitation, juridique). Même les ménages aisés hésitent à se lancer, non pas par manque de moyens, mais par manque de clarté ».

L’enjeu est donc global : transformer les outils, les compétences et les modèles pour faire de la rénovation un levier industriel, durable et attractif. Une révolution en cours, que les grands groupes veulent désormais partager avec tout l’écosystème du bâtiment.

 

Par Jérémy Leduc

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