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Rénovation énergétique : comment faciliter les démarches des professionnels ?

Publié le 26 septembre 2023

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Si les aides à la rénovation énergétique sont en hausse, les pouvoirs publics et organisations professionnelles se confrontent à un autre défi : les démarches administratives associées. Comment et quelles solutions pour les simplifier, notamment auprès des entreprises du bâtiment ? Éléments de réponses.
Rénovation énergétique : comment faciliter les démarches des professionnels ? - Batiweb

La rénovation énergétique en France soulève moult défis, vis-à-vis du client final comme des professionnels du bâtiment. En premier lieu : le financement

« On a des attentes énormes sur les ambitions du gouvernement. Elles ont été exprimées sur MaPrimeRénov’ avec les 1,6 milliard d’euros de budget en plus », nous déclarait Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb), lors d’un échange sur le salon Renodays.

Mais avec les aides à la rénovation énergétique - en particulier MaPrimeRénov’ - viennent les démarches administratives, encore trop complexes, chronophages et irrégulières, selon un rapport diffusé par OSCAR. Pour rappel, le programme, dont le conseil d’administration réunit divers acteurs syndicaux (Capeb, FFB, FDMC, Coédis) comme gouvernementaux (DGEC, DHUP, Anah, Ademe), tend à vulgariser ces dispositifs auprès des professionnels

« C’est vrai que le sujet de la rénovation en ce moment, comme le neuf, n’est pas simple. Il y a beaucoup de modifications réglementaires, il y a beaucoup de mouvements. Cela impacte les entreprises artisanales, forcément », reconnaît Aristide Belli, pilote du programme CEE OSCAR. 
 
« Les entreprises artisanales sont un petit peu dépassées et peuvent parfois se détourner des dispositifs. Et cela, c’est dangereux, parce qu’on a une réglementation thermique dans le neuf, une dans l’existant, qui donnent un certain niveau de performance. Et les aides CEE, comme MaPrimeRénov’, vont au-delà de la réglementation. Donc ça veut dire que, quand on veut atteindre un objectif ambitieux de rénovation de parc, si on se cantonne à respecter la réglementation, et bien on n'y arrivera pas », abonde-t-il.  

Mais comment simplifier, voire régulariser, pour les professionnels, les démarches administratives associées aux aides à la rénovation énergétique ?

 

Mieux uniformiser les procédures

 

À en croire nos experts interrogés, revoir les procédures serait nécessaire. La Capeb n’a pas manqué d’exposer quelques propositions en ce sens, parmi les 15 propositions soumises au gouvernement en mai, visant à relancer l’artisanat du bâtiment

« Il faudrait qu'on simplifie définitivement les CEE et MaPrimeRénov’, pour avoir un seul référentiel », insiste notamment Jean-Christophe Repon. Référentiel unique pour mieux aiguiller les chantiers réalisés au titre du label reconnu garant de l’environnement (RGE), que l’entreprise doit avoir pour réaliser des travaux éligibles à l’aide MaPrimeRénov' comme aux dispositifs CEE. L’idée est entre autres de recentrer les contrôles après chantier, et pour une meilleure vérification de la qualité des travaux de rénovation énergétique.

Une manière de « systématiser le contrôle chantier par chantier », qui n’est pas encore généralisé sur tous les chantiers bénéficiant des aides, appuie le président de la Capeb. La confédération réclame d’ailleurs au gouvernement d’ « exiger un référent RGE par tranche de 10 salariés » dans l’entreprise, et de « mettre en oeuvre un taux de contrôles RGE proportionnel au nombre de chantiers réalisés par une entreprise ».

À cela s’ajoute la proposition de désigner aléatoirement les chantiers contrôlés « à partir d'un fichier unique recensant l'ensemble des chantiers de rénovation énergétique (RGE, MaPrimeRénov' et CEE) ». Voire de « renforcer les contrôles préventifs » pour les sociétés commerciales, non-RGE, sans compétences, réalisant des travaux à la pelle, et soupçonnées d’opportunisme. Raison pour laquelle la Capeb suggère également d’interdire aux entreprises non-RGE de sous-traiter la totalité de leurs travaux à des entreprises RGE.

Il faut dire que la fiabilité du label RGE est au cœur des débats de la rénovation énergétique, exposée à de multiples fraudes.
 
« Il y a des entreprises qui sont structurées pour faire des aides un outil uniquement commercial et ça peut vite être dangereux », observe également Aristide Belli, du programme OSCAR. Et ce, malgré les durcissements réglementaires, auxquels «  certains s'adaptent malheureusement. Mais en tout cas, le rôle de tous les acteurs, au-delà de communiquer un maximum, est surtout de mettre en place des garde-fous». 
 
« Le fait, sur la rénovation globale, qu’il y ait un bureau d'études qualifié qui passe en amont des travaux, qu’un bureau de contrôle vérifie les données, et qu’après travaux, il y ait une nouvelle intervention d’un bureau de contrôle, limite les risques. Le fait d'avoir une obligation d'être accompagné dans le cadre d'une rénovation globale va aussi limiter le risque, parce que vous avez un tiers de confiance qui accompagne le ménage. C’est comme un architecte, pour la coordination entre les entreprises de travaux : il y a moins de risque d’erreur quand il y a un architecte que quand il n’y en a pas », souligne-t-il.  

Le pilote CEE d’OSCAR admet néanmoins que des améliorations restent à faire. « Du point de vue de l’administration, gérer tous ces dispositifs peut être compliqué, sachant que cela intègre des sujets qui concernent la DGEC, d’autres la DHUP, ou encore l’Ademe et l’Anah. Par conséquent, il faut former les acteurs. À notre niveau, nous essayons de remonter des sujets de simplification », explique l’intéressé.

 

Former des interlocuteurs uniques

 

Et la simplification des démarches autour des aides à la rénovation énergétique passerait également par des interlocuteurs uniques, qu’OSCAR forme actuellement : les Référents Aide à la Rénovation (RAR).  
 
« Il y a deux types d'entreprises qui font de la rénovation énergétique. On a l’entreprise qui est structurée avec des commerciaux et chefs d'équipe, qui est organisée pour faire des offres commerciales. Elles n’ont presque pas besoin d'être accompagnées. En revanche, l'entreprise qui a pignon sur rue depuis trois générations, que ce soit dans les villes mais aussi dans les campagnes, n’a pas le temps de s'occuper de ça. Et leur interlocuteur de tous les jours, c'est leur négociant, c'est leur commercial, leur Capeb ou leur FFB », expose Aristide Belli.  
 
Ces acteurs sont 3 507 à être inscrits aux MOOC lancés par OSCAR pour former les RAR. Si le rôle d’intermédiaire semble évident chez les organisations professionnelles d’entreprises, il est aussi bien intégré chez les distributeurs. Ce n’est donc pas pour rien qu’une telle formation leur soit destinée. «  Des formations en interne existent. Mais ils n’avaient pas de formation dédiée, avec un coup de tampon à la fin, pour s’assurer d’être toujours à jour des évolutions  », explique le pilote du programme OSCAR.  
 
D’autant qu’« un négoce qui gère bien les évolutions réglementaires, qui arrive à bien renseigner ses clients, conserve ses clients. Et puis, il a aussi un plan de vente qui est adapté à la demande des entreprises. S’ils vendent des produits qui ne sont pas, ou ne sont plus éligibles, c’est un problème », ajoute-t-il.  

Un autre interlocuteur est nécessaire : le mandataire commun, lorsque des groupements momentanés d’entreprises (GME) sont formés pour des travaux de rénovation, en particulier pour des parcours globaux. Il s’agit d’un professionnel désigné parmi les entreprises sollicitées, qui cotraite comme les autres, mais accomplit des « missions supplémentaires en termes de transmission d’informations et de documents, et de coordination des cotraitants sur le chantier », comme le rappelle la Capeb dans une proposition de loi sur le sujet, transmise au gouvernement le 25 janvier dernier. 

Le texte propose une modification de texte dans le Code de la construction, de manière à éviter que « le mandataire commun se trouve confronté au risque réel d’être appelé en responsabilité en cas de défaillance d’un des cotraitants du GME ». Cette modification conforterait ainsi le développement des GME. Ce qui permettrait « à l'ensemble des entreprises artisanales d'accéder à ce marché », et des chantiers complexes à gérer par une petite entreprise spécialisée.

 

Le digital, le support idéal pour de telles démarches ? 

 

Une autre voie est également envisagée pour simplifier les démarches administratives des professionnels engagés dans la rénovation énergétique : le digital. 

Une voie plus qu’empruntée par OSCAR. En témoigne la salve d’outils développés, ou en cours de développement, dans le cadre du programme.

Durant l’été 2023, des professionnels ont pu tester un annuaire recensant l’ensemble des aides à la rénovation énergétique, y compris locales, auxquelles les entreprises du bâtiment sont éligibles dans leur secteur.

« On a également lancé un chatbot, qui sera disponible à l'automne. Parce que quand on se pose des questions sur les sites, on a des informations un peu partout et ce n’est jamais compilé. Il n’y a pas de structure dédiée, mise à part les délégataires ou les structures qui accompagnent les entreprises artisanales », ajoute Aristide Belli.  

Autre projet en cours d’élaboration et prévu également à l’automne : « une base de données matériels/matériaux éligibles aux CEE ». « Sur les CEE, il y a beaucoup de critères qui déterminent l’éligibilité du projet. Et quand un bureau de contrôle ou un opérateur de dossiers CEE ne connaît pas le produit, il refuse la conformité parce qu’il y a un risque », indique l’expert CEE d’OSCAR.

« L’entreprise doit ensuite expliquer à son client pourquoi les aides ne seront pas versées, ou doit trouver les documentations du produit. C’est le cas par exemple pour les isolants biosourcés, pour lesquels cela devient parfois assez complexe de retrouver toute la traçabilité des certifications. Le but de cette base de données, c'est de simplifier, en open source. C’est-à-dire que les bureaux de contrôle, le Pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE) et les délégataires puissent vérifier les données en téléchargeant la notice technique du produit, gratuitement », poursuit-il.

Plus spécifiquement pour les entreprises du bâtiment, desfiches seront déployées pour expliquer les différents points de contrôle surveillés dans le cadre de l’attribution des CEE : le dimensionnement de la pompe à chaleur, le dimensionnement de la chaudière bois, le type de position de l'isolation, etc. Points de contrôle soumis à des normes de performance thermique, de résistance au feu ou gaz. « C’est très compliqué pour l’entreprise de le comprendre ou de l'intégrer. Du coup, nous allons prendre point par point, et dire ce qui est conforme ou pas, en accord avec les acteurs dont la DGEC », détaille Aristide Belli.

Mais malgré ces ressources, les démarches demeurent chronophages pour les entreprises du bâtiment, tout particulièrement les petites structures et indépendants. Julien Panico, artisan maçon et membre de la Capeb Somme, en sait quelque chose. « À l'échelle d'un artisan, c'est 900 heures par an. Quand on le multiplie par le nombre d'entreprises, cela représenterait 400 millions d'heures en France. Aujourd'hui, c'est l'équivalent de 250 000 temps plein qui sont immobilisés à faire de l'administratif en France », estime-t-il.

Alors qu’il suivait un cursus en Immobilier Bâtiment Durable à l’École des Ponts, le dirigeant d’une coopérative d’artisans a mis en place un outil. Baptisée Solutions Artisans, la plateforme « a pour vocation d'accompagner l'artisan dans un cadre digital pour le montage des dossiers d'aide pour ses clients. Quand on parle d'aides, on parle de MaPrimeRénov’ et des CEE », nous présente Julien Panico. Solutions Artisans soutient aussi le professionnel dans sa qualification RGE. « C’est-à-dire qu’en un clic, en moins de 15 minutes aujourd'hui, l’artisan peut éditer son dossier pour faire son renouvellement », précise son créateur. 

Mais une telle solution est-elle adaptée à des artisans et aux petites entreprises du bâtiment, encore aux balbutiements de leur transition numérique ? « Deux choses qu'on avait isolées dans la genèse : il ne fallait pas que ce soit plus compliqué qu'utiliser un smartphone ou Google. Il fallait que ça fasse gagner énormément de temps, que ce soit surtout gratuit, et que ça ne capte pas de valeur chez l'artisan », nous répond Julien Panico. 

Or Solutions Artisans coûte « zéro pour l'artisan aujourd'hui. C’est une refacturation au niveau du client. Mais le client derrière, il a une solution clé en main, où on est venu l'accompagner. On lui a monté ses dossiers d'aide, éventuellement, on lui a proposé du financement. Il a un carnet d'informations du logement avec un QR code et une puce NFC intégrée à son logement ».

D’autant que Solutions Artisans va plus loin dans son suivi. « Aujourd'hui, on a même une solution qui est dans les tiroirs, avec une IA qui répond directement aux interrogations de l'artisan, qui peut faire des copier-coller, lui rédiger ses lettres de relance client. Même à une question assez technique, qui sort de la partie financière, on peut avoir une traduction et une transcription dans un langage courant et intelligible pour l’artisan ».

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock

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